Bon, il ne vous aura pas échappé que sur les questions raciales, l’année qui vient de s’écouler a été particulièrement tendue. Le mouvement Black Lives Matter a eu un nouvel essor suite à la mort de George Floyd, et ces questions ont touché même le monde de la photographie.
Ce fut par exemple le cas avec l’affaire de Martin Parr, qui a préfacé une réédition de l’album Londres, signé Gian Butturini, dans lequel les photos d’une femme noire et d’un gorille en cage sont juxtaposées (malgré ce que dit la couverture, il n’est pas l’éditeur du livre). Les échanges entre l’étudiante ayant soulevé le sujet et Martin Parr ont été rendus publics, puis Parr a démissionné du festival dont il devait s’occuper, s’est excusé, et a rendu l’argent (coucou Fillon) qu’il avait touché pour cette préface. Bon, je ne m’étends pas plus sur le sujet, on en reparlera sans doute ultérieurement.
L’agence Magnum Photos (dont Parr fait partie) a été aussi pas mal critiquée pour son manque de diversité, et a fini par accueillir cette année 5 photographes racisés dans ses rangs.
Bref, le sujet est chaud sur le devant de la scène, et j’arrive avec mes gros sabots. Dès les débuts des événements, j’ai eu envie de faire un article à ce sujet, la question de la sous-représentativité en photographie m’intéresse, j’avais d’ailleurs dans la même dynamique écrit deux articles (le premier et le deuxième) sur la situation des femmes. Cependant, il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas directement concerné par ces sujets : je ne suis ni femme ni racisé. Mais dans les cas précédents et dans celui-ci, je me suis dit que le Blog avait un peu de visibilité et que ça ne pouvait pas faire de mal de s’en servir pour plus de diversité en photographie. Et puis, ça changera des coups de gueule contre les papys-bokeh.
Bien évidemment, j’ai conscience que cet article aura des limites. Par exemple :
- Il ne pourra pas être exhaustif (je ne peux pas rattraper, à moi seul, un manque de visibilité), donc si vous voyez un nom que j’ai oublié, n’hésitez pas à mettre un lien en commentaire pour en parler.
- La sélection est forcément subjective et arbitraire, j’ai fait des recherches, et j’ai inclus ce qui me semblait intéressant, vous en auriez peut-être fait une différente. J’aurais aimé vous parler de chaque découverte en détail, mais ça n’aurait plus été un article, mais un livre qu’il aurait fallu écrire.
- À l’inverse du précédent article, je ne pourrai pas appuyer mon propos de données statistiques. Autant il existe des rapports sénatoriaux sur la représentativité des femmes, autant les statistiques ethniques sont interdites en France. Du coup, je sais juste empiriquement qu’on « voit moins de noir(e)s dans les livres d’histoire », sans pour autant pouvoir le quantifier pour l’expliquer. Ici aussi, si vous avez des sources, la boîte à commentaire vous appelle.
- Enfin, je sais que le terme « photographes noir(e)s » englobe des réalités très larges et diverses. Qu’être un photographe aux États-Unis n’est pas la même chose qu’au Gabon, mais… je n’avais pas mieux.
À ce sujet, Nicolas Galita, ami et blogueur, en parle beaucoup mieux que moi et en connaissance de cause. Je vous invite à consulter ses articles si le sujet vous intéresse :
- Le racisme expliqué à mes amis
- Je suis blanc, je peux parler de racisme ?
- Arrête de chercher le racisme chez les autres. Il est en toi aussi
Ps : Notez aussi que la présentation des photographes qui suit n'a pas d'ordre particulier. J'ai juste écrit au fur et à mesure de mes découvertes. Ps² : J'ai déjà parlé d'Omar Victor Diop dans cet article, je ne l'ai pas réintégré à celui-ci, du coup.
L’étonnante anecdote de Jules Lion
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vais vous parler de Jules Lion. Il est né en France à Paris en 1810, et est considéré comme le deuxième daguerréotypiste des États-Unis (le premier ayant été à New York), en ayant ouvert son studio de photographie à La Nouvelle-Orléans dès 1840, soit à peine un an après la découverte du procédé.
Pour vous raconter son histoire, il a d’abord déménagé à La Nouvelle-Orléans depuis la France en 1837, où il était lithographe et portraitiste. À l’Exposition de Paris de 1833, il était le plus jeune lithographe à recevoir une mention honorable.
Il semblerait que Lion soit revenu brièvement à Paris en 1839 et 1840 pour étudier la photographie avec Louis Daguerre. À son retour, il expose pour la première fois. En effet, le 14 mars 1840 (soit 1 an, 2 mois et 7 jours après la présentation par Arago à l’Académie des sciences de l’invention de Daguerre), le journal New Orleans Bee publie un article sur une exposition des daguerréotypes de Lion au St. Charles Museum, la première exposition de photographie documentée en Louisiane. Seules deux images ont survécu, dont je n’ai trouvé que celle-ci :
À partir de 1841, il donne des conférences sur la photographie, cofonde une école d’art et dirige un studio prospère à La Nouvelle-Orléans. On ne sait pas grand-chose de plus sur sa vie à partir de là, seulement ce que nous apprennent les archives des journaux de la ville qui le mentionnent comme professeur de dessin au Collège de Louisiane de 1852 à 1865. Aussi, dans ses dernières années, il retourne à la peinture de portraits. Il a quelques clients assez prestigieux, notamment le président Andrew Jackson et le naturaliste John J. Audubon. Il est aussi retourné occasionnellement à Paris pour exposer ses lithographies et daguerréotypes, jusqu’à sa mort à La Nouvelle-Orléans en 1866.
Bon, il faut prendre cette anecdote avec des pincettes : il semblerait que la véritable couleur de peau de Lion soit sujette à débat parmi les universitaires. Lion est considéré comme un photographe noir, parce que dans l’annuaire de la ville de La Nouvelle-Orléans, apparaît plusieurs fois à côté de son nom (dans les années 1850) la mention « F.M.C. » (« free man of color » – « homme libre de couleur« ). Cependant, l’absence d’indicateur précis de race sur les documents juridiques et les autres documents tout au long de sa vie suggère que les répertoires pourraient être inexacts, et les registres de recensement français indiquent qu’il était le fils de parents juifs allemands. Du coup, on pense qu’il était noir, mais un petit doute subsiste.
La grande liste
Florestine Perrault Collins
Alors, on va rester du côté de La Nouvelle-Orléans (ville chère à mon petit cœur), pour cette fois parler d’une femme photographe, Florestine Perrault Collins.
Elle est née en 1895 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Les parents de Collins étaient des Afro-Américains libres et son père avait un emploi bien rémunéré, ce qui est assez rare à l’époque. Malheureusement, comme la famille avait 6 enfants, et Collins étant l’aînée, elle a été retirée de l’école afin de contribuer aux revenus de la famille. Elle aurait d’ailleurs commencé la photographie très jeune, en ayant appris à la manier vers 14 ans. Selon les sources que j’ai trouvées, pour pouvoir apprendre à photographier, elle aurait dû mentir sur sa race. Elle est devenue par la suite l’assistante de nombreux photographes blancs de la région pendant cette période.
Après le premier mariage de Collins, elle a pu ouvrir son propre studio chez elle. À ce moment-là, elle a cessé de dire qu’elle était blanche et a fait savoir qu’elle était une photographe afro-américaine. Elle a ensuite déménagé son entreprise dans le centre de La Nouvelle-Orléans et était connue pour sa méthode de photographie (basée sur le portrait, elle a utilisé notamment une image d’elle-même dans la presse pour montrer à quel point elle était douée). Elle s’est attelée à créer des photographies de ses clients afro-américains qui reflétaient la fierté, la sophistication et la dignité plutôt que des stéréotypes raciaux.
Grâce à son entreprise, Collins a pu survivre à la Grande Dépression et maintenir sa famille à flot. Elle a également été l’une des 101 femmes afro-américaines photographes lors du recensement américain de 1920 et la seule à La Nouvelle-Orléans. Au cours de ses 30 années de travail, elle a documenté l’histoire de la communauté créole de La Nouvelle-Orléans et du Sud, toujours de façon bienveillante et positive.
Collins est décédée en 1988. Elle a actuellement une petite-nièce, Arthe Anthony, qui a écrit un livre sur elle. Intitulé « Picturing Black New Orleans« , il raconte les histoires dont Collins a été entourée et fouille dans les archives familiales, les histoires orales et les photographies qui ont été sauvées après l’ouragan Katrina.
Gordon Parks
Gordon Parks, l’un des plus grands photographes du XXe siècle, était profondément attaché à la justice sociale. En fait, c’est un photographe majeur du siècle dernier, qui mériterait un article à lui tout seul. Il a laissé derrière lui une œuvre exceptionnelle qui documente la vie et la culture américaines du début des années 1940 jusqu’aux années 2000, en mettant l’accent sur les relations raciales, la pauvreté, les droits civils et la vie urbaine.
Il est né dans la pauvreté et la ségrégation à Fort Scott, au Kansas, en 1912 et a été attiré par la photographie dès son plus jeune âge, lorsqu’il a vu des images de travailleurs migrants dans un magazine. Après avoir acheté un appareil photo chez un prêteur sur gages, il a appris à s’en servir, seul. Malgré son manque de formation professionnelle, il a obtenu la bourse Julius Rosenwald en 1942, ce qui lui a permis d’occuper un poste dans la section photographie de l’Administration de la sécurité agricole (FSA) à Washington D.C., et, plus tard, au Bureau d’information sur la guerre (OWI). Travaillant pour ces agences, qui faisaient alors la chronique des conditions sociales aux États-Unis, Parks a rapidement développé un style personnel qui a fait de lui l’un des photographes les plus célèbres de son époque. Ses photos lui ont permis de briser la ligne de couleur dans la photographie professionnelle, tout en créant des images remarquablement expressives qui exploraient constamment l’impact social et économique de la pauvreté, du racisme et d’autres formes de discrimination.
En 1944, Parks a quitté l’OWI pour travailler au projet de documentaire photographique de la Standard Oil Company. À cette époque, il est également photographe indépendant pour Glamour and Ebony, ce qui lui permet d’élargir sa pratique photographique et de développer son style. Son essai photographique de 1948 sur la vie d’un chef de gang de Harlem lui a valu une large reconnaissance et une position de premier photographe et écrivain afro-américain pour Life. Parks restera au magazine pendant deux décennies, couvrant des sujets liés au racisme et à la pauvreté, mais aussi à la mode et au divertissement, et prenant des photos mémorables de personnages tels que Muhammad Ali, Malcolm X, Adam Clayton Powell Jr. et Stokely Carmichael.
Ses images les plus célèbres, par exemple American Gothic (1942) et Emerging Man (1952), capturent l’essence de son activisme et de son humanitarisme et sont devenues des icônes, définissant leur génération.
Son travail a également contribué à rallier le soutien au mouvement des droits civiques en plein essor, pour lequel Parks lui-même était un défenseur infatigable ainsi qu’un documentariste.
En 1969, il est devenu le premier Afro-Américain à écrire et à réaliser un grand film de studio hollywoodien, The Learning Tree, basé sur son roman semi-autobiographique à succès. Son film suivant, Shaft (1971), a été un succès critique et un succès au box-office, inspirant un certain nombre de suites. Parks a publié de nombreux livres, dont des mémoires, des romans, de la poésie et des volumes sur la technique photographique. En 1989, il a produit, dirigé et composé la musique d’un ballet, Martin, dédié à Martin Luther King Jr.
Parks a passé une grande partie des trois dernières décennies de sa vie à faire évoluer son style, et il a continué à travailler jusqu’à sa mort en 2006. Il a reçu plus de cinquante doctorats honorifiques et, parmi ses nombreuses récompenses, la médaille nationale des arts (aux USA), qui lui a été décernée en 1988. Aujourd’hui, les archives de son travail se trouvent dans plusieurs institutions, notamment la Gordon Parks Foundation, à Pleasantville, New York, le Gordon Parks Museum à Fort Scott, Kansas, et la Wichita State University à Wichita, ainsi qu’à la Bibliothèque du Congrès, les Archives nationales et la Smithsonian Institution, toutes à Washington D.C.
Les œuvres de Parks font partie des collections permanentes de grands musées, dont l’Art Institute of Chicago, le Baltimore Museum of Art, le Cincinnati Art Museum, le Detroit Institute of Arts, l’International Center of Photography, le Metropolitan Museum of Art et le Museum of Modern Art, tous situés à New York, le Minneapolis Institute of Art, le Museum of Fine Arts de Houston, le Saint Louis Art Museum, le Smithsonian National Museum of American History de Washington et le Virginia Museum of Fine Arts de Richmond.
Ces dernières années, Parks a fait l’objet de plusieurs expositions individuelles, toutes accompagnées de publications illustrées, organisées par la Gordon Parks Foundation avec d’autres institutions, trop nombreuses pour être listées.
Andre D. Wagner
D’ailleurs, et c’est sans doute une autre preuve de son importance, Gordon Parks a beaucoup influencé Andre D. Wagner dont il va être désormais question :
One day, a friend gave me an old beat-up library copy of Voices in the Mirror: An Autobiography by Gordon Parks. As soon as I started reading, I couldn’t put it down.
Chapter after chapter, I continued to relate to Parks’ story and struggle. His path of falling into photography and wanting more out of his life than what was thought to be possible resonated with me immediately.
Andre Wagner
Traduction : Un jour, un ami m'a donné une vieille copie de Voix dans le miroir : une autobiographie de Gordon Parks. Dès que j'ai commencé à lire, je n'ai pas pu le poser. Chapitre après chapitre, j'ai continué à raconter l'histoire et la lutte de Parks. Sa chute dans la photographie et son désir de vouloir plus de sa vie que ce que l'on pensait possible m'ont immédiatement interpellé.
Bon, on ne va pas tourner autour du pot : Andre D. Wagner, je dois le suivre depuis 4-5 ans maintenant, et j’adore son travail. Parmi les photographes contemporains « encore en vie, mais qui ne sont pas des monuments à la gloire de leur passé, mais des gens occupés à construire leur avenir », c’est sans doute un de mes préférés. Et il est classé encore plus haut dans mon petit cœur si on se limite à la photographie de rue. Il a une véritable éthique de travail, un acharnement à sans cesse s’améliorer, c’est bluffant.
J’avais, sans surprise, totalement adoré son travail sur le métro new-yorkais :
Concernant sa vie, Andre D. Wagner est un photographe qui vit et travaille à Brooklyn, New York. Il explore les nuances poétiques et lyriques de la vie quotidienne, en utilisant comme langage visuel les rues de la ville, les quartiers, les défilés, les transports publics et la jeunesse du XXIe siècle. Son travail et sa pratique s’inscrivent dans la lignée de la photographie de rue qui étudie le paysage social américain, en axant souvent son objectif sur les thèmes de la race, de la classe, de l’identité culturelle et de la communauté.
Ses photographies ont été commandées par The New Yorker, The New York Times, The Cut, The Wall Street Journal, The Washington Post, WSJ, Time Magazine et Vogue, entre autres publications. Ses photographies ont fait l’objet de plusieurs expositions individuelles et de groupe à Los Angeles, New York et en Caroline du Nord. Sa première monographie, Here For the Ride, a été publiée par Creative Future en 2017. Il édite actuellement un ouvrage de 7 ans intitulé New City, Old Blues, qui sera publié en 2020. J’ai raté le premier (fait en petit tirage et assez confidentiel), mais je vais me précipiter comme le coronavirus sur les pangolins pour acheter le deuxième.
Il développe ses propres négatifs en noir et blanc et réalise des tirages argentiques à la gélatine dans sa chambre noire personnelle. D’ailleurs, s’il vous intéresse, vous pouvez noter qu’il donne des cours, en anglais, sur Skillshare (de mémoire, j’ai fait les 3 et j’ai adoré, même si c’est court).
Louis Mendes est aussi un photographe de rue new-yorkais, que vous pouvez découvrir ci-dessous :
Seydou Keïta
Pour Seydou Keïta, c’est une découverte toute simple : j’ai acheté ce livre après avoir été séduit par les images qu’il contient en le feuilletant :
En voici un petit florilège :
Seydou Keïta, aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands photographes portraitistes, a vécu et travaillé à Bamako jusqu’à sa mort en 2001. Il n’a connu la notoriété que tardivement, au milieu des années 1990.
Né à Bamako en 1921, c’est à quatorze ans que Seydou Keïta reçoit son premier appareil photo, en 1935, après que son oncle, de retour d’un séjour au Sénégal, lui eut offert un Kodak Brownie Flash. Artisan photographe et autodidacte, il se spécialise dans l’art du portrait qu’il réalise sur commande, en lumière naturelle et en noir et blanc, avec une chambre 13 x18.
Il ouvre un studio en 1948 dans la capitale malienne Bamako et se spécialise dans les portraits. Il devient rapidement un portraitiste très demandé, grâce à sa connaissance technique et son sens de l’esthétisme. Sa maîtrise de la lumière et du cadrage ramène à l’essentiel : une grâce, une élégance naturelles transparaissent dans ces images sans artifice. Cette simplicité est renforcée par l’utilisation du noir et blanc. Ce choix est plus économique que dogmatique : dans les années 1950 et 1960, il est difficile de trouver des pellicules couleur au Mali. Néanmoins, sur certains tirages, il n’est pas rare de rencontrer des bijoux de femmes rehaussés, à la main, de touches de couleur.
Amis, familles, couples ou célibataires viennent poser, profitant des nombreux vêtements et accessoires mis à disposition. En effet, à Bamako, métropole très animée, nombreux sont les jeunes hommes citadins, travaillant dans les bureaux, à vouloir se faire photographier avec des vêtements élégants, à la mode. Pour répondre à leur demande, Keïta possède dans son studio des « costumes européens », avec cravate, nœud papillon, chapeau, béret, que l’on retrouve sur ses images. Il met également à la disposition de ses modèles des accessoires : montres, stylos, gourmettes, poste de radio, téléphone, scooter… Certains clients apportent aussi leurs propres accessoires et plusieurs tenues différentes. Cela fait de l’œuvre de Keïta le reflet d’une société malienne qui aspire à une certaine modernité, influencée par l’Occident, tout en affichant son identité. Pour les femmes, le boubou reste la tenue dominante jusqu’à la fin des années 1960, mais sur les clichés de Keïta, il n’est pas rare de les voir vêtues de robes camisoles ou de marinières à motifs.
Keïta se chargeait aussi de disposer le fond ( en jouant avec le graphisme des tissus portés par les femmes) en cherchant toujours à donner de ses modèles la plus belle image. Ce sont d’ailleurs ces fonds, renouvelés tous les deux ou trois ans, qui permettent de dater ses clichés.
Il a à cette époque un véritable succès, sa clientèle, d’abord bamakoise, s’étend ensuite au Mali, puis à l’Afrique de l’Ouest tout entière.
De l’Indépendance en 1962 jusqu’en 1977 (date à laquelle il cessera son activité), il est le photographe officiel du gouvernement. Il couvre alors l’essentiel des événements sous la présidence de Modibo Keïta puis du Comité militaire de libération nationale (CMLN). Les clichés de cette époque, conservés par l’administration du pays, ne sont pas consultables.
Sa première exposition personnelle en France date de 1994 (Fondation Cartier, Paris), et suscite l’engouement du public et de la critique. Son travail a été présenté dans le monde entier, dans des expositions personnelles comme en 1997 au musée d’art moderne de San Francisco ou en 2001 à la Kunsthalle de Vienne, et collectives, avec « Arts of Africa » en 2005 au Forum Grimaldi de Monaco ou « 100 % Africa » au Guggenheim Museum de Bilbao (2006-2007).
La technique de la photo est simple, mais ce qui faisait la différence, c’est que je savais trouver la bonne position, je ne me trompais jamais. Le visage à peine tourné, le regard vraiment important, l’emplacement des mains… J’étais capable d’embellir quelqu’un.
À la fin, la photo était très belle. C’est à cause de ça que je dis que c’est de l’Art.
Seydou Keïta
L’ensemble de son œuvre, centrée sur l’art du portrait qu’il a sans cesse réinventé et porté à sa quintessence, témoigne de sa maîtrise de la lumière, du cadrage, et de la mise en valeur de ses sujets. L’élégance naturelle et moderne de ses clichés en fait un des maîtres du portrait dans l’histoire mondiale de la photographie.
Quelques sources si vous souhaitez en apprendre plus à son sujet :
Aussi, si vous aimez le travail de Keïta, je vous invite à aller voir celui de James Barnor, autre portraitiste, mais cette fois ghanéen. Je comptais initialement le présenter dans l’article, mais je ne ferais pas mieux que le texte présent sur le site de sa galerie, donc autant le lire directement.
Roy DeCarava
Ça commence avant que vous ne déclenchiez l’obturateur… Ça commence avec votre sens de ce qui est important.
Roy DeCarava
Né dans le quartier de Harlem à New York en 1919, Roy DeCarava a grandi pendant la Renaissance d’Harlem, lorsque les réalisations artistiques des Afro-Américains ont été florissantes dans les domaines de la littérature, de la musique, du théâtre et des arts visuels.
DeCarava ne s’est lancé dans la photographie qu’à la fin des années 1940, après avoir travaillé dans la peinture et réalisé des tirages pour la division des affiches de la Works Progress Administration (WPA). Il a utilisé son appareil photo pour réaliser des études saisissantes sur la vie quotidienne des Noirs à Harlem, capturant les textures variées du quartier et l’efflorescence créative de la Renaissance d’Harlem. Résistant à la politisation, DeCarava a utilisé la photographie pour contrer ce qu’il a décrit comme « les gens noirs (…) qui ne sont pas représentés de manière sérieuse et artistique ».
DeCarava se déplaçait avec fluidité d’un sujet à l’autre. Dans sa série The Sound I Saw (commencée en 1956, exposée au Studio Museum de Harlem en 1983 et publiée sous forme de livre en 2001), il a non seulement fait la chronique des grands noms du jazz new-yorkais, comme Duke Ellington, Billie Holiday et John Coltrane, mais il a également saisi leur influence sur la culture visuelle. Le style profondément personnel de ses portraits témoigne de sa sympathie pour ses sujets.
Les photographies de DeCarava à Harlem à la fin des années 1940 et au début des années 1950 ont attiré l’attention d’Edward Steichen, qui était alors directeur du département de photographie du MoMA. Sous l’impulsion de Steichen, DeCarava a demandé et obtenu une prestigieuse bourse Guggenheim en 1952, devenant ainsi le premier photographe afro-américain à recevoir cet honneur. Cette bourse lui a permis de passer un an à prendre des centaines de photos documentant la vie à Harlem. Steichen a inclus plusieurs des photographies de DeCarava dans l’exposition historique du MoMA de 1955, The Family of Man. La même année, DeCarava a collaboré avec le poète, écrivain et activiste social Langston Hughes pour produire The Sweet Flypaper of Life, un livre comprenant 140 de ses photographies accompagnées d’un récit écrit par Hughes.
Évitant d’avoir une approche ouvertement documentaire (comme Gordon Parks, que l’on a vu précédemment), DeCarava a produit une œuvre à la fois politique et d’une grande rigueur esthétique et formelle. Son attirance pour les lumières et les tons plus sombres est évidente dans les exemples ci-dessus. Comme il l’a décrit un jour, il s’est efforcé d’obtenir « le genre de vision et de compréhension pénétrantes des noirs que seul un photographe noir peut interpréter « .
Je précise, il emploie le mot "nègre" dans la citation originale, je l'ai traduit ici par "noir". Voici le passage en question : “the kind of penetrating insight and understanding of Negroes which...only a Negro photographer [could] interpret.”
Roy DeCarava fait de la photographie depuis près d’un demi-siècle, sans autre motivation que la sienne. Il a toujours vécu à New York et y a presque toujours photographié, créant à partir de son univers immédiat le monde de son art. Il a trouvé sa voix poétique presque dès qu’il a pris un appareil photo, à la fin des années 40, et ne s’en est jamais écarté.
Au cœur de la photographie de DeCarava, il y a une esthétique de la contemplation patiente. Il est courant que nous nous disions (ou disions aux autres) que notre vie serait plus riche si seulement nous pouvions ralentir, si nous pouvions prendre le temps de savourer et de réfléchir, si nous nous occupions de notre propre jardin. L’œuvre de DeCarava atteint cet état de grâce réfléchi, dans sa façon de regarder le monde et dans la façon dont ses images nous invitent à les regarder. Il aime la subtilité luxueuse de l’échelle de gris infiniment divisible de la photographie, et cela lui plaît lorsque les spectateurs se sentent obligés de faire une pause et de regarder de près les ombres denses mais articulées de ses photos. Après avoir fait une pause, le spectateur est entré dans l’univers de DeCarava.
Les photographies sont immobiles et résolues. Souvent, les personnes qui y figurent sont elles-mêmes immobiles ou presque, leur intériorité reflétant l’état d’esprit contemplatif de DeCarava. (…) Souvent aussi, le cadre est comprimé, comme pour exclure l’agitation non voulue de l’au-delà.
(…) Personne n’a jamais fait de photographies plus ouvertement tendres, et ce n’est peut-être pas une surprise pour un artiste dont le style est si doux. Mais dans les images, il y a aussi de la douleur et de la colère.
Peter Galassi dans l’introduction to Roy Decarava: A Retrospective
C’est d’ailleurs un des mentors de Todd Hido, dont on a parlé dans cet épisode d’Incroyables photographes :
Et évidemment, Roy de Carava a aussi eu son épisode dédié :
Quelques sources si vous souhaitez en apprendre plus à son sujet :
- Randy Kennedy, “Roy DeCarava, Harlem Insider Who Photographed Ordinary Life, Dies at 89,” New York Times, October 28, 2009.
- Roy DeCarava’s Poetics of Blackness, The New Yorker.
Carrie Mae Weems
Carrie Mae Weems est née en 1953 à Portland et vit et travaille à Syracuse, dans l’État de New York. Elle est reconnue comme l’une des artistes américaines contemporaines les plus influentes vivant aujourd’hui.
Au cours de près de quatre décennies, elle a développé un ensemble complexe de travaux utilisant du texte, du tissu, de l’audio, des images numériques, des installations et de la vidéo, mais elle est surtout connue comme photographe.
L’activisme est au cœur de la pratique de Weems, qui travaille aussi sur la race, mais aussi les relations familiales, l’identité culturelle, le sexisme, les classes, les systèmes politiques et les conséquences du pouvoir.
Son travail est organisé en corps cohésifs qui fonctionnent comme des chapitres d’un récit en perpétuel mouvement. La Kitchen Table Series (1990, dont sont extraites les images ci-dessus), par exemple, est l’une de ses œuvres les plus importantes. La série, dans laquelle Weems elle-même a posé comme sujet principal, se déroule sur la table de cuisine d’une femme (une scène domestique) révélant des moments intimes de sa vie au fur et à mesure que l’histoire se déroule. La protagoniste, bien qu’elle semble, à bien des égards, banale, est une femme aux multiples facettes, qui assume divers rôles, tels que celui d’amant, de parent, d’ami et de soutien de famille.
Weems a participé à de nombreuses expositions individuelles et collectives dans de grands musées nationaux et internationaux, dont le Metropolitan Museum of Art, le Frist Center for Visual Art, le Solomon Guggenheim Museum de New York et le Centro Andaluz de Arte Contemporáneo à Séville, en Espagne.
Vous pouvez aussi découvrir ces deux vidéos sur son travail :
Ainsi que cette interview : Carrie Mae Weems by Dawoud Bey
Ernest Cole
Ernest Levi Tsoloane Cole était un Sud-Africain noir, né à Eersterust, à Pretoria, en 1940. Il a quitté l’école lorsque la loi sur l’éducation bantoue a été mise en place en 1953, et a obtenu son diplôme par correspondance. Il a commencé à prendre des photos dès son plus jeune âge et, dans les années 1950, un prêtre catholique lui a offert un appareil photo, ce qui a permis à Cole d’élargir son portfolio (et uniquement son portfolio). Comme il le dit lui-même : « J’ai quitté l’école en 1957 plutôt que de suivre l’éducation bantoue de la servitude, qui était devenue plus stricte qu’auparavant. » En 1958, il a postulé pour un emploi au sein du magazine Drum. Jürgen Schadeberg, le rédacteur en chef, l’emploie comme assistant. Cole a également commencé un cours par correspondance avec le New York Institute of Photography.
Lorsque je dis que des personnes peuvent être licenciées ou arrêtées, ou maltraitées ou fouettées ou bannies pour des broutilles, je ne décris pas le cas exceptionnel pour être incendiaire. Ce que je dis est vrai – et la plupart des Sud-Africains blancs le reconnaîtraient librement. Ils ne prétendent pas que ces choses ne se produisent pas.
La cruauté essentielle de la situation n’est pas que tous les Noirs soient vertueux et tous les Blancs vilains, mais que les Blancs soient conditionnés à ne rien voir de mal dans les injustices qu’ils imposent à leurs voisins noirs.
Ernest Cole, House of Bondage, 1967.
Alors qu’il travaillait pour Drum, Cole a commencé à se mêler à d’autres jeunes Sud-Africains noirs talentueux (journalistes, photographes, musiciens de jazz et dirigeants politiques dans le mouvement anti-apartheid naissant) et s’est radicalisé dans ses opinions politiques. Il s’est rapidement décidé pour un projet qui consistait à enregistrer les maux et les effets sociaux quotidiens de l’apartheid. Il a ensuite travaillé au journal Bantu World (rebaptisé plus tard The World – aujourd’hui The Sowetan), où il a poursuivi sa carrière de photographe.
Cherchant à quitter l’Afrique du Sud, il a été reclassé comme « coloured« . C’est ainsi qu’il a pu partir pour New York en 1966. Il a secrètement emporté avec lui les tirages de son projet sur l’apartheid. Il a montré son travail à Magnum Photos et cela a abouti à un contrat d’édition avec les droits d’édition détenus par Random House. Le livre qui en a résulté, House of Bondage (1967), a été interdit en Afrique du Sud.
Trois cents ans de suprématie blanche en Afrique du Sud nous ont placés en esclavage, nous ont dépouillés de notre dignité, nous ont privés de notre estime de soi et nous ont entourés de haine.
Ernest cole
Plus tard, il a reçu une bourse de la Fondation Ford pour un autre livre, A study of the Negro family in the Rural South and the Negro Family in the Urban Ghetto. Ce livre n’a jamais été publié, bien qu’il ait pris un certain nombre de photos.
Ensuite, Cole s’est installé en Suède, où il a commencé à faire du cinéma, entre 1969 et 1971. Il a participé au collectif Tiofoto et a exposé son travail. À partir de 1972, la vie de Cole s’est effondrée et il a cessé de travailler comme photographe, perdant par la même occasion le contrôle de ses archives et de ses négatifs.
Les photos de l’apartheid qu’il avait prises ont été largement utilisées par l’ANC dans ses diverses publications. Il est mort d’un cancer à New York le 18 février 1990 à l’âge de 49 ans.
En 2017, plus de 60 000 des négatifs de Cole, disparus depuis plus de quarante ans, ont été découverts dans une chambre forte de la banque de Stockholm. Ces travaux sont actuellement en cours d’examen et de catalogage.
Vous pouvez aussi découvrir une sélection plus large de son travail, ici :
Sam Nzima
Masana Sam Nzima est né le 8 août 1934 à Lillydale, un petit village de Bushbuck Ridge, dans la province de Limpopo en Afrique du Sud. Il a grandi dans la ferme où son père travaillait et où vivait la famille. Alors qu’il était à l’école, Sam a eu un professeur qui avait un appareil photo et il est devenu fasciné par le concept et s’est acheté un brownie Kodak Box. Pendant les vacances scolaires, il se rendait au parc national Kruger et faisait payer les gens pour qu’ils se fassent prendre en photo par lui.
Dans la ferme où il vivait, à un certain âge, les jeunes garçons étaient mis au travail. Mais cela ne lui a pas convenu et après neuf mois de travail manuel, il s’est enfui à Johannesburg où il a trouvé un emploi de jardinier à Heiningham. Il a poursuivi sa scolarité en suivant des cours par correspondance dans différents collèges.
En 1956, peu après avoir terminé ses études secondaires, il quitte Heiningham pour travailler comme serveur à l’hôtel Savoy. Là-bas, il rencontre et se lie d’amitié avec Patrick Rikotso qui y travaille également. Patrick lui apprend la photographie et Sam vend des portraits de travailleurs, qu’il a pris pendant ses congés.
Lorsqu’il quitte le Savoy, il se rend à l’hôtel Chelsea à Hillbrow, où il est standardiste pendant huit ans. Là-bas, il achetait le Rand Daily Mail et lisait des articles d’Allister Sparks. Ces articles lui ont donné envie de devenir photojournaliste et lui ont permis de développer ses compétences en matière d’écriture, en lisant ces articles et en imitant ensuite le style d’écriture.
Son premier reportage portait sur un propriétaire de bus à Stick Nyalungu. Il s’est rendu au journal The World à Johannesburg et a demandé au rédacteur en chef s’il était prêt à publier son histoire. Celle-ci a été publiée sous la forme d’un article de fond et il a commencé à travailler en free-lance pour The World. Ensuite, en 1968, Nzima s’est vu offrir un emploi à plein temps comme photojournaliste par The World et a accepté. Il commence alors à se concentrer davantage sur sa photographie et moins sur l’écriture, car la pression de gérer les deux pour un quotidien finit par lui peser.
Sam Nzima est célèbre pour cette photographie de Mbuyisa Makhubu transportant le corps d’Hector Pieterson loin de la foule en émeute, lors de la manifestation étudiante du 16 juin 1976 à Soweto (que Nzima couvrait pour The World).
À cette époque, peu de gens en dehors de l’Afrique du Sud accordaient de l’attention à l’apartheid avant cette journée. L’événement démarre lorsque plusieurs milliers d’étudiants de Soweto se mettent à protester contre l’introduction de l’enseignement obligatoire de la langue afrikaans dans leurs écoles de township. En chemin, ils ont rassemblé des jeunes d’autres écoles, dont un élève de 13 ans nommé Hector Pieterson. Des escarmouches ont commencé à éclater avec la police, et à un moment donné, les officiers ont tiré des gaz lacrymogènes. Lorsque les élèves ont lancé des pierres, la police a tiré de vraies balles dans la foule. Lorsque Nzima a pris la photo, il travaillait toujours pour The World et couvrait l’évènement pour le journal.
Au début, je me suis enfui de la scène. Mais ensuite, après m’être rétabli, je suis revenu.
Sam Nzima
C’est à ce moment qu’il dit avoir vu Pieterson tomber sous une pluie de tirs. Il a continué à prendre des photos alors que Mbuyisa Makhubu, un lycéen terrifié, ramassait le garçon sans vie et courait avec la sœur de Pieterson, Antoinette Sithole. Ce qui a commencé comme une manifestation pacifique s’est vite transformé en un violent soulèvement, faisant des centaines de victimes dans toute l’Afrique du Sud. Le Premier ministre John Vorster a averti : « Ce gouvernement ne sera pas intimidé. » Mais les dirigeants armés étaient impuissants face à la photo de Pieterson prise par Nzima, qui montrait comment le régime sud-africain tuait son propre peuple. La publication de la photo a forcé Nzima à se cacher, soumis à des menaces de mort, mais son effet n’aurait pas pu être plus visible. Soudain, le monde ne pouvait plus ignorer l’apartheid. Les graines de l’opposition internationale qui allait finalement renverser le système raciste avaient été plantées par une photographie.
Le Times a d’ailleurs consacré une vidéo à cette photographie :
Vers la fin de l’année 1976, la police de sécurité sud-africaine a commencé à cibler et à poursuivre les étudiants et les journalistes, ainsi que les photographes, qui avaient participé au soulèvement du 16 juin et cela a continué jusqu’en 1977.
Un de ses amis, qui était membre de la police de Johannesburg à l’époque, l’a informé qu’il était lui aussi une cible. Sam a alors décidé de retourner à Lillydale. Il est parti le soir même, puis sa femme a vendu leur maison et s’est installée à Lillydale pour être avec lui. Là-bas, il a ouvert un magasin de bouteilles. Un membre de la branche de la sécurité de Nelspruit (une ville voisine) est venu à son magasin et lui a dit qu’ils savaient ce qu’il avait fait. On lui a dit qu’il n’était pas autorisé à quitter sa maison pour quelque raison que ce soit et que s’il le faisait, il serait arrêté. Afin de s’assurer qu’il respectait ses engagements, ils l’ont surveillé tous les vendredis pendant trois mois.
Le journal The World a été interdit en 1978. Les journaux The Star et The Rand Daily Mail voulaient que Sam les rejoigne, mais il n’a pas pu le faire par crainte pour sa vie.
En 1979, il a été nommé par le ministre en chef Hudson Ntsanwisi pour devenir membre de l’Assemblée législative de la patrie, Gazankulu. Après des années de lutte pour les droits de sa photographie d’Hector Peterson et de Mbuyisa Makhubu, Sam Nzima a finalement été récompensé en 1998, lorsque le journal The Star lui a accordé les droits d’auteur. Le fils de Nzima, Thulani, a déclaré que ce retard avait coûté à son père d’énormes sommes d’argent.
Au moment où nous avons obtenu les droits d’auteur, ceux qui voulaient utiliser l’image à des fins commerciales en avaient déjà retiré toute la valeur.
La deuxième chose est qu’il a fallu environ 18 ans pour que même notre propre gouvernement reconnaisse finalement Sam Nzima comme l’homme derrière l’image, alors qu’il est encore en vie.
Pendant ce temps, nous avons vu diverses utilisations de l’image, certaines sans même demander de droits d’auteur, et même de la part de nos structures gouvernementales.
Thulani Nzima
L’image a été exposée en Allemagne avec les photographies d’Alf Kumalo et de Peter Magubane en 2001. Nzima a été honoré de l’Ordre national d’Ikhamanga de bronze lors de la Journée de la liberté en 2011, lorsque le Président remet les plus hautes distinctions d’Afrique du Sud à des personnes qui ont contribué à l’amélioration de la République.
Par la suite, il a dirigé une école de photographie à Bushbuck Ridge et siégé également au conseil municipal de Bushbuck Ridge et au conseil du district de Bohlabela. Il est décédé le 12 mai 2018.
Sanlé Sory
Sanlé Sory est un photographe burkinabé né en 1943, propriétaire du studio Volta Photo. Il vit et travaille à Bobo-Dioulasso. Il a commencé sa carrière photographique à Bobo-Dioulasso l’année même où son pays est devenu indépendant de la France en 1960, sous le nom de République de Haute-Volta. En tant que jeune apprenti travaillant avec un patron ghanéen, il a appris à travailler avec une chambre photographique, avant de traiter et d’imprimer ses propres photos. Comme de nombreux photographes africains de sa génération, il a choisi le format 6×6. Il a eu le privilège de documenter l’évolution rapide de sa propre ville, Bobo-Dioulasso, alors capitale culturelle et économique de la Haute-Volta. Il a saisi la collision frontale entre la vie moderne et les traditions séculaires de cette région rurale et culturellement riche.
Il a commencé sa carrière en documentant les épaves d’autoroutes à Bobo et dans les environs, voyageant à moto dans toute la région. Au milieu des années 60, il a ouvert son propre Volta Photo, qui deviendra bientôt le meilleur studio photo de la ville. Entièrement dévoué à son art et à son travail, il suit sa propre règle :
Plus on aime quelque chose, plus on s’investit dans sa passion.
Sanlé Sory
Il a travaillé comme reporter, illustrateur de pochettes de disques, photographe officiel, mais surtout comme photographe de studio. Très actif, il a dépeint les habitants de Bobo-Dioulasso avec esprit, énergie et passion. J’ai particulièrement aimé ces images de nuit (de la série Night people) typiques de cette approche. Elles sont certes imparfaites, mais tellement, tellement vivantes.
Ses sujets illustrent parfaitement l’éloignement et la mélancolie des villes africaines enclavées au cœur du continent. Ils traduisent également une certaine exubérance de la jeunesse au lendemain des premières décennies des indépendances africaines. Ses images en noir et blanc ont véritablement magnifié cet âge d’or avant que le format 24×36 et les films couleur courants ne viennent prendre la suite. Inconnue, oubliée ou méconnue, la photographie voltaïque est pleinement incarnée par Sanlé Sory, dont les images témoignent d’une effervescence sociale et culturelle unique. Les photographies de son Bobo-Dioulasso nous font penser aux mots de Renoir selon lesquels « plus c’est local, plus c’est universel ».
D’ailleurs, il y a un autre photographe, Paul Kodjo (dont le travail a été redécouvert récemment et présenté au musée du Quai Branly), qui s’est aussi penché sur le sujet. Il narre la vie à la même époque, mais en Côte d’Ivoire. À découvrir aussi, les images sont aussi saisissantes et pleine de fougue.
Jamel Shabazz
Jamel Shabazz, né en 1960 et qui a grandi à Brooklyn, New York, est un pionnier de la photographie streetstyle. À l’âge de quinze ans, il a pris son premier appareil photo et a commencé à documenter ses pairs. Inspiré par les photographes Leonard Freed, James Van Der Zee et Gordon Parks, il a été émerveillé par leurs travaux sur la communauté afro-américaine.
En 1980, il s’est donné pour mission de documenter de manière exhaustive divers aspects de la vie à New York, de la culture des jeunes aux conditions sociales. En raison de sa spontanéité et de son caractère unique, les rues et le métro sont devenus la toile de fond de nombre de ses photographies.
Shabazz dit que son but est de contribuer à la préservation de l’histoire et de la culture. Au cours des quinze dernières années, il a participé à plus d’une vingtaine d’expositions personnelles : Men of Honor, A Time Before Crack, Pieces of a Man, Represent, Crossing 125th Street, Sights in the City, Back in the Days et Seconds of my Life, qui ont été présentées de l’Argentine aux Pays-Bas, en Angleterre, en Italie, en Allemagne, en France, au Japon, au Canada et dans tous les États-Unis.
Il a aussi travaillé avec un large éventail d’organisations visant à inspirer les jeunes dans le domaine de la photographie et a été enseignant pour de nombreuses institutions comme la Rush Philanthropic Arts Foundation, le programme pour les jeunes du Bronx Museum’s Teen Council, l’International Center of Photography, les Friends of the Island Academy et le Studio Museum in Harlem’s Expanding the Walls Project.
Shabazz est l’auteur de huit monographies et a contribué à plus de deux douzaines d’autres. Il travaille actuellement sur de nouveaux projets de livres.
Pour en découvrir plus sur son œuvre, vous pouvez consulter cet article : Connaissez-vous Jamel Shabazz le photographe streetstyle des années 80 ?
Le plein de sources
Alors, j’ai eu déjà pas mal de boulot pour produire tout le contenu sur les photographes précédents (pour lesquels il n’y avait souvent rien en français). Du coup, je n’ai pas en plus intégré ceux des articles ci-dessous. Ils sont aussi très bien, et je vous invite à les lire. Je vous conseille donc :
- 5 grands photographes du continent africain mis à l’honneur dans une expo à Paris
- Archives : le regard de photographes afro-américains sur la société du XXe siècle
- Dans l’œil de femmes noires photographes
- La nécessité de redécouvrir l’œuvre de Gordon Parks, à la lumière de la lutte antiraciste (qui est plus détaillé que ce que j’ai pu faire ici).
Et si vous parlez anglais, ces 3 articles sont intéressants aussi :
- 10 Black Photographers Who Shaped American History
- 4 Famous Black Photographers You Should Know About
- 12 African American Photographers You Should Follow Right Now
Peut-on photographier les Noirs sans être noir ? (par Le photographe minimaliste)
Cette partie a été rédigée par Antoine Zabajewski (Le photographe minimaliste) que j'accueille sur le Blog. (Je reprends la parole à la conclusion.) Je vous invite chaudement à aller voir ce qu'il fait, si vous avez envie de prendre une petite dose de culture photographique.
Une polémique actuelle
Lorsqu’une expo m’intéresse, je réserve au plus vite un billet en ligne. Je me connais, si je ne le fais pas, je la loupe à tous les coups. Quand j’ai su que Gregory Halpern exposait son dernier projet Soleil Cou Coupé à Paris, je me suis précipité.
Une heure avant la fermeture, j’arrive à la Fondation Henri Cartier-Bresson dans le Marais. Pas un chat en ce vendredi 2 octobre. La journée a été douce, les gens préfèrent boire des verres en terrasse plutôt que de s’enfermer dans un musée.
Un coup d’œil rapide sur le dépliant à l’entrée m’apprend qu’Halpern a photographié la Guadeloupe et ses habitants pendant plusieurs mois.
J’entre dans la salle principale. Sur la première photo, un homme noir tient dans les bras une femme blanche dont la tête émerge de l’eau.
À la fois délicate et perturbante, la scène questionne. L’homme a-t-il sauvé la femme de la noyade ? La relation entre les deux est équivoque. Est-ce un couple ? Un gigolo et une touriste ? Il n’y a pas de réponse.
L’image, comme tout le travail d’Halpern, joue sur l’ambiguïté et la contradiction. Pour aller plus loin, vous pouvez lire l’analyse que j’ai faite de son précédent livre : ZZYZX de Gregory Halpern : le futur de la photographie américaine.
J’aime m’interroger sur le sens des œuvres. C’est l’un de mes plus grands plaisirs en tant que spectateur. Petit emballement qui s’arrête très vite avec le texte à côté de la photo. On nous dit que l’homme « pratique un massage par flottaison ».
Fin du mystère.
Et ça va plus loin, l’encadré s’achève par ces mots : « Cette photographie souligne la persistance de différences raciales, perpétuées par l’esclavage et le colonialisme. » Comme le décrypte Michel Guerrin, « on dit au spectateur comment regarder, pour qu’il n’ait pas de mauvaises pensées ».
Sur le mur d’en face, se trouve le texte de présentation de l’exposition. Il est écrit que « le photographe s’est toujours mis en disposition de rencontres : il les a traduites en portraits qui ne sont jamais le produit d’une appropriation, mais toujours celui d’un échange. ».
Le mot est lâché.
D’infimes précautions sont prises pour qu’Halpern, photographe américain blanc, ne soit pas accusé d’appropriation culturelle.
Le risque de l’appropriation culturelle
Le sociologue français Eric Fassin s’est intéressé à ce sujet qu’il définit comme « un emprunt entre les cultures s’inscrivant dans un contexte de domination ».
Et concrètement ? Il est reproché à des membres d’une culture dominante – comprenez blanche et occidentale – d’utiliser de manière offensante, abusive ou inappropriée des éléments de culture de minorités non blanches et non occidentales.
Il ne se passe d’ailleurs pas une semaine sans qu’une controverse ne fasse les gros titres. Quand Miley Cyrus twerke, quand Katy Perry s’habille en geisha, quand Marc Jacobs fait défiler des mannequins blanches coiffées de dreadlocks, les Internets s’enflamment.
C’est justifié dans la mode, les marques s’enrichissent alors que les cultures pillées n’en tirent souvent aucun bénéfice. Dans la musique par contre, les chanteuses ne profitent pas vraiment de cette culture affichée pour vendre un produit ou faire la promotion d’un album. Au pire, c’est du mauvais goût. Le concept un peu fourre-tout d’appropriation culturelle semble sans cesse s’étirer ces dernières années. Les arts ne sont pas non plus épargnés.
Le monde de l’art concerné
En 1955, dans le Mississippi, Emmett Till, un garçon noir de 14 ans, est torturé et assassiné par deux hommes blancs. La mère de l’adolescent demande alors que les photos de son fils dans son cercueil soient publiées, afin de sensibiliser sur le racisme aux États-Unis.
L’artiste Dana Schutz réalise 60 ans plus tard Open Casket (« cercueil ouvert »), une peinture abstraite qui s’inspire d’une de ces photos.
La toile de Schutz suscite peu de controverse jusqu’à ce qu’en 2017, elle soit incluse dans l’exposition de la Biennale de Whitney à New York.
Quelques jours après l’inauguration, une lettre collective demande au musée que l’œuvre soit retirée et si possible détruite :
Il n’est pas acceptable pour une personne blanche de transformer la souffrance des Noirs en profit et en plaisir.
Dans un brillant article paru dans le magazine d’art contemporain Spike, le critique Klaus Speidel note que la polémique se cristallise autour de la propriété du sujet et de l’appartenance à un groupe social.
L’appartenance au genre humain a-t-elle encore un sens ?
L’œuvre est réduite à l’un de ses thèmes « la souffrance des Noirs » et à un groupe « une personne blanche ». Les signataires de la lettre revendiquent que la souffrance des Noirs soit la propriété exclusive des Noirs, et qu’ils en soient les représentants exclusifs.
Selon Speidel, si une telle affirmation était acceptée, ses conséquences seraient dévastatrices :
Cela conduirait à des monopoles de représentation où les médias musulmans ne seraient pas autorisés à couvrir la mort des chrétiens, seuls les Palestiniens pourraient parler des attaques israéliennes, l’Holocauste arménien n’aurait pu être traité que par les Arméniens, etc.
Klaus Speidel
L’artiste se défend en mettant en avant sa sensibilité maternelle :
Je sais ce que c’est que d’être mère. L’idée même que quelque chose arrive à votre enfant est terrifiante.
Dana Schutz
Ainsi, elle tente de s’identifier non plus au groupe « personne blanche », mais à celui de « mère ».
Aria Dean, critique d’art et elle-même signataire de la pétition, lui répond en arguant que son enfant ne pourrait probablement pas mourir dans une attaque raciste.
Il y aurait un monopole de la douleur ? On ne pourrait pas être affecté émotionnellement par un événement du fait que l’on n’appartient pas au « bon » groupe ?
Cette logique du « toujours plus » peut se poursuivre indéfiniment. Dean est née en 1993, et pour certaines personnes, cela pourrait être offensant qu’elle assimile la situation actuelle en Amérique avec celle des Noirs américains dans les années 50.
Speidel achève sa démonstration :
Cela montre à quel point il est problématique, en pratique, d’enfermer une personne ou un sujet dans un groupe unique et à quel point des discussions autour de l’idée que certains groupes possèdent certains sujets sont vouées à devenir absurdes et douloureuses. Je pense qu’elles devraient être complètement abandonnées.
Klaus Speidel
La critique de l’œuvre
Par contre, la critique est recevable lorsqu’elle affirme que les Blancs préfèrent faire semblant d’agir contre le sentiment anti-noir plutôt que d’agir véritablement.
Regardons de plus près l’acte de l’artiste, c’est-à-dire sa peinture. On remarque que les coups de pinceau sont visiblement violents au niveau du visage, alors qu’ils sont plus délicats au niveau de la chemise blanche.
La façon dont Schutz traite son sujet est-elle choquante ? Speidel répond oui et donne trois explications :
- Le traitement pictural brutal du visage ne permet pas de dire ce qui n’est qu’un effet pictural et ce qui fait partie de la représentation du visage défiguré du jeune garçon (que l’on connait par les photos). Le tableau masque ainsi physiquement la mutilation réelle telle qu’elle a eu lieu.
- Les coups de pinceau violents peuvent virtuellement répéter l’acte de mutilation du visage du garçon plutôt que de remettre en question la violence de cet acte.
- Ils sont aussi un signe d’expression et d’affirmation de soi. L’artiste se met trop en avant au détriment du sujet, le garçon lynché.
Au tour de la photographie ?
Jusqu’à présent, aucun photographe ne s’est retrouvé dans l’œil du cyclone. La question n’est pas de savoir si un photographe sera concerné, mais qui sera le premier. Peut-on photographier les Noirs sans être noir ? Cette question, inimaginable il y a quelques années, se pose, surtout aux États-Unis, où les manifestations militantes sont plus vives qu’en France.
En 2022, L’exposition Soleil Cou Coupé de Gregory Halpern sera montrée au San Francisco Museum of Modern Art. Malgré la prudence du photographe, peut-il être accusé d’appropriation culturelle ?
Comment sera perçue cette photo du dos d’un homme noir tatoué du décret de la convention nationale abolissant l’esclavage en Guadeloupe ?
En juin 2020, des statues de Christophe Colomb ont été dégradées dans plusieurs villes des États-Unis, à l’occasion des manifestations du mouvement Black Lives Matter. La statue située à Boston a été décapitée, tandis que celle de Richmond a été incendiée et jetée dans un lac.
Comment sera accueillie cette photo de la statue de Christophe Colomb, symbole du début de la colonisation ?
Vers un multiculturalisme conscient
Le débat qui a eu lieu en 2017 autour de la peinture Open Casket est un bon exemple. Les campagnes contre l’appropriation culturelle sont mauvaises, à la fois pour la création artistique et l’entente entre les gens. Elles cherchent à contrôler les échanges culturels et à contraindre l’imagination.
Dans l’intérêt de l’art et de la politique, on a besoin de moins de contrôle et de contraintes, et de plus d’interactions et d’imagination.
Mettre en avant les photographes noirs talentueux
Comme le précise le sociologue Eric Fassin, l’illusion redouble quand un artiste blanc « fort de ses bonnes intentions veut parler ‘en faveur de’ au risque de parler ‘à la place de’ ».
Il est nécessaire que les minorités puissent s’exprimer et se réapproprier leur propre culture. Trop longtemps, la photographie a été entre les mains d’hommes blancs.
Les manifestations Black Lives Matter ont touché tout le monde. Même l’agence Magnum (dont Gregory Halpern est membre), pourtant réputée conservatrice (plus de 90 % de Blancs).
En juillet 2020, elle a accueilli 5 nouveaux membres « racisés » dont 3 Américains noirs :
- Khalik Allah photographie la vie nocturne et marginale d’Harlem. (Je suis fan de son travail.)
- Hannah Price travaille sur les stéréotypes raciaux et les perceptions qu’en a la société américaine.
- Colby Deal documente son quotidien d’homme noir au Texas en combinant la photographie de rue et le portrait.
- Sabiha Çimen montre à travers ses images comment l’Islam est perçu dans les médias turcs.
- Yael Martinez explore la violence de la société mexicaine contemporaine.
Bon, on est encore loin du compte, mais il y a du progrès, il était temps.
S’éloigner de l’approche documentaire traditionnelle
Dès les débuts de la photographie, au 19e siècle, des tas d’explorateurs blancs ont photographié l’« indigène » noir, entre missions d’évangélisation et études « scientifiques ».
Cette approche historique un peu extrême n’est pas si éloignée de celle de photographes actuels qui réalisent des portraits sombres et dignes de pauvres.
Le monde a-t-il vraiment besoin de cette photo de Lee Jeffries, où l’on est censé interpréter la dignité de la personne en difficulté à travers ses yeux brillants et nets ?
Non seulement ce type de travail est inintéressant, mais il est aussi offensant. Quel message la photo transmet-t-elle au spectateur ? Regardez cet homme, regardez ses yeux, voyez à quel point il est bon. Il est pauvre mais bon. Ne le jugez pas, il est comme vous.
Le photographe le connait-il suffisamment bien pour revendiquer sa dignité ? A-t-il l’autorité éthique pour juger cet homme bon ?
S’il y a bien un type de photographie qui rappelle la mission colonialiste et chrétienne, c’est bien celui-ci.
Par ailleurs, cette approche ne montre jamais la complexité de la réalité. L’une des solutions possibles, utilisée par Halpern, est de créer des portraits ambigus et contradictoires.
Comme sur cette photo toujours issue de l’expo Soleil Cou Coupé.
Et moi dans tout ça ?
Si l’article vous a fait réfléchir, je crois que ma mission est remplie.
Quant à moi, il m’a permis de questionner ma propre éthique en tant que photographe qui concentre les privilèges de la culture dominante : homme-blanc-hétérosexuel-qui-vit-dans-une-grande-métropole-occidentale.
Et je crois qu’à présent, j’aime beaucoup moins certaines de mes images.
Et pour finir sur une touche d’humour, la chronique de Marina Rollman sur la gentrification, qui m’a fait beaucoup rire. Voici un extrait :
Une fois par an, j’ai des potes qui reviennent de voyage et quand ils me montrent les photos, dans le tas, y a forcément un ou deux portraits de gamins cambodgiens tout sourire face caméra avec des maillots de foot un peu pourris. Chaque fois, j’ai envie de leur dire : et toi, ça te ferait plaisir si tes gosses étaient en photo dans la cuisine d’un connard à Phnom Penh ?
Marina Rollman
La chronique dans son élément :
Conclusion
Bon, déjà et avant tout : si tu es de l’autre côté d’internet, derrière ton écran, que tu es noir(e) et que cet article t’a permis de découvrir des photographes que tu ne connaissais pas, qui ont une pratique à laquelle tu peux t’identifier, qui te plaît, et qui s’intéressent à des sujets qui te parlent : le pari est réussi. Je suis content de t’avoir aidé. J’ai bien conscience que cet article est limité et ne couvre qu’une partie du sujet, mais disons que je ne suis pas mécontent d’avoir mis ce sujet sur la table ici.
Si vous y voyez des manques, des problématiques non évoquées ou des artistes que vous auriez aimé y voir (comme je le disais en introduction, je ne peux tout citer), n’hésitez pas à m’en parler en commentaire.
Vous pouvez, bien sûr et comme toujours, partager ce billet, il aidera peut-être votre voisin.
Et encore merci à Antoine pour sa contribution.
Pendant l’écriture de cet article, j’ai principalement écouté cette playlist :
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