Introduction
Je dis souvent que quand on s’intéresse à la photographie, ou à tout autre discipline artistique, il est important d’aller voir un peu ailleurs, de sortir de sa bulle. Cela permet de remettre notre réflexion en perspective, et aussi, parfois, de tomber sur de nouvelles idées intéressantes. Ce qui m’avait amené à rédiger cet article :
Pour ma part, j’aime bien m’intéresser aux sciences fondamentales. Je trouve ça assez fascinant de découvrir comment le monde fonctionne vraiment. Et c’est ce qui va nous amener à l’article d’aujourd’hui. Je ne vous cache pas qu’il est assez tiré par les cheveux, et qu’on va partir de très loin (le plus loin possible à vrai dire) avant de revenir à la photographie. Prenez votre courage à deux mains, on démarre.
Le mur de Planck, mais qu’est-ce que donc que c’est ?
En 1900, Max Planck émet une théorie, il existerait une sorte de limite conceptuelle à l’univers que l’on appelle le « Mur de Planck ».
Prérequis
Avant de commencer à expliquer ce que c’est, il faut bien comprendre que notre univers est régi par 4 forces, ni plus ni moins. C’est quand même pratique, parce que si ça avait été 267, ça aurait été quand même bien galère de faire un article là dessus. Ces 4 forces sont :
- L’électromagnétisme, dont l’étude explique le fonctionnement de la lumière, des ondes, etc.
- Les interactions nucléaires faibles, soit le fonctionnement à l’intérieur des étoiles.
- Les interactions nucléaires fortes, la même chose, à l’intérieur des particules composant les atomes.
- La gravitation, soit ce qui régit le mouvement des objets dans l’espace et dans la vie. Ce qui est expliqué par Newton. puis par la relativité d’Einstein.
Jusque-là tout va bien… En étudiant ces 4 forces, on comprend à peu près comment marche l’univers, on peut faire des bombes nucléaires, des satellites pour diffuser la télé, bref, tout roule dans le meilleur des mondes. Sauf… sauf de l’autre côté du mur de Planck.
Description
Pour saisir ce qu’est le mur de Planck, il faut savoir quand il se situe dans l’histoire de l’univers, et la taille de celui-ci. Bref, le définir un peu.
Ce ‘mur’ désigne la fin de la période de l’histoire de l’Univers, qui suit de très près le Big bang, d’environ 10-44 secondes après le démarrage de l’aventure. Soyons précis, le mur se situe à 0,000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 01 seconde après le Big bang. Pour vous donner une image, le temps que ce mot soit vu par vos yeux, traité par votre cerveau, et compris, est 4 millions, de milliards, de milliards, de milliards de fois plus long. Outch.
Le mur de Planck est aussi une limite de taille : à ce moment, l’univers fait la plus petite taille qu’il est possible d’avoir d’un point de vue scientifique, c’est la longueur, ultime, la plus petite distance entre deux points de l’univers. Pour ceux qui aiment les 0, cela fait 0,000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 001cm. C’est très petit, pour vous donner un ordre d’idée, c’est plus petit qu’un électron et à peine plus grand que Nicolas Sarkozy. Tout notre monde est enfermé dans cette membrane sphérique, en mouvement. Ça veut bien dire qu’à un moment, dans l’histoire de l’univers, tout a tenu dans ce petit espace, vous, moi, les planètes, les étoiles, TOUT.
Cette sphère pèse environ 20 microgrammes, oui c’est tout léger, mais c’est parce que sa masse est presque entièrement convertie en énergie, soit celle de l’univers (sans entrer dans les détails du pourquoi). Elle a également une température,1032°C soit 100 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000°C. Je ne vais pas reprendre un exemple comme j’ai fait pour vous donner une idée de la grandeur, mais c’est quand même vachement chaud.
Donc pour résumer, l’ère de Planck représente une période très courte, se situant entre le Big bang et le mur de Planck. A ce moment, l’univers est de la taille la plus petite qu’il est possible d’avoir, et se trouve être une boule d’une énergie immense. On dit que l’on passe le mur de Planck quand on remonte le fil du temps, de nos jours vers le Big bang.
Conséquence
Et c’est là que les choses se corsent, car c’est au cours de cette période (l’ère de Planck) que les quatre interactions fondamentales (électromagnétisme, interaction nucléaire faible, interaction nucléaire forte et gravitation) sont unifiées, c’est-à-dire qu’elles s’appliquaient en même temps. Et ça, ça fout carrément le bordel, parce que notre théorie actuelle de la gravitation marche très bien pour les gros volumes (je peux facilement vous dire où sera Jupiter dans 1 000 ans) par contre, pour ce qui est microscopique, comme l’univers pendant cette période, c’est un ratage total.
Et ce n’est pas fini, notre conception du temps à nous, réel, n’existe pas non plus. Le temps est ce qu’on appelle du temps complexe ; la seconde, la minute, le siècle etc. n’ont plus de sens. Le temps est en perpétuelle évolution, mais celle-ci n’a pas de sens, c’est le WTF complet. De l’autre côté du mur, le temps réel est mélangé au temps imaginaire : le passé, le présent, et le futur forment le seul et même temps ; le temps est fixe, il reste en état. C’est un univers d’informations (mathématiques), sans particules, et non un univers d’énergie et de matière (physique), qui arrive après.
Du coup, en l’absence d’une théorie physique offrant un cadre pertinent pour la décrire, il n’est pas possible de dire comment se déroule cette phase appelée l’ère de Planck, ni de déterminer sa durée exacte, par le simple fait que les notions de temps et d’espace sont ici problématiques. D’ailleurs, la valeur de 10-43 seconde que je vous ai donnée n’existe qu’à titre indicatif. L’ère de Planck pourrait donc désigner la période de l’univers qui s’étendrait jusqu’à 10-43 seconde à compter de l’hypothétique instant zéro. Mais on n’en a aucune idée précise, tellement c’est le bordel.
Et cerise sur le gâteau : en ce lieu pour le moins étrange, les mesures n’existent plus. Le temps mais aussi la masse, la largeur, la hauteur, la droite, la gauche, la longueur n’ont plus de sens. D’ailleurs, le concept de Big bang n’est qu’une conséquence de la théorie de la relativité, il en découle, mais on n’est même pas sûr qu’il y ait un un Big bang, tant ce qui se passe pendant l’ère de Planck est mystérieux.
C’est quoi le lien avec la photographie ?
HOLY SHIT. Bon, là, je vous le concède je suis parti un peu loin là, même le plus loin possible, le début de l’univers, on peut difficilement faire plus. Je sens même que vous commencez à regretter quand je vous parlais de Kant. J’aurais certes pu écourter un peu, simplifier encore, mais je trouve le sujet intéressant, et il mérite quand même qu’on s’y attarde un peu (le début de notre univers quand même !).
Pourquoi est-ce que je vous ai parlé de tout ça ?
Parce que si on résume les choses, il y a un moment, un mur, face auquel toutes nos connaissances s’effondrent, où toute la logique de la science, tout notre savoir se cassent les dents. Et bah, la sincérité en photographie, pour moi, c’est dépasser ce mur. C’est creuser toujours plus loin, remonter toujours en soi, jusqu’à ce que la logique s’effondre. La véritable photographie se situe derrière le mur de Planck. Là où l’intellect logique laisse place à l’incompréhensible, où l’on sait seulement que l’on fait ses photographies en soi, et pour soi.
On me taxe souvent d’élitisme, parce que j’incite à la réflexion plus qu’à la répétition, mais il n’y a rien de moins élitiste que ça, rien de plus basique, de plus simple, ni de plus accessible.
Bien évidemment, je ne vous incite pas à prendre du LSD ou une surdose de jus de fruit périmé, et à courir comme des débiles partout et faire n’importe quoi, en oubliant logique et bienséance. Seulement, quand un jour vous ferez quelque chose (une série, un projet, une photographie, peu importe) et que vous saurez que ce qui a motivé sa réalisation n’est que la satisfaction d’un besoin/désir personnel, là vous serez de l’autre côté du mur.
Pour continuer cette réflexion sur la construction de votre photographie, vous pouvez aller voir par ici :
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