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Le 50e silence : Le making of

Je ne sais pas par où commencer. Même là, j’écris ces lignes, je vois le texte s’allonger petit à petit, j’imagine que vous aussi vous vous demandez où ça va et… je ne sais pas par où commencer. J’ai toutes les briques, tous les morceaux, mais tout ça traîne depuis tellement longtemps que je ne sais pas par où commencer.

Bon, du coup, on va faire simple, on va faire comme d’habitude. À chaque fois que je crée un projet photo, et depuis les débuts du Blog, j’écris un petit making-of. Il y en a plein. Certains de projets que je ne montre plus, parce que j’ai changé, d’autres que je montre encore, parce qu’ils me plaisent toujours. On va donc faire ça, suivre le plan que je répète à chaque fois. C’est bien de suivre un plan, des fois.

On a le temps de rentrer dans le détail, mais je vais vous expliquer les grandes lignes pour que vous compreniez. J’écris ces lignes à l’aube de 2025, dans les dernières heures de 2024. Ce projet a démarré lors du Covid. C’était mon projet du Covid, l’exutoire créatif que l’on a tous un peu eu et que j’ai bouclé ensuite. Le fait est que je n’ai jamais su trop quoi faire de ces images ensuite. J’avais un plan pour une exposition (et je trouvais que c’était une belle finalité pour ces images, j’avais pas mal d’idées pour ça), mais il est tombé à l’eau pour des raisons financières indépendantes de ma volonté. L’exposition devait être faite à deux (avec un camarade photographe). On a parlé de faire un zine, mais le projet traîne, faute de temps pour chacun de nous deux. Et donc, nous y voilà. Je ne voulais pas entamer une nouvelle année avec ce projet dans le fond d’un tiroir en me demandant quoi en faire, donc je vais le faire vivre ici, un peu, avant peut-être de lui trouver un sens ou une place ailleurs.

L’idée de base

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L’idée de base derrière le projet est assez simple en vérité, et je pense qu’on est pas mal à l’avoir eue durant cette période. Il ne vous a sans doute pas échappé que le monde s’est mis en pause pendant quelques semaines, quelques mois, à chaque confinement. Les sorties (vous vous souvenez des auto-autorisations qu’on devait se faire ?) étaient un bol d’air frais, que l’on s’octroyait entre quelques Teams et des plats glanés aux restos du coin qui travaillaient encore (j’habitais dans le Vieux-Lille à l’époque, c’est pratique pour ça). Bref, les sorties, c’était un peu la bouffée d’oxygène et je pense que, consciemment ou non, c’est ça qui s’est retrouvé dans mes images, ce que je voulais y voir : des images qui sentent l’air frais (on en reparlera).

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J’ai fait quelques-unes de mes images préférées pendant cette époque, je pense. C’est encore le cas quand je les regarde aujourd’hui. Et j’ai travaillé à collecter ça : ma région proche, en pause. Sans nous, qui grouillons dessus partout, tout le temps, dans tous les sens. Un milieu urbain, mon sujet de prédilection, mais plus calme, posé.

Une fois le Covid passé, j’ai continué à collecter des images dans cet esprit, et puis, comme toute chose qui s’est terminée sans qu’on se l’avoue, la passion et l’envie sont parties petit à petit. Je l’ai mis dans un tiroir et je lui ai dit : « Vas-y, attends-moi là, on verra ça plus tard. »

Le titre

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J’ai mis beaucoup de temps à trouver un titre pour ces images. Je ne sais même pas si je suis absolument satisfait de celui que j’ai trouvé. J’avais un titre provisoire immonde, mais j’ai la chance de ne pas y avoir cédé par dépit. J’entends encore Paul Napo disant en blaguant que « tous mes projets photo ont des noms qui commencent par NO » et qu’il ne fallait pas garder les idées qui commençaient par « no ». Et je me souviens surtout, d’avoir galéré un peu. Mais là encore, j’ai fait simple : j’habite au-dessus du 50ᵉ parallèle Nord, et les images, silencieuses, ont été prises dans le silence, globalement dans cette région. Je ne l’ai pas appelé juste « Nord », ni « Nord-silence », et je garde « Nord-Landeau » pour un hypothétique projet de photos de poussettes à Roubaix.

Réalisation

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C’est dans ce genre d’images qu’on sent l’influence qu’à eu Notice de Wesley Verhoeve, j’en avais parlé ici.

Un jour, je vous ferai un article sur Todd Hido, promis. Enfin, un qui raconte son parcours, pas un qui liste ses conseils comme celui-là :

Dans une interview, et je serais bien infoutu de vous retrouver laquelle, il explique qu’un des meilleurs conseils qu’on lui ait donnés, c’est d’acheter une voiture et de l’utiliser (sinon ça fait cher le presse-papiers). Ce conseil a été déterminant pour son projet House Hunting.

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House Hunting – T. Hido

Et c’est sans doute un conseil qui, même sans être central, m’a bien aidé ici. J’ai vadrouillé un peu à droite, à gauche. Autour de Lille, Lens, Arras aussi (et un peu ailleurs, mais les images n’ont pas terminé dans la sélection finale). Principalement pendant les périodes hors confinement, mais prendre la bagnole et rouler un peu, pour voir d’autres choses, c’était intéressant. On a, pour quelques heures, une légère sensation de nouveauté, ça ne fait pas de mal.

Au-delà de cet aspect organisationnel sauce sérendipité, pour la réalisation pure et dure des images, j’ai utilisé mon appareil numérique habituel (un fidèle Fujifilm X-T4) et les focales que j’avais tout le temps sur moi à l’époque : le 23 mm f/2 WR et son homologue en 35 mm1.

Il n’y a eu quasiment pas de retouches sur les images. Ce n’est pas du tout par purisme ou par conviction, simplement que pour ce projet, dans ce contexte, le rendu par défaut de l’appareil et, parfois, un coup de correction sur Lightroom de l’exposition suffisaient à rendre ce que je voulais. Les images en noir et blanc ont été faites avec un « preset » Fujifilm pour le noir et blanc (basé sur la Tri-X ou la HP5+ selon mon humeur). Si vous voulez en apprendre plus sur les presets et comment je fais ça, j’avais fait une vidéo ici pour vous montrer comment ça marche :

J’ai aussi complété le projet avec un peu d’argentique. J’ai principalement utilisé mon vaillant Nikon F100 et mon non moins pimpant Yashica Mat 124G. Pour les films, c’était simple : du Kodak avant que ça ne devienne hors de prix, principalement de l’UltraMax 400 et de la Portra 4002. Il n’y a pas eu tellement d’impact sur la pratique et sur les images, dans le sens où je travaillais déjà avec une matière première assez calme, et le ralentissement (de par le processus et le coût) inhérent à l’argentique n’a pas changé grand-chose au final. Concernant le développement, le scan et la gestion de tout ça, je ne vous refais pas l’histoire : c’est exactement la même chose que pour Noctabilia.

Édition

L’édition, c’est le travail de sélection et de tri des images, c’est celui de l’éditeur. Les Anglais disent editing pour ça. Je ne l’entends pas comme le travail de développement et de retouche des images, bien qu’on l’utilise parfois dans ce sens en français. C’est la partie que je préfère. J’aime bien le faire pour moi, encore plus pour les autres : en parler, expliquer mes choix, et ainsi de suite. J’aime tellement ça que j’en ai même fait un cours de 5 heures (avec une partie théorique et une partie pratique) pour vous transmettre la flamme, la passion de l’édition.

Image - Le 50e silence : Le making of - Thomas Hammoudi - MakingOf
Cliquez ici, ça marche aussi.

Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas ça qui fait que j’aime autant les livres photos, et surtout les monographies (plus que les recueils et les livres thématiques) : on y voit un travail édité et bien ficelé, qui nous emmène de A à B. Et, à la différence de l’exposition, on peut le revoir plein de fois, sur plusieurs années, le décortiquer… Bref, je m’égare : j’aime éditer.

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Le problème, c’est que pour ce projet en particulier, je suis bien incapable de vous expliquer comment j’ai fait, quel fil conducteur j’ai suivi, et pourquoi j’ai davantage fait tel ou tel choix. Pour le dire de façon plus rapide, prosaïque et directe (souvenez-vous que pour moi, l’horloge tourne avant 2025 et que je ne veux pas emmener cet article avec moi) : je n’en ai aucune, putain, d’idée. Pas la moindre.

En vrai, j'ai presque envie de lancer un nouveau concept. Je pose ça là, on voit si ça marche, et si dans quelques mois je ne trouve pas ça débile et que vous continuez de trouver ça pertinent, on le garde ?

J’ai fait une édition musicale. Vraiment, en le faisant et en y repensant maintenant, j’ai l’impression d’avoir créé comme je crée avec un instrument de musique. On a une notion de base, une idée, un thème, et on se laisse porter. On enlève ce qui casse l’ambiance, on garde ce qui la renforce. Et on fait ça de façon cyclique. Quand j’improvise, je vais démarrer un morceau avec une certaine ambiance, un certain état d’esprit, et autour de ça, je construis. Bah là, ça a été un peu pareil. Autant pour Noctabilia, je pouvais parfaitement vous expliquer le sens sous-jacent, les liens entre les images, la narration, autant là, c’est plus difficile.

L’idée de base, c’est que je voulais : « des images qui sentent l’air frais ». Voilà, faites ce que vous voulez avec ça.

Je ne sais pas pourquoi j’ai bloqué sur cette sensation-là, cette idée-là, parce que les images ont été prises à un peu toutes les périodes. Mais je voulais qu’elles sentent l’air frais, c’est comme ça.

Partant de là, c’était un peu l’inverse du travail d’édition que je fais d’habitude. D’habitude, j’ai une idée fixe, une direction, les grandes lignes, et je me casse la tête pendant des plombs pour savoir si, oui ou non, une image va rentrer dedans, faire sens, aller avec la suite. Là, c’était totalement l’opposé : en voyant une image, je savais si, oui ou non, elle allait dans le projet, et je n’ai que peu changé d’avis. Entre la sélection finale et la toute première, il y a beaucoup d’images en commun. Par contre, je serais bien incapable de vous expliquer pourquoi.

À titre d’exemple, je vous mets une des premières sélections que j’ai faites, datant de décembre 2021.

J’ai hésité sur le périmètre et je pense que j’ai pris la bonne décision. Au début, je pensais inclure une sélection d’images plus large que celles prises dans le Nord mais « dans le même esprit ». C’était une erreur bête : j’ai vu une trame dans les images du Nord et je me suis dit : « Hé, mais j’en ai d’autres, des images qui pourraient aller avec en fait ! » et j’ai essayé de reconstruire a posteriori un truc de bric et de broc. Ça ne marchait pas trop. Mais les images du Nord qui sont là l’ont quasiment été jusqu’au bout. Parce qu’elles sentaient l’air frais.

Ne me demandez pas pourquoi. 🤷🏻‍♂️

Diffusion : exposition, zine & web

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La diffusion, c’est la partie la plus délicate autour de ce projet. Je pense que c’est en partie psychologique, avant tout. On vit à l’époque des chiffres, des likes, de la mesure, du nombre d’abonnés. Ayant pris la parole sur Internet il y a quelques années et développé une petite audience, j’ai toujours un peu l’impression de travailler avec quelqu’un qui regarde de temps en temps par-dessus mon épaule. Même si je trouve ça très nul, je suis moi-même enclin au « toujours plus » et à la peur de décevoir.

Mon avant-dernier projet avait été édité en livre, j’avais fait un zine et une exposition pour le suivant, et j’aurais bien aimé exposer celui-ci. J’avais des idées marrantes de mise en scène, comme avec les deux images ci-dessus, qui n’ont rien à voir, mais qui auraient pu être intégrées dans une scénographie intéressante. Mais ça ne s’est pas fait : comme je vous le disais, la galerie qui devait nous accueillir a eu des petits soucis financiers.

Après, je me demande juste si ce n’est pas, aussi, une question d’énergie et d’envie. Rien ne m’empêchait (ni ne m’empêche actuellement) concrètement d’entamer les démarches pour en trouver ou en louer une autre. Je n’en ai juste pas l’envie. Et si j’arrive à passer des soirées et des soirées à créer un chineur de livres photo mais pas pour ça, c’est sans doute qu’au fond de moi, ça m’allait bien comme ça. Ce projet-là aura juste une histoire un peu différente.

Pour le moment, il est présent sur mon site web. WordPress ayant pas mal évolué, j’ai bossé la mise en forme, comme une micro-exposition, avec son rythme, ses différentes tailles d’images et ainsi de suite. Je ne saurais que vous recommander de le regarder sur un ordinateur : ça n’est vraiment pas foufou sur smartphone (vous me direz, les livres photo ne sont pas non plus incroyables sur smartphone, le monde est cohérent).

Du reste, je ne pense pas que ça ira plus loin, pas pour le moment. Je ne compte pas le diffuser sur Instagram, c’est un peu éloigné de ce que je fais actuellement. C’est comme sortir l’épisode 4 d’une série après les 7, 8 et 9 : on n’y comprend plus rien. Je préfère le joyeux bordel coloré que je suis en train d’y constituer.

Quant au projet de zine, il n’est pas totalement perdu. On a des idées de mise en forme, d’autres pour rendre ces objets plus uniques. Mais les journées ne font que 24 heures, les années seulement 365 jours, et pour ça, il n’y a pas encore de place. Et il n’y en aura plus en 2024.

Conclusion

Bon, tout est bizarre. La période créative pendant laquelle j’ai démarré ce projet a été bizarre, les projets avortés, les images qui restent dans un coin pendant des années, c’est une vie un peu bizarre pour elles. Il est assez logique que cet article ait pris la même direction, que le ton ait été un peu différent de ce que je fais le reste du temps. Mais je ne vous cache pas que c’est agréable de me dire que c’est terminé, que ce sujet-là est traité, cette page-là est tournée, je peux passer à la suite tranquillement.

Si vous avez des questions sur le projet, des choses que je n’ai pas assez développées ou autre, n’hésitez pas, ce genre d’article sert à ça. C’était un peu compliqué à écrire tout ce temps après, parce qu’on oublie les choses et qu’on ne s’en souvient pas forcément comme elles ont été, mais promis, je ferai au mieux pour vous répondre. À l’année prochaine, tic tac. 🕰


Je vous laisse avec la bande originale de Days of the Jackal. Bien que la série ait quelques petites longueurs, c’est globalement un bon divertissement, et la bande originale est très chouette (sauf Harry Styles, sérieusement, qui écoute Harry Styles de One Direction ?). Et bon, ça change ma femme du metalcore, elle ne se plaint pas.


  1. Je dis « à l’époque » parce que maintenant j’ai un parc optique un peu plus large, du fait d’envois de certaines marques, et que je « compose mon sac photo » en fonction des besoins. Comme un petit prince des lentilles, mais sans saucisses. ↩︎
  2. Je le dis pour ceux que ça intéresse : je me suis quasiment décidé à vendre mon stock de films argentiques. Malgré mes efforts, je n’arrive pas à les utiliser. Je finis toujours par avoir la flemme de me recoller, à nouveau, toutes ces étapes, et je repasse sur le numérique où, comme vous le voyez, j’arrive à obtenir ce que je veux comme je le veux. Cette vente met, de facto, un coup d’arrêt à ma pratique de l’argentique. Je garde cependant le matériel hors consommables (pour le moment), en espérant qu’il ait une troisième vie auprès de ma fille un jour. ↩︎

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