Introduction
Nous revoilà donc dans les coulisses de mon travail photographique. L’Image d’une ville et Rouen sont sans doute les séries que j’ai commencées il y a le plus longtemps, mais j’ai attendu d’en faire une petite mise à jour (j’y ai publié 5 nouvelles photographies cette année) pour présenter le pourquoi du comment sur le Blog. C’est aussi une façon de justifier la présence de ce billet – on m’a déjà fait la remarque – : je parle assez peu de mon travail ici, c’est sans doute dommage, mais j’ai toujours l’impression d’avancer plus vite en étudiant les autres, et l’histoire de la photographie, qu’en parlant de ma propre production (il y a sans doute un soupçon d’humilité derrière tout ça). Je me trompe sans doute, mais quoiqu’il en soit, nous y revoici. Comme pour les précédents Making-of, je conserve le plan, et vous raconte tous mes petits secrets (mais bon, on est entre nous). Prenez une petite tisane, et on démarre.
L’idée de base
« L’image d’une ville », c’est typiquement le genre de projet qu’on pourrait qualifier de « sorti de la planche-contact ». Enfin, il a été entièrement produit en numérique, mais vous comprenez l’image. L’idée doit dater de 2015 je crois ; c’est en analysant mes images que je l’ai remarquée : à chaque fois que j’allais quelque part (dans un endroit marquant hein, je ne fais pas ça en faisant mes courses ou à Roubaix), j’essayais d’en rapporter une image. Que ça soit pendant des vacances, des voyages professionnels, des WE, ou juste voir de la famille, j’essayais d’avoir une image de chaque lieu. Pas 10, pas toujours de la même forme, mais il en restait toujours une marquante, que je considérais comme un symbole récapitulatif du lieu (on y reviendra).
Et une fois que je me suis rendu compte de ça, le déclic s’est fait, et je me suis mis à continuer, volontairement, ce travail.
Le titre
Le titre de la série est à la fois d’une évidence totale, et mérite un poil d’explication. Pour le moment (je ne dis pas que ça ne changera jamais) tout mon travail porte sur les villes, c’est là où je me sens le plus inspiré, c’est comme ça, on ne se refait pas. Donc chacune de mes séries, pourrait avoir dans son nom, le mot « ville ». Comme « La ville de Rouen » au lieu de Rouen cité ci-dessus, etc. Je n’ai pas choisi de faire ça, parce que c’est un peu redondant, sauf pour cette série là. Sinon, elle se serait simplement appelé « L’image » et vous avouerez que pour un travail photographique, on a connu plus parlant comme terme.
Quand au sens du titre, il ne faut pas entendre ville dans le sens « lieu urbanisé ». Souvent, les villes comptent dans leur territoire des lieux qui ne le sont pas (parcs, plages, etc.). Si on en croit le Larousse (et nous y croyons très fort de tous nos petits cœurs) une ville est une « Agglomération relativement importante et dont les habitants ont des activités professionnelles diversifiées. (Sur le plan statistique, une ville compte au moins 2 000 habitants agglomérés.)« . C’est pour ça que la série comporte quelques paysages naturels (compris dans le territoire d’une ville) et que ça ne me dérange pas du tout. Si c’est l’image que j’ai conservée du lieu dans ma mémoire, c’est celle-là qui ira dans la série.
Réalisation
Comme la plupart de mes projets, la réalisation de celui-ci s’est étalée sur plusieurs années, de mémoire, je dois être dessus depuis 2014. Une fois que j’ai pris la décision de poursuivre volontairement ce que je faisais inconsciemment jusque-là, j’ai essayé de produire une image à chaque fois que je me rendais dans un lieu nouveau. Enfin, il s’agit plus de tenter ma chance à chaque fois que de me tuer à la tâche pour absolument repartir avec quelque chose. Des fois, ça ne marche pas, ça ne marche pas, il ne faut pas en faire un drame, même si on a fait de la route, que le voyage était cool et qu’on a adoré le lieu. La création photographique, c’est comme la sexualité, si tu forces, y a clairement un problème.
Par exemple, j’ai rapporté cette photographie de Lyon, basée sur celle de Paris (si j’éprouve un sentiment similaire entre deux endroits, ça ne me dérange pas que ça se traduise de la même façon en image). Mais, au final, je la trouvais mauvaise, donc je ne l’ai pas gardée, et tant pis, la vie continue.
Ça c’était pour la partie pratique & approche. Concernant le matériel, j’ai utilisé :
- Un boitier reflex d’entrée de gamme, et mon boitier actuel.
- Un objectif équivalent à 75mm en plein format (pour la photographie de Rouen, prise de haut).
- Un objectif équivalent à 50mm en plein format.
- Un objectif équivalent à 17-24mm en plein format.
- Un objectif équivalent à 38mm en plein format.
- Un objectif équivalent à 24-70mm en plein format.
Comme je l’avais dit pour le Making-of d’InColors (ici), ça peut paraître beaucoup, mais c’est parce que le projet est étalé dans le temps. Je n’ai pas tout possédé en même temps, mais acheté, revendu, etc. Et honnêtement, j’ai photographié avec ce que j’avais de monté sur le boîtier sur le moment, la plupart de ces images peuvent être reproduites avec un 18-55 d’entrée de gamme et de la jugeote. Tout a été photographié dans des endroits assez ensoleillés, donc il n’y a pas besoin d’optiques ultra-performantes.
Pour l’esthétique, j’essaie de la conserver dans le temps. C’est assez proche de ce que je fais pour Rouen : j’essaie d’avoir des images équilibrées, avec toutes les nuances de gris du noir au blanc, déjà parce que j’aime bien mais aussi parce que je sais que je ne m’en lasserai pas dans le temps. C’est ce que les Etats-uniens appellent fine-art, mais bon, ça ne veut plus dire grand chose maintenant je pense. Pour être certain de ne pas en dévier, j’en ai fait un preset Lightroom, c’est plus facile pour travailler. J’ai hésité à vous le fournir avec l’article, mais je ne suis pas certain que ça vous serve vraiment au final, c’est toujours mieux de partir de son propre goût, je pense. Enfin, si vous n’êtes pas d’accord, la boîte à commentaires vous tend les bras.
Les plus malins d’entre vous, enfin ceux qui ne sont pas atteints de daltonisme aigu, auront remarqué que la série, malgré ce que je viens de dire, comporte deux photographies en couleur. Et il y a deux raisons à cela :
- Ce sont des photographies que j’apprécie, mais elles ne rendent pas bien en noir et blanc (il n’y a pas assez de contraste). Donc c’est bien beau de se fixer des règles, mais si elles m’empêchent d’intégrer des images que j’apprécie, ou que ça m’oblige à produire des choses que je trouve moches, il me semble quand même pertinent de m’en affranchir.
- Deuxièmement, quand j’ai pris ces deux photographies j’étais avec ma compagne. C’est donc aussi une façon de dire que quand elle est là, je vois le monde en couleurs. Vous noterez aussi que ce sont des images où la notion d’infini est très présente (la mer s’étend à perte de vue). Vous voyez tout ce que l’on peut dire avec quelques subtilités de composition et d’édition ? C’est choupi hein ?
Edition
Et c’est à ce moment là qu’on touche au cœur du travail, et c’est ce qui m’amuse le plus d’ailleurs… Parce si je ne l’explique pas, personne ne le voit, et ce qui est une série très personnelle passe pour une jolie suite d’images que chacun interprète à sa façon. Ready ?
Le gros train commun que je garde entre les images, et qui fait que j’en ai éliminées beaucoup, est qu’il faut qu’elles aient une horizontalité très forte, une ligne qui les traverse de part en part. Pourquoi ? Parce que comme ça, si vous les mettez toutes les unes à côté des autres, ça crée une frise chronologique. La ligne qui se suit d’une image à l’autre, c’est celle de ma vie, ce qui donne à ce travail un caractère autobiographique. On pourrait presque les imprimer toutes, les accrocher le long d’une ligne et y coller des dates, il y aurait sûrement encore des trous, ce travail ne sera jamais vraiment fini, mais vous voyez l’idée. Pour être précis, ce n’est pas une décision que je prends à la prise de vue, ça serait impossible de chercher ça. C’est lors de l’édition que je sélectionne l’image (si j’ai réussi à la produire), celle qui retranscrit le sentiment qui me restera de cet endroit.
Bon, le Blog n’a pas vocation à me servir à épancher les détails de ma vie, et je préfère laisser le lecteur se plonger dans les images et y imaginer ce qu’il veut. Mais je vais quand même, dans ma grande bonté jupitérienne, vous en expliquer quelques-unes.
Ps : notez d'ailleurs que j'avais déjà expliqué une image, Vernon, ici
J’ai vécu quasiment 15 ans à Gaillon, il m’est donc assez difficile d’en garder une image qui résumerait ça. Cette photographie représente plus la vision que j’en ai, quasiment 10 ans après en être parti, celle d’une suite de départs, ce que la gare représente le mieux. Maintenant que je n’y vais plus, c’est ça qu’il m’en reste : un lieu que tout le monde a quitté, en partie via cette ligne, que ça soit les amis pour leurs études, la famille, et ainsi de suite, tous sont à un bout ou l’autre de ces rails désormais.
De rails aussi il est question dans la photographie que j’ai choisie pour Rouen, parce que c’est là qu’ils m’ont mené en premier (pour mes études). C’est eux que j’ai emprunté pour retourner voir régulièrement ma famille, puis pour travailler. Bien que je vive à Rouen de façon permanente, j’en garde cette sensation de mouvement, d’y avoir été porté (de jeune étudiant perdu à petit cadre débutant), et c’est ça que je vois dans ce banc, où j’attends le train. Je l’ai appelé la vague, pour sa forme, mais aussi pour l’image : elles nous portent, nous font monter, descendre, ne nous emmènent pas forcément là où on le souhaiterait, mais est-ce vraiment un mal ?
Pour Paris, j’ai choisi une image renvoyant à l’immensité de la ville, immensité dont je ne bénéficie que des mauvais côtés. J’y travaille mais n’y vis pas, mon parcours quotidien est donc, toujours le même : transport / travail / transport. De cette ville immense, je ne connais bien que quelques tronçons, perdus, dans le premier tiers de l’image. J’ai toujours préféré les villes à taille humaine (comme Rouen ou Lille par exemple), où les déplacements peuvent se faire à pied de façon raisonnable. A Paris c’est impossible, et j’avais envie de retranscrire ça, quitte à l’exagérer, pour que le spectateur se sente minuscule face à ce tissu urbain sans fin (sur l’image).
Voilà, je pourrais continuer pour chaque image de la série, mais je vais laisser votre imagination travailler un peu.
Tirages
Je n’ai pas fait de livre pour cette série, simplement parce que j’ai envie que le projet reste ouvert, que je puisse régulièrement y rajouter des travaux. En revanche, j’en fais régulièrement des tirages, tout est expliqué ici, sur la page dédiée.
Conclusion
Comme pour chaque Making-of, j’espère que celui-ci vous sera utile dans votre propre pratique. C’est aussi une façon, de vous montrer concrètement, comment j’applique à ma propre pratique l’approche que je développe sur ce Blog. C’est le 3e Making-of, normalement, il vous est aisé de deviner de quel travail parlera le prochain.
Au passage, n’hésitez pas à me raconter comme vous travaillez vos projets (en n’oubliant pas un lien vers eux) dans les commentaires, c’est toujours enrichissant de confronter nos approches.
Et si vous voulez en apprendre plus sur la construction des projets, ou avoir d’autres cas pratiques comme celui-ci, je vous invite à lire ces billets :
A plus dans l’bus !
Ps : Si le sujet vous intéresse, j'ai écrit un livre complet sur la création de projet . Il vous apprendra comment développer une photographie personnelle, rester motivé, et trouver votre style grâce à un projet photographique. Découvrez-le ici : Vers la lumière.
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