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5 livres photo à lire cette année (2023)

Sans surprise aucune, cette année fut encore une belle année pour les acquisitions de livres photo. J’ai désormais des statistiques dans Notion et à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai acquis 51 livres en 2023 (contre 47 en 2022). Évidemment, il y a les achats, les cadeaux et les envois « presse » des éditeurs là-dedans. Du neuf et de l’occasion bien chinés. Ces livres (quand ce ne sont pas des livres thématiques) ont été produits par les 47 photographes/auteurs suivants :

Alessandra Sanguinetti, André Gunthert, Anna Malagrida, Bruno Labarbère, Céline Clanet, Clément Chéroux, Cliff Chan, Daniel Tchetchik, David Campany, David Van Der Leeuw, Denis Dailleux, Dolores Marat, Francesca Todde, Francesco Merlini, Franck Gérard, Géraldine Lay, Guillaume Blot, Henrika Stahl, Ilse Bing, Jean-Christophe Béchet, Joel Sternfeld, Klavdij Sluban, Larry Clark, Lee Friedlander, Lee Kyunghee, Louise Enhörning, Luigi Ghirri, Martin Parr, Mathilda Olmi, Nicolas Floc’h, Noémie Goudal, Olivia Locher, Paolo Roversi, Pierre Belhassen, Ray K. Metzker, Robert Mapplethorpe, Patti Smith, Sarah Von Rij, Simon Baker, Stéphane Mahé, Stephen Shore, Terri Weifenbach⁣, Thibault Jandot, Tom Wood, Ulrich Lebeuf, William Eggleston, Wim Wenders.

Et ils ont été édités par les 33 éditeurs qui suivent :

Actes Sud, Atelier EXB / Éditions Xavier Barral, Auto-édité 💪🏻, Carnet de rhinocéros, Chronicle Books, Delta, Départ Pour l’Image, Départ pour L’Image, Distributed Art Publishers, Éditions FP&CF, Éditions GwinZegal, Epic, ESA, Eyrolles, Gallimard, Grove Press, Hazan, Héméria, Hoëbeke, Institut Valencià d’Art Modern, Kehrer Verlag, Kominek Gallery, Le Bec en l’air, Les Éditions de Juillet , Loco, Mack, Phaidon, Poursuite Éditions, Schirmer Mosel, Steidl, Tate Publishing, Textuel, TF Editores & Interactiva S.L.U.

Dans tous ces livres, y a eu des choses que j’ai adorées et dont j’ai envie de vous parler. C’est pour ça que depuis 2017 je fais des articles intitulés « 5 livres à lire en … » (que vous pouvez tous retrouver ici), qui sont un peu des mini-best of de fin d’année regroupant ces coups de cœur ❤. Je n’en avais pas fait l’année dernière, car j’étais un peu rincé du format : celui de 2021 faisait 15 000 mots, parce qu’il y avait eu plein d’invités. C’était quasiment un petit magazine. On va dire que ça suffisait pour deux ans.

Me revoilà donc avec une nouvelle liste pour cette année. Ce n’est pas totalement un « top » parce que :

  • Il y a des livres que je n’ai pas encore lus (je viens de les acheter),
  • Il y a des livres dont je vous ai déjà parlé avant (comme les travaux de Géraldine Lay ou ceux de Ray K. Metzker) et je ne vais pas me répéter,
  • Il y a des livres que je mets de côté pour des vidéos à venir, où ils feront plus sens qu’ici.

Mais pas de panique, dans ce que j’ai lu cette année, il y a bien plus que 5 pépites 🥇 pour composer cet article. Découvrons ça.


Jean-Christophe Béchet. Sauvage matérialité. Loco.

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Jean-Christophe Béchet. Sauvage matérialité. Loco.

Dans l’article sur Ray K. Metzker, je disais que ça faisait 10 ans que j’avais repris sérieusement la photographie. Sauvage Matérialité est mon 10e livre de Jean-Christophe Béchet. Je pensais dire, avec humour, que c’était comme le beaujolais nouveau : j’en achète 1 chaque année, mais il n’y a même pas besoin de faire la plaisanterie, c’est juste la vérité 😅.

PS : Je n'ai que 7 livres d'Eggleston par contre 🤔

Et j’ai beaucoup aimé le livre de cette année (plus que le beaujolais surtout, je n’ai aucune idée de pourquoi les gens boivent ce truc insipide 🤷🏻‍♂️). C’est un livre qui a le mérite de mettre les deux pieds là où on ne va pas assez : la matérialité de l’image. Son aspect physique, tangible, concret. À l’époque où on nous baratine avec les NFT, ça fait du bien. Enfin, baratinait, car je constate que plus personne n’en parle et que tous les ayatollahs ont disparu, mais c’est une autre histoire. Revenons à nos moutons 🐑.

Pour Jean-Christophe Béchet, la photographie est un objet avant tout. Souvenez-vous, on en avait parlé dans cette interview :

Dans Sauvage Matérialité, il nous montre toutes les expérimentations qu’il a pu faire tout au long de sa carrière, que ça soit via des techniques argentiques ou numériques, en combinant négatifs, tirages, polaroids, scans et impressions jet d’encre. Tout y passe. D’ailleurs, ironiquement, pour lui, le numérique a ouvert la voie à une renaissance matérielle de la photographie grâce à la variété de papiers artistiques et autres supports qu’il offre. Certes, les accidents ne sont plus chimiques, mais on peut imprimer de tellement de façons différentes, qu’il y a aussi plein de façons magistrales de se planter.

C’est un sujet qu’il aborde aussi dans les échanges qui composent la fin du livre : pour lui, l’accident en photographie est une source de poésie inattendue et un pilier de sa démarche créative. Il valorise la beauté des erreurs, des ratés et des imperfections qui confèrent à l’image une dimension supplémentaire. J’ai bien aimé l’idée que, paradoxalement, comme il le dit, il est plus difficile de faire une bonne image ratée qu’une bonne image tout court. Foirer demande du talent.

Dans le livre, il utilise la couleur avec une approche très artistique, presque expressionniste, s’émancipant des normes colorimétriques conventionnelles (autrement dit : on s’en cogne des profils colorimétriques, ça n’est pas le sujet). Il aspire à s’affranchir des contraintes et algorithmes imposés par le matériel numérique pour redécouvrir des teintes « sauvages », singulières.

En dehors de l’intérêt des expérimentations qu’il contient, je retiens de cette lecture plusieurs idées qui m’ont marqué. Je les partage avec vous, c’est mon petit cadeau 🎁 de fin d’année :

  • La photographie est et restera un objet parce que… personne ne paierait 10 € par mois pour recevoir une sélection de photographies sur son ordinateur. Autrement dit, le Spotify de la photographie n’existe pas et personne n’en voudrait. Des objets, des objets !
  • « La photographie est née d’un malentendu. » C’est une citation de Michel Poivert. On l’a rattachée aux arts graphiques pour sa reproductibilité. Mais c’était une erreur : chaque tirage est unique, elle n’est donc pas si « multipliable » que ça.
  • Pour Jean-Christophe Béchet, la photographie est essentiellement un art de la mémoire, figeant toujours le passé. Il observe que les images photographiques s’enrichissent souvent de profondeur et de pouvoir évocateur avec le temps, comme elles se parent d’une patine.
  • Fervent partisan d’un art photographique accessible à tous, il prône aussi la disponibilité des œuvres photographiques à des tarifs abordables, afin de démocratiser l’accès à la photographie d’art. Il est convaincu que l’essence d’une photographie se révèle pleinement lorsqu’elle est imprimée, devenant ainsi un objet tangible, essentiel à la transmission de l’image.

Si vous voulez creuser ce dernier point, je vous invite à lire ce billet :

Donc, pour résumer : entre les interviews et les expérimentations de toutes sortes, c’est un livre avec une proposition assez unique. Et qui, à sa façon, remet poliment l’église au milieu du village.

Bruno Labarbère. Mizuwari. Héméria.

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Bruno Labarbère. Mizuwari. Héméria.

Pour le deuxième livre de cette sélection, on va faire les choses à l’envers : je vais vous expliquer pourquoi je vous en parle, puis on verra un peu ce qu’il contient.

Le livre précédent nous rappelait que les photographies sont des objets. Celui-ci nous rappelle qu’un livre photo est aussi un objet.

Pendant très longtemps (jusqu’aux années 2010, disons), les livres photo n’ont été vus que comme des collections d’images. Vous aimiez un photographe, vous achetiez un gros paquet de ses images reliées et voilà. Il y a bien évidemment eu pas mal d’exceptions à ça, mais c’était la tendance dominante. Je suis régulièrement choqué de voir des séries « cultes », dans des objets purement dégueulasses quand je vais fouiller chez un bouquiniste.

J’étais par exemple tombé sur le livre Projets de Nikki S. Lee à New York. Eh bien, je l’ai reposé bien vite. La maquette était immonde 🤮.

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D’ailleurs, la forme des livres photo, j’en avais parlé (avec plein d’autres sujets) dans cet article aussi :

Bref, dans son livre, Bruno (oui, je peux l’appeler par son prénom, on se connaît un peu) a vraiment fait un travail de dingue sur la forme. Il ne s’est pas contenté de rassembler toutes ses images, d’en faire une pile et de relier le tout. On y trouve des dépliants, des papiers différents, une reliure avec des anneaux rappelant les cahiers de voyage. C’est un objet à part entière, qui a une vraie personnalité et donne une tout autre dimension au travail qu’il contient. Et ça, quand on aime les livres photo, eh bah, c’est putain-de-cool.

Je vous mets des images, que vous ayez une petite idée de la forme :

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Vous pouvez voir la jolie reliure ici.

Bon, « c’est bien beau tout ça, mais y a quoi dans le livre ? » vous me direz.

Eh bien, avant tout : le travail de Bruno Labarbère. Pour vous la faire courte, c’est un photographe français né en 1987 et qui se destinait à la base à l’ingénierie automobile. Il se met à la photo, commence un BTS qu’il ne termine pas, puis bosse pour l’intégralité du monde de la photo (vendeur au Leica Store, chef de rubrique photo chez LesNumériques.com, journaliste pour Réponses Photo et Le Monde de la Photo. Vous l’avez probablement déjà lu). Lors du premier confinement, il a commencé à mettre de l’ordre dans ses images et ça a donné Mizuwari. Le tout avec une teinte de photographes comme Daido Moriyama, William Klein et Ed van der Elsken.

Mais ce livre, c’est encore Bruno qui vous en parle le mieux :

Ce livre n’est pas un livre sur le whisky. Il est plutôt celui d’une déambulation semi-éveillée dans les ruelles de Tokyo, de bar en bar, à la rencontre, généralement fortuite, des amateurs de mizuwarihighballs, umeshus et saké sours qui, à la nuit tombée, verre après verre, rappellent que si le Japon a beau être le pays de la tempérance, le lever de coude local sait atteindre un niveau olympique en oubliant toute modération.

Ce livre n’est pas non plus un livre sur l’ivresse, mais plutôt sur les ivresses. Celle qui vous envahit lorsque vous êtes brutalement plongé dans une culture inconnue. Celle qui vous entête lorsque vous commencez à en discerner les contours, les us, les coutumes. Celle qui vous tétanise face à la barrière de la langue. Celle qui vous donne le vertige lorsque vous en effleurez toute la délicatesse, les plis et replis. Celle qui vous fait frissonner, d’excitation et d’impatience, lorsque vous réalisez que vous n’en sonderez jamais les mystères. Mais ce livre, surtout, est un éloge à la vie, au chaos si bien ordonné et aux ombres de Tokyo.

Bruno Labarbère

Pour vous donner un peu plus de détails : le mizuwari désigne une méthode japonaise de dilution des alcools forts avec de l’eau et des glaçons pour adoucir leur force et révéler leurs arômes. 🥃🧊

Lors de son premier voyage au Japon en 2011, Bruno Labarbère a été séduit par le pays. En 2013, il expérimente le mizuwari et en tombe amoureux. Journaliste, il envisage de réaliser un documentaire sur les distilleries japonaises quelques années après, mais la Golden Week et des complications logistiques l’orientent vers une exploration des rues de Tokyo, observant non la fabrication, mais la consommation locale de l’alcool. Habile.

À travers ses errances nocturnes, il s’est attelé à capturer l’essence japonaise, en se focalisant sur les visages et les êtres, utilisant des flous artistiques pour souligner le côté momentané, temporaire, insaisissable de ces instants. Son travail révèle aussi un aspect sociologique du Japon, où l’alcool permet de s’affranchir des contraintes sociales. Bruno se fond dans cet univers, capturant des moments authentiques sans jugement.

Si vous avez envie d’acquérir un bel objet, et de rêver d’une promenade tard le soir dans les rues pluvieuses de Tokyo après quelques verres, ce livre est fait pour vous.

Martin Bogren. Metropolia. Atelier EXB.

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Martin Bogren. Metropolia. Atelier EXB.

Martin Bogren, né en 1967 en Suède, a d’abord été reconnu dans le domaine de la photographie documentaire, notamment pour son travail avec le groupe The Cardigans dans les années 1990. Au fil du temps, il s’est éloigné de ce style pour développer une approche plus personnelle et poétique de la photographie. Basé à Malmö, son travail a été largement exposé à travers l’Europe et est inclus dans les collections de musées prestigieux tels que le Fotografiska Museet à Stockholm (que je vous conseille si vous passez dans le coin !), l’Oregon Art Museum et la Bibliothèque nationale de France.

Dans sa démarche artistique, Bogren a exploré divers thèmes et sujets. Tractor Boys met en lumière la jeunesse suédoise utilisant des courses de voitures comme échappatoire à l’ennui, capturant la transition complexe de l’adolescence à l’âge adulte. Italia est une errance sans objectif prédéfini à travers les villes italiennes, avec une attention particulière portée à la narration intime. Cette série consolide son style photographique poétique et onirique. August Song prolonge cette exploration avec des images des bals d’été suédois, où se mélangent joie et mélancolie, reflétant la dualité souvent présente dans son œuvre.

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Tractor boys
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Italia
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August Song

La carrière de Bogren prend un nouveau tournant avec les séries Passenger et Metropolia, où il commence à incorporer la couleur à ses photographies en noir et blanc. Ses séries les plus récentes se concentrent sur l’expérience de l’errance dans des métropoles telles que Calcutta et New York, où le lieu s’efface derrière l’expérience intime et les rencontres fortuites.

Le livre Metropolia, édité par les Éditions Xavier Barral / Atelier EXB (ils sont dans le top 5 de mes éditeurs préférés 🏆❤), représente un travail significatif dans la carrière de Bogren. L’ouvrage contient 51 reproductions en noir et blanc et couleur, ainsi qu’un entretien avec le photographe conduit par la critique d’art et journaliste Anaël Pigeat.

Metropolia invite à une exploration onirique d’une New York imaginaire à travers des photographies qui mêlent réalité et fantaisie. L’approche de Bogren est presque cinématographique, et ses images de la ville, non datées et non situées géographiquement, s’écartent des conventions de la photographie de rue new-yorkaise pour une expérience visuelle unique. On est loin des copycats sauce Wish de Saul Leiter qui ont tendance à me faire râler.

Dans ce livre, il utilise la couleur pour la première fois comme un moyen de se renouveler, comparant l’expérience à l’apprentissage d’une langue étrangère, comme il le dit lui-même :

L’usage de la couleur a été une façon de me rebeller contre moi-même, comme le photographe l’explique dans l’entretien du livre, de voir si je pouvais faire quelque chose de totalement nouveau. Avec le noir et blanc, je commençais à savoir un peu trop ce que je faisais, alors que la couleur était comme une langue étrangère que j’ai lentement apprise. Mais, à vrai dire, mes images en couleur sont très monochromatiques. 

Martin Bogren

Le livre reflète sa maîtrise des nuances, tant dans les tonalités de gris que dans la profondeur émotionnelle, et démontre sa capacité à saisir l’intimité et l’impermanence du monde. Vous pouvez même le feuilleter (virtuellement) si vous le voulez :

J’ai choisi de vous présenter ce livre pour deux raisons :

  1. J’aime beaucoup l’aspect imaginaire. Comme je l’ai dit, il n’y a ni indications de lieu, ni de temps. On est dans un endroit un peu imaginaire, porté par la vision de l’auteur. Et j’aime bien ce genre de proposition. Il y a un côté « venez je vous emmène », on se laisse porter, et ça n’est pas désagréable.
  2. C’est putain-de-beau. Vraiment, j’ai trouvé le livre magnifique, bien conçu, bien rythmé, avec un travail photographique de haute volée. Et, en fait, c’est sans doute tout ce dont on a besoin pour apprécier une œuvre.

David Campany. Sur des photographies. Eyrolles.

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David Campany. Sur des photographies. Eyrolles.

Sur des photographies est un ouvrage de David Campany, auteur, commissaire d’exposition et enseignant, qui se plonge dans l’univers de la photographie à travers une analyse de 120 images.

Le livre ne suit ni chronologie, ni genre, ni photographe spécifique, mais présente une sélection d’œuvres de figures emblématiques de la photographie telles que Henri Cartier-Bresson, William Eggleston, Helen Levitt, Garry Winogrand, Andreas Gursky, Rineke Dijkstra, William Klein, une planche-contact de Vivian Maier, une scène méticuleusement mise en scène par Gregory Crewdson, en plus d’images issues de magazines et de publicités.

Campany commente et explique chaque photographie, offrant un regard sur l’histoire et l’intention derrière chaque image, tout en les reliant à la culture visuelle plus large. Il s’interroge sur ce qui façonne notre perception des photographies, l’origine du sens que nous leur attribuons et l’impact des intentions du photographe sur notre interprétation. C’est une exploration de la photographie qui se veut à la fois profonde et accessible, offrant une perspective renouvelée sur un médium souvent considéré comme un simple reflet de la réalité.

Et c’est vraiment ce format qui m’a fait accrocher à ce livre. Personnellement, je sature un peu des histoires chronologiques de la photographie. C’est important d’en lire, j’ai apprécié celles que j’ai lues, mais j’en ai lu beaucoup et j’ai tendance à les fuir maintenant (sauf les ouvrages pointus qui creusent des thématiques précises). Par contre, si on me propose de découvrir une sélection d’images et le point de vue d’un auteur dessus, là je suis partant.

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Moi, quand j’ai vu passer le titre.
PS : En plus, vu qu'il est organisé par image ➕ commentaire et non par gros chapitres, on peut le lire par petits bouts. C'est impeccable quand on est un jeune papa dérangé toutes les cinq minutes 😅👶. 

Pour terminer sur le livre, deux anecdotes :

  1. Le titre de l’ouvrage, Sur des photographies, fait écho à Sur la photographie de Susan Sontag, avec qui Campany avait discuté en tant qu’étudiant. Il l’avait questionnée sur son analyse de la photographie qui excluait certaines œuvres, a été encouragé par elle à écrire son propre livre sur le sujet. Il a relevé ce défi.
  2. Le livre a été traduit, depuis sa version anglaise On Photographs, par Gildas Lepetit-Castel. Un autre photographe-auteur-blogueur-youtubeur du Nord. À croire qu’on est tous là 😂.

Et si besoin en est, vous pouvez consulter un petit extrait du livre ci-dessous 👇🏻

Lee Friedlander. Sticks & Stones. Distributed Art Publishers.

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Lee Friedlander. Sticks & Stones. Distributed Art Publishers.

Je vous l’avais dit dans l’article sur Ray K. Metzker : j’ai rencontré un collectionneur de livres photo cette année, et une partie de ce que j’ai acquis l’a été auprès de lui. Stick & stones en fait partie, après que je l’ai tanné pour qu’il me le vende 😅.

Et, en même temps, regardez ces images. Que celui qui ne craque pas sur un tel travail me jette la première pierre :

Monumental, n’est-ce pas ?

Lee Friedlander (né en 1934) photographie depuis près de soixante ans. Une exposition de son travail en 1967, aux côtés de celui de Diane Arbus et Gary Winogrand, au Museum of Modern Art de New York, l’a propulsé au premier rang des photographes américains. Son travail est largement reconnu pour avoir transformé notre compréhension visuelle de la culture américaine contemporaine. Connu pour embrasser passionnément tous les sujets, Friedlander a photographié presque toutes les facettes de la vie américaine des années 1950 à aujourd’hui. Des usines de Pennsylvanie à la scène jazz de La Nouvelle-Orléans, en passant par les déserts du Sud-Ouest, les stratégies visuelles formelles complexes de Friedlander continuent d’influencer la manière dont nous comprenons, analysons et vivons l’expérience américaine moderne. Le travail de Friedlander continue d’influencer la pratique photographique grâce à sa capacité à embrasser un large éventail de sujets, les interprétant toujours avec une élégance qui n’existait pas avant son œuvre.

Dans Sticks & Stones, Friedlander présente sa vision des États-Unis à travers son architecture. En 192 photographies au format carré, prises au cours de 15 années de travail, il a cadré le familier à travers sa propre manière unique de voir le monde. Qu’il représente des bâtiments modestes ou d’imposants gratte-ciel, il nous offre une nouvelle manière de regarder notre environnement. Et évidemment, c’est complètement ma came, ce genre de travail 😅.

Les photographies ont été prises lors d’innombrables voyages dans les zones urbaines et rurales à travers le pays, souvent en voiture (la fenêtre du conducteur offrant parfois à Friedlander un cadre supplémentaire). C’est peut-être là une façon de reproduire le point de vue dominant à partir duquel les Américains observent leur environnement.

La présence de l’homme n’est pas en jeu ici ; les rues, les routes, les façades et les bâtiments offrent leur propre narration visuelle, sans référence à leurs créateurs. Et en fin de compte, ce ne sont même pas les grands bâtiments eux-mêmes qui suscitent notre intérêt, mais plutôt les éléments architecturaux oubliables (les poteaux, les piquets, les trottoirs, les clôtures, les cabines téléphoniques, les ruelles, les voitures garées) qui, par juxtaposition photographique avec toutes sortes de bâtiments, créent des compositions très riches.

Un bel ouvrage pour s’en mettre plein les mirettes et un très bon exemple à décortiquer si vous voulez progresser sur votre façon de percevoir et photographier votre environnement.

André Gunthert. L’image partagée. Textuel.

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André Gunthert. L’image partagée. Textuel.

Le livre L’Image partagée d’André Gunthert est une exploration de la transition vers la photographie numérique, considérée comme une révolution technique et un phénomène social qui a profondément changé nos pratiques et notre perception du monde. Dans ce livre, il présente une analyse des nouveaux usages de l’image numérique. Il explore des thèmes variés comme :

  • le journalisme citoyen,
  • la culture du partage,
  • l’impact des amateurs dans le domaine traditionnellement professionnel,
  • la reconfiguration de l’information,
  • l’émergence de l’image conversationnelle,
  • la popularisation du selfie.

Le livre, qui sert de carnet de route de l’expérience numérique, détaille les débats qui ont surgi avec ces nouvelles pratiques, en offrant une synthèse pour comprendre la place de l’image fluide, c’est-à-dire dématérialisée, connectée et partagée. Il s’agit d’une ressource essentielle pour saisir les fonctions actuelles de l’image en tant qu’outil d’expression, de communication et de socialisation.

Les textes du livre (qui est une collection d’articles et d’essais) ont été publiés il y a un peu plus d’une dizaine d’années. Ils ont été écrits au fur et à mesure que le numérique s’est immiscé dans la photographie (que ça soit dans les réseaux sociaux ou dans les appareils). Et c’est pour ça que je trouve la lecture intéressante et finalement très contemporaine. Je m’explique :

  • On a raté l’arrivée de la photographie, en 1839 ; sauf grosse surprise, aucun de mes lecteurs n’était né.
  • La transition vers le numérique, l’arrivée des réseaux sociaux dédiés à la photographie et cie, je les ai vécues. Mais sans trop y réfléchir. Et je trouve ça hyper intéressant d’avoir une analyse critique de l’impact que ça a eu, une fois la vague passée. De voir tout ça avec du recul.
  • Surtout que… nous vivons une nouvelle transition avec l’arrivée de l’IA. C’est pas plus mal de prendre la mesure de l’impact de la présente quand on est embarquée dans une nouvelle.

Et au-delà de ça, Gunthert écrit très bien, c’est un chercheur de l’EHESS, mais ça se lit tout seul. Pourquoi se priver ? 😊

Conclusion

C’est sans doute l’article de la série que j’aurais publié tardivement, l’année prochaine il paraîtra en janvier à ce rythme 😂. J’espère que la sélection vous aura plu, en tout cas, et donné plein d’idées de lecture pour découvrir de nouveaux artistes et progresser en photo.

N’hésitez pas à me dire en commentaire lequel de ces livres vous tente le plus et surtout : quelle est la meilleure découverte que vous ayez faite cette année ?

J’ai encore un peu de place dans la bibliothèque. 😬


Pendant l’écriture de ce billet, je suis retombé sur cet incroyable EP. Il faut écouter Forlorn, et très fort.


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On discute de l’article ? 😀

Commentaires

4 réponses

  1. Avatar de Lionel Modolo

    toujours intéressant !
    moi Martin Bogren : j’avais pris une claque avec Tractor Boys !
    et je l’ai rencontré sur Arles, très sympa (avec signatures of course).
    Cette année : comment passer à côté de Dolores Marat, Cato Lein et son fabuleux NORTHERN SILENCE, Pierre Belhassen, Yoshihiko Ueda et son MATER, Claude Nori et son « Jeanloup Sieff, fais moi un signe », fan HO, et Céline Croze avec SIEMPRE QUE.

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Je vais aller regarder tout ça 😀
      Merci !

  2. Avatar de Jean-Luc Wolff
    Jean-Luc Wolff

    Je suis dans « le journal russe » de Steinbeck et Capa de chez Gallimard. Bel objet, passionnant, d’une actualité foudroyante même s’il date de 1947. C’est évidemment très bien écrit, et très bien photographié.

    1. Avatar de Thomas Hammoudi

      Je vais regarder ça, merci !

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