Introduction
Ce qui n’était à l’origine qu’un petit billet pour accompagner la publication de mon dernier projet (cf. InColors : Le making of) va sûrement devenir un format de billet récurrent sur le Blog. La bonne nouvelle, c’est qu’il vous est désormais assez simple de deviner le sujet de quelques un des prochains billets ;-).
Plus sérieusement, j’y vois certains intérêts. Tout d’abord, ça me force à écrire un peu sur mon travail, à y réfléchir, et ça n’est pas peine perdue, étant donné que je fais ça assez peu naturellement. Sur la cinquantaine de billets du Blog à l’heure actuelle, c’est seulement le deuxième consacré à mes propres projets. Soit… 4% du total. Bon, le Blog n’a pas vocation à ne parler que de mes projets, hein, mais il y a sûrement un juste équilibre à trouver. L’autre aspect que j’aime beaucoup, c’est que ça démystifie un peu les choses. Parce que d’une certaine façon, en montrant les coulisses, je ne montre qu’une chose : il faut juste s’y mettre, et ça n’est pas bien compliqué une fois qu’on est lancé. C’est quelque chose d’assez positif, et une idée que j’aime bien diffuser. Et puis bon, si je regarde du côté des photographes qui m’inspirent (au hasard William Eggleston, Robert Frank ou Cartier-Bresson) ils sont plus enclins à expliquer, raconter et partager pour inspirer et aider, qu’à l’inverse. Donc, on est reparti.
Comme le précédent Making-of, ce billet sera assez court, il n’y a pas matière à s’étendre pendant des heures non plus.
Ps : la série dont il est question est visible ici : Rouen
L’idée de base
Cette série d’images est la plus ancienne que j’ai commencée sérieusement. J’ai dû la démarrer dès la fin de 2013 (on y reviendra) et je la continue encore actuellement. L’idée de base était simple, j’avais envie de photographier ma ville (oui, je suis Rouennais), comme je la voyais moi. Enfin, pour être plus précis : comme j’avais envie de la voir moi. Parce que Rouen, c’est certes une ville que j’adore, mais c’est un méchant bordel, où rien n’est droit ni cohérent, ce qui en fait d’ailleurs le charme.
La ville se situe sur deux rives, et est l’inverse de Paris : la rive droite est la rive historique, tandis que la rive gauche est plus populaire. Côté rive droite se trouvent mélangés des quartiers datant du Moyen-âge, comme le quartier des antiquaires, avec des coins plus modernes, comme la Fnac, la fac de droit, ou tout ce qui est entre la Cathédrale et les quais, qui ont été reconstruits après la guerre. C’est aussi une ville très touristique, qui, dans l’imaginaire populaire est représentée par son Gros-Horloge, et généralement avec une esthétique des plus flashy. Je vous laisse découvrir par vous-mêmes.
Bref, tout ça pour souligner que c’était très loin de satisfaire mon petit esprit fait de rouages mécaniques et ne jurant que par l’ordre. Du coup, je me suis mis en tête de photographier la ville, à ma façon, pour en quelque sorte ranger tout ça. Enfin, conceptuellement hein, parce que la ville, elle, n’a pas bougé d’un pouce.
Le titre
Bon, pour le coup, c’est vrai que je n’ai pas été chercher le titre bien loin. La série porte sur Rouen, et s’appelle donc… « Rouen ». Et quelque part, c’est assez logique, je voulais que les images soient directes, sans fioritures, donc bon, il aurait été un peu mal venu de trouver un titre pompeux simplement pour faire joli dans le menu de mon site web. Comme je le dis souvent (mais l’écris rarement), les solutions les plus simples sont souvent les meilleures.
La série est accompagnée de cette phrase :
Entre mes racines et mes branches, à l’architecture alambiquée, voici ma ville en instantanés rangés.
Il s’agit d’une petite référence à ma vie personnelle, j’ai grandi dans une ville de campagne (Gaillon représente !) mais je vis à Rouen, où j’ai fait mes études. Désormais, j’oscille entre cette ville et Paris. Comme il s’agit d’une sorte de transition, on peut considérer qu’elle se situe « entre mes racines et mes branches ». Pour le reste, le texte ci-dessus vous l’a déjà expliqué.
Réalisation
La réalisation de cette série s’est étalée sur plusieurs années, je l’ai commencée fin décembre 2013 quand j’ai racheté un boitier, et je la poursuis encore actuellement. C’est un projet que je mène tranquillement, par exemple certaines des images que j’y ai ajoutées récemment ont été prises… il y a 2 ans. Étaler la production sur une longue période correspond aussi au projet, mais j’en parlerai un peu plus dans la partie suivante.
Quant au matériel, nécessaire à la réalisation et passage obligé d’un Making of, j’ai dû utiliser à peu près tout ce qui m’est passé sous la main. Honnêtement, si je regarde les données EXIF (que vous pouvez trouver tout seuls si vous êtes malin s!), c’est un peu la foire du Trône. Comme quoi, l’unité visuelle ne se bâtit pas uniquement sur la cohérence technique, et encore heureux. En vrac j’ai dû utiliser :
- Un boitier reflex d’entrée de gamme, et mon boitier actuel.
- Un objectif équivalent à 75mm en plein format.
- Un objectif équivalent à 17-24mm en plein format.
- Un objectif équivalent à 120-300mm en plein format.
- Un objectif équivalent à 38mm en plein format.
- Un objectif équivalent à 24-70mm en plein format.
Bref, tout ce que j’ai eu à un moment ou à l’autre entre les mains. Exception faite de mon Smartphone, qui shoote pourtant en RAW. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, étant donné que je l’ai toujours avec moi, bref. Je précise, pour la forme, que ça peut paraître beaucoup comme matériel, mais qu’il faut considérer les points suivants :
- Je n’ai pas possédé tout ça au même moment. J’ai acheté, revendu, essayé, etc. Ainsi, je n’ai pas démarré la série avec tout ça dans le sac à dos. La production s’étant étalée sur plusieurs années, forcément il y a des images prises avec un peu tout.
- Certains des objectifs m’ont coûté une bouchée de pain sur le marché de l’occasion (grâce à la marque de mon boîtier, qui a conservé la même monture longtemps). Je vous mets au défi de me dire quelles images ont été faites avec l’objectif le moins cher et inversement. C’est impossible à deviner.
- Globalement, on s’en fout (cf. Pour en finir avec le matériel), j’aurais pu faire cette série avec n’importe quel zoom d’entrée de gamme et un peu de jugeote. Je liste le matériel, parce que c’est le principe d’un making of, et parce que pour ce que ça dit du travail sur la cohérence, c’est intéressant, mais ne vous prenez pas le chou à ce sujet. Faites avec ce que vous avez, et ça sera toujours mieux que rien.
Concernant la technique, là aussi, les situations ayant été très différentes, il n’y a pas eu un réglage constant comme je peux l’avoir sur d’autres projets (on y reviendra dans un prochain Making of). Les conditions lumineuses, entre la nuit noire et le plein cagnard sont très vastes et j’ai fait en fonction d’elles. Pour le fun, en voici 2 qui méritent d’être retenues :
Pour cette image, je voulais photographier la place de la Cathédrale, vide de monde. Ce qui est extrêmement compliqué à faire de jour, étant donné qu’elle est au croisement de deux rues commerçantes et d’un des lieux qui attire le plus les touristes (la Cathédrale, suivez un peu). Du coup, cette image est une compilation de 80 prises de vues, faites toutes les 10 secondes pendant 65 minutes. Ce qui va clairement à l’opposé de l’image suivante.
J’ai pris cette photographie le 31 décembre 2013 (ou le 1er janvier 2014), je ne me souviens plus, j’avais picolé. Bref, c’était maximum deux semaines après que je me sois sérieusement remis à la photographie. J’étais à la fenêtre, l’homme au milieu de la rue l’a traversée, j’ai déclenché deux fois, la deuxième était la bonne. Des fois, il n’en faut pas beaucoup plus.
Tout ça pour dire que, si ce n’est pas via le matériel, ni via la technique que l’on produit un projet cohérent, enfin pas exclusivement, c’est bel et bien via… l’édition.
Edition
Alors voilà la grande question : comment un projet étalé sur plusieurs années, avec un matériel très variable, et une technique qui l’est tout autant, on aboutit à un projet cohérent ? Eh bien, en sachant dès le départ ce que l’on veut.
Comme je le disais ci-dessus, le principal trait de ce projet, c’est d’ordonner la ville, via la photographie. Donc je n’ai gardé que les images qui étaient rigoureusement composées, et avec une grande profondeur de champ. J’ai aussi une préférence pour les images symétriques (comme pour plus haut, où j’ai méticuleusement compté les petits saints pour être sûr d’en avoir autant de chaque côté), et droites.
L’autre trait caractéristique de ces images est leur relative intemporalité. Ce n’est pas aussi vrai pour toutes, mais c’est un élment qui lie les images. Toutes ces photographies auraient pu être prises une heure avant, une semaine après, voire plusieurs années, on aurait eu la même photographie. Cela sert aussi le projet, l’ordre n’existant vraiment que s’il se maintient dans le temps. C’est aussi pour ça qu’il y a peu, voire pas de personnes sur les images, les vêtements des gens les lient trop à une certaine époque, ce qui casse le sentiment que je voulais développer. C’est une chose que j’ai découverte au milieu du projet, et qui m’a encouragé à continuer dans ce sens (en cela, c’est donc une influence), mais on retrouve ça aussi dans l’oeuvre de Gabriele Basilico, un photographe italien.
Enfin, il ne vous aura pas échappé que ces images sont en noir et blanc. Cela n’a pas toujours été le cas, il y avait quelques photographies en couleur au début, que j’ai retirées dans un souci de cohérence. C’est aussi ça le travail d’édition, savoir enlever, même quand ça fait mal, pour que le reste n’en soit que meilleur. Je ne suis pas parti d’une simulation de pellicule ou autre pour ces noir et blanc, j’ai produit les images au fur et à mesure selon le rendu que je voulais. Au final, j’en ai fait un preset Lightroom, que j’utilise et adapte au besoin. Cela me permet d’être encore plus cohérent d’une image à l’autre. Car, comme je le disais, c’est un projet au long cours, d’où l’on dévie plus facilement.
Tirages
Pour cette série, je n’ai pas fait de carnet comme pour InColors, car je trouve que cela s’y prête encore assez peu. C’est un projet de long terme, je le ferai sans doute mais d’ici 10-15 ans, quand le corpus d’image sera vraiment exhaustif. Oui, quand je dis long terme, je pèse mes mots (en général).
En revanche, les images étant intemporelles, et symétriques, elles se prêtent très bien à l’exposition. Si vous souhaitez commander un tirage, toutes les informations sont ici : Tirages.
Conclusion
Le making of est un format qui me plaît bien au final, le premier était plutôt un essai, mais les retours que j’ai eus à son sujet, comme ce que ça m’a personnellement apporté de coucher ça noir sur blanc en ont fait une expérience positive. J’en ai presque hâte de faire le prochain.
N’hésitez pas à utiliser la boite à commentaires pour me raconter comment vous vous faites vos projets, ou me poser des questions sur ce que j’aurais pu oublier de préciser, pour cette série. Prenez des photos et prenez soin de vous.
Ps : Si le sujet vous intéresse, j'ai écrit un livre complet sur la création de projet . Il vous apprendra comment développer une photographie personnelle, rester motivé, et trouver votre style grâce à un projet photographique. Découvrez-le ici : Vers la lumière.
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