Si vous suivez un peu ce qui se passe autour de la photographie en ligne, vous avez sûrement entendu parler de Paul Napo. Il publie du contenu sur sa chaîne YouTube, sur la pratique, ses projets, son métier et des réflexions plus larges sur la photographie. C’est destiné aux débutants (d’où le nom « Apprenti Photographe »), mais pas que, vu que… je le suis aussi, quoi 😅. Avec Paul, on a déjà collaboré par le passé sur nos chaînes YouTube, on sera sûrement amenés à le refaire. Et je cite régulièrement son contenu dans les miens quand c’est pertinent.
Bref, il ne faut pas voir ce qui va suivre comme un drama débile. Il s’agit plus d’un échange argumenté empreint de camaraderie.
Récemment, Paul a publié une vidéo sur les communautés photo. Et cela m’a doublement embêté. Tout d’abord, parce que son approche a eu tendance à tout lisser et mettre au même plan. C’est son petit côté rouleau compresseur. Je trouve que la réalité des communautés photo est beaucoup plus subtile que ce qu’il présente. Et ça m’a aussi agacé parce que je participe moi-même à une communauté photo en ligne (un Discord) qui a été ouverte pendant le premier confinement. Je m’y suis beaucoup investi, et là aussi, je trouve que sa présentation est parfois grossière ou manque de perspective. Il y a des erreurs méthodologiques qui sont franchement regrettables.
J’allais donc laisser un commentaire sous sa vidéo. Puis il a commencé à devenir vraiment long. Donc j’ai commencé à répondre sur notre Discord et là aussi, j’ai vite été limité par la taille des messages. Et j’ai fini par me dire que bon, vu que sa vidéo est publique, une réponse publique pouvait faire sens.
Je le répète : cette réponse est amicale. Que personne n’aille emmerder Paul, ce n’est pas le but. Le but c’est que vous ayez un peu plus de perspective, de nuance, sur les communautés photo que ce qui est présenté dans la vidéo. Et on ne va pas se mentir : c’est bon pour Paul, son référencement ne s’en plaindra pas.
PS : D'habitude, dans les articles je m'adresse à vous, en disant "vous", justement. Vous, les lecteurs. Dans cet article il y aura du tutoiement, c'est quand je m'adresse à Paul directement. Parce que certains passages ont été rédigés comme un message direct qui lui était adressé et que de toute façon, en toute logique, il va lire ce texte. Donc autant ne pas tourner autour du pot.
Le contenu à l’origine de l’article
Avant de démarrer, voyons de quoi on parle. La vidéo à l’origine de cet article, c’est celle-ci :
Si vous avez la flemme de la regarder, voici un résumé des principaux points de la vidéo :
- Paul parle du piège lié à la pratique de la photographie et de la tendance naturelle à vouloir partager cette passion.
- Il explique qu’il existe différentes communautés de photographes, tant physiques que virtuelles, où les membres partagent leurs idées, techniques et critiques de photos.
- Paul souligne que toutes ces communautés sont équivalentes et qu’elles créent une identité spécifique, avec des types de photos et des pratiques appréciées ou détestées.
- Il mentionne que rejoindre ces communautés peut être à la fois une bonne chose pour l’expression, le partage et la progression, mais peut aussi limiter notre pensée et notre exploration de la diversité de la photographie.
- Paul avertit que les communautés peuvent nous enfermer dans une façon de penser spécifique et influencer nos choix artistiques.
- Il encourage les photographes à prendre du recul, à remettre en cause les croyances et à développer un esprit critique pour éviter de se conformer aveuglément aux opinions de la communauté.
- Paul affirme que les communautés sont bénéfiques, mais il faut rester conscient de leurs mécanismes et ne pas se sentir obligé de suivre leur direction imposée.
- En conclusion, il conseille de continuer à fréquenter les communautés, mais de rester ouvert, de remettre en cause les idées et de trouver sa propre voix en photographie.
De mon côté, j’ai téléchargé les sous-titres automatiques de la vidéo, je les ai filés à une IA pour qu’elle les remette en forme. Cela forme le script de la vidéo que vous trouverez ci-dessous. Je ne suis pas repassé derrière pour vérifier mot par mot que c’était bon (on n’a pas besoin de ce niveau de détail ici). Je me baserai sur cette transcription quand je ferai des citations. J’estime qu’elle est suffisamment fiable pour ça et ne trahit pas les propos de Paul.
PS² : Suite à la vidéo, il y a évidemment eu des échanges sur le Discord auquel Paul a participé. Étant donné que ça n'est pas totalement public (c'est en libre accès, mais sur invitation), je ne vais pas y répondre ici, ni les reprendre. Ça serait un vrai enfer à faire. Il y aura juste une exception à ce point, qui me permettra de développer un argument auquel je tiens. Voilà, on peut démarrer.
La réponse aux points de Paul
C’est marrant comme titre de partie, non ? Essayez de le dire plein de fois très vite.
Donc, Paul, j’avais des réponses à apporter à tes arguments dans la vidéo, des détails à donner, des choses à remettre un peu en ordre. Le truc, c’est que comme tu le dis toi-même dans ta vidéo : c’est un peu le bordel. Du coup, plutôt que de faire une réponse linéaire, point par point (ce qui aurait été un peu ennuyeux pour toi et sans grande surprise), je suis parti sur un plan thématique. Je trouve ça beaucoup plus lisible. Bref, allons-y.
C’est quoi une communauté ?
Avant de rentrer dans ce qu’est une communauté et les échanges qu’on peut y avoir, tu commences par mettre sur le même plan les clubs photographiques et les communautés en ligne. Tu dis :
Déjà, la première que je voudrais introduire, c’est qu’il n’y a pas vraiment de différence entre un club photo physique et un serveur Discord, que toutes ces communautés sont relativement équivalentes.
Paul Napo
C’est doublement faux. De par leur origine et aussi par leur fonctionnement. J’ai écrit un article sur le sujet :
Une partie est dédiée à l’origine des clubs photo. Et sans surprise, elle est technique. Tout simplement parce qu’à l’époque de l’apparition des premiers (on parle de la deuxième moitié du 19e siècle), internet n’existait pas et que c’était l’une des seules façons d’avoir des informations fiables et un vrai retour d’expérience. La technique est dans l’ADN des clubs photo depuis le départ et elle y est restée. Si dans l’article sur le sujet, je prends le temps de souligner que ça n’est plus toujours le cas, ça reste très majoritaire. Je ne compte plus les témoignages que j’ai pu recevoir dans ce sens ces dernières années.
Mais à la limite, ça n’est pas la plus grosse différence entre les deux. La principale différence c’est la dématérialisation et toutes les conséquences qui en découlent.
- Un club photo, c’est dans un lieu précis et à des horaires précis.
- Un serveur Discord (ou un groupe Facebook) est accessible partout, par tout le monde et tout le temps.
Et fondamentalement, ça change un peu la sociologie des participants. Pour être membre d’un club photo, il faut avoir le temps d’y aller et de s’y consacrer (d’où le fait qu’on les associe le plus souvent à des photographes un peu plus âgés pour les railler). Tu le dis toi-même : tu as été membre d’un club photo et tu es sur 5 serveur Discord. Pourquoi ne pas être membre de 5 clubs photo aussi, pour avoir d’autres sons de cloche ?
Parce que tu ne le peux pas, tout simplement. Comme tout le monde, tu dois composer avec l’offre de ta ville. Tu n’as pas ce problème avec les espaces d’échanges en ligne. L’accès (sans cotisation) et la sortie sont beaucoup plus simples. Il n’y a pas d’espaces physiques à gérer ni rien.
La conséquence de ça, c’est qu’à mon avis les espaces d’échanges en ligne sont beaucoup plus souples et hétérogènes que les espaces physiques. Tu l’as vu par toi-même : si 3 membres sont passionnés d’une vieille technique argentique, en 3 clics ils ont un espace à eux et ne vont pas prendre la place de ceux voulant parler de tirage.
L’autre conséquence, c’est l’âge moyen (comme pour la plupart des outils numériques). De nombreux utilisateurs de Discord sont âgés de 25 à 34 ans, avec une part de 42,4 % de la distribution totale par groupe d’âge. Les plus jeunes, âgés de 16 à 24 ans, représentent 22,2 % des utilisateurs (source). Dans la vidéo tu nous dis :
Il y a une hiérarchie, le photographe qui fait de la photo depuis 30 ans et qui appartient au club depuis 20 ans a une aura, il a un peu une voix qui pèse plus que les autres, et il va un peu imposer cette vue aux gens autour de lui.
Paul Napo
C’est évidemment beaucoup moins vrai pour les espaces de discussion en ligne. Simplement parce que ce n’est pas possible. En revanche, je suis d’accord pour dire que certains membres peuvent avoir une plus grande aura que d’autres. Par leur participation ou tout simplement leur activité en ligne. Il est logique que sur le Discord de Paul Napo, Paul Napo soit plus écouté que les autres. Même si c’est à nuancer, on y reviendra quand on parlera du laboratoire d’idées. Sois patient, chaton.
Une communauté, en fait, c’est un ensemble de gens qui sont réunis par un ensemble de croyances.
Paul Napo
Pour en revenir aux communautés et à leur construction, je ne pense pas que ça soit lié à des « croyances » (on va y revenir juste après aussi). On n’est pas là, à l’entrée, à vérifier qui croit à quoi. Une communauté, ça n’est pas une église. La réponse est dans le mot : une communauté c’est des gens qui ont quelque chose en commun. Dans notre cas, je pense que ça serait le respect, un goût de l’échange et une relative liberté d’expression. J’y ai vu des débats sans fin, sur tous les sujets, mais toujours de façon respectueuse et argumentée. Dans d’autres ça sera un intérêt pour l’argentique par exemple, mais je doute fortement que ça soit une « croyance » du type « l’argentique est tellement mieux ».
À un moment de la vidéo, tu dis :
Le piège des communautés photo, c’est de s’enfermer dans une manière de penser et une manière de voir la photo.
(…)
Les croyances, ça nous limite et ça nous empêche peut-être de progresser autant qu’on pourrait en photo. Les communautés, ce sont des espaces qui globalement renforcent les croyances et ont tendance à vous faire entrer un petit peu dans une boîte.
Paul Napo
Je pense que tu effleures le problème, sans vraiment mettre le doigt dessus. Ce que tu dis est juste, mais ça n’a rien à voir avec un système de « croyances » ; ce dont on parle là, c’est de la pression sociale.
L’influence sociale ou la pression sociale est l’influence exercée par un individu, ou par un groupe sur chacun de ses membres, dont le résultat est d’imposer des normes dominantes en matière d’attitude et de comportement. Émile Durkheim fut le premier sociologue à souligner la « force » du social sur l’individu[réf. nécessaire].
Cette influence entraîne la modification des comportements, attitudes, croyances, opinions ou sentiments d’un individu ou d’un groupe à la suite du contact avec un autre individu ou groupe. Pour noter un tel effet d’influence, une quelconque relation doit exister entre ces entités. On distingue plusieurs types d’influences sociales, dites typologies d’influence, telles que le conformisme, l’innovation et la soumission à l’autorité.
Wikipédia – Influence sociale
Le sujet, à ce stade, c’est de la sociologie, plus de la pratique photographique. La vraie question c’est : est-ce que l’organisation de la communauté et son fonctionnement favorisent ou non cette pression sociale ? Est-elle imposée ?
Dans ta vidéo, tu racontes aussi ceci :
Si je reprends encore une fois l’exemple, je peux vraiment faire une chronologie des communautés auxquelles j’ai appartenu et comment ça a influencé ce qui sortait de mon appareil photo, sur mon travail, sur les produits finis.
Paul Napo
Il y a donc deux solutions :
- Soit les communautés étaient très top-down, mal organisées et, en effet, avaient mécaniquement tendance à imposer un point de vue aux participants (c’est regrettable),
- Soit le problème est du côté de l’utilisateur et du fait que tu aies pu être influençable (ce qui peut arriver à tout le monde à un moment de sa pratique, moi le premier).
J’aurais tendance à privilégier la deuxième option, pour une raison de méthodologie que l’on verra un peu plus tard (sinon mon article va finir par être plus en bazar que ta vidéo 😅).
Avant de passer à la suite, j’en profite pour répondre à un point qui a été évoqué dans les discussions ayant suivi la vidéo. C’est un poil HS, mais ça me donne l’occasion de traiter le sujet (qui a une chance sur deux de sortir dans les commentaires). Ce point, c’est : « les communautés photo auraient un effet bulle ».
L’effet bulle n’existe tout simplement pas dans les communautés photo, c’est mécanique. Voici ce qu’en dit Wikipédia :
La bulle de filtres ou bulle de filtrage (de l’anglais : filter bubble) est un concept développé par le militant d’Internet Eli Pariser. Selon Pariser, la « bulle de filtres » désigne à la fois le filtrage de l’information qui parvient à l’internaute par différents filtres ; et l’état d’« isolement intellectuel » et culturel dans lequel il se retrouve quand les informations qu’il recherche sur Internet résultent d’une personnalisation mise en place à son insu. Selon cette théorie, des algorithmes sélectionnent « discrètement » les contenus visibles par chaque internaute, en s’appuyant sur différentes données collectées sur lui. Chaque internaute accéderait à une version significativement différente du web. Il serait installé dans une « bulle » unique, optimisée pour sa personnalité supposée. Cette bulle serait in fine construite à la fois par les algorithmes et par les choix de l’internaute (« amis » sur les réseaux sociaux, sources d’informations, etc.).
Wikipédia – Bulles de filtres
Les bulles de filtres sont un concept lié aux algorithmes qui présentent le contenu que tu vois sur internet. Cela ne s’applique déjà donc pas aux clubs photo, et non plus aux serveurs Discord.
Quand on s’y connecte, aucun algorithme ne sélectionne le contenu qui nous est présenté. On voit les sujets, on lit ce qui nous intéresse. Encore une fois, je pense que le sujet relève plus de la sociologie : comme partout ailleurs, dans la vie, on est influencé par les groupes sociaux que l’on fréquente. Les communautés photographiques ont exactement le même impact que nos collègues de bureau. Mais c’est bien nous qui pilotons ça, et non un algorithme dont on n’a pas connaissance du mode de fonctionnement. On peut décider ou non de déjeuner avec nos collègues. On peut quitter une communauté et en rejoindre une qui correspond plus à nos valeurs en 3 clics. Il n’y a aucune bulle qui filtre quoi que ce soit là-dedans.
Maintenant, passons au plat principal.
Quel est le rôle des « croyances » ?
Et c’est là qu’on arrive au passage que j’attendais beaucoup, beaucoup, beaucoup. Parce que ça va être rigolo.
Tu bases tout l’argumentaire de ta vidéo sur le fait que ces communautés sont pleines de croyances, à identifier pour s’en prémunir. Soit. C’est donc magique pour moi : si je démontre que ces croyances n’existent pas, tout s’effondre comme un château de cartes.
Mais du coup, c’est quoi une croyance ?
Regardons ça. Le dictionnaire nous dit que c’est une :
Connaissance considérée comme irréfutable sans qu’elle soit basée sur des preuves.
Wiktionary – Croyance
Or, de son côté, ce bon vieux Euclide nous dit que :
Ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve.
Euclide
Une variante de ça, c’est le Rasoir de Hitchens qui affirme que la charge de la preuve concernant la véracité d’une affirmation incombe à celui qui la formule ; si cette charge n’est pas remplie, l’assertion est alors sans fondement et peut être facilement rejetée.
Ce que ça veut dire, c’est que d’un point de vue épistémologique, une croyance ne vaut strictement rien. Si c’est une affirmation sans preuve, et que je peux la rejeter sans preuve, on peut la mettre à la poubelle sans le moindre effort.
Par exemple, si je te dis que la Terre est en réalité faite de fromage et que tu me réponds « non », bah, l’argument part à la poubelle. Je n’ai pas de preuve à avancer, tu n’en as donc pas besoin pour le réfuter. Et c’est le cas pour toutes les croyances.
Donc je pose la question : si toutes ces croyances peuvent être réfutées sans preuve, d’un simple revers de la main, pourquoi auraient-elles le moindre impact sur les communautés où elles sont émises ? Vu qu’il suffirait de dire « non, désolé » à chaque fois qu’elles sont émises pour les réfuter, comment expliquer ça ?
Il n’y a qu’une réponse à cette question : il ne s’agit pas de croyances, tout simplement. Il s’agit soit de connaissances, soit de faits, soit d’opinions argumentées. Et ça, en effet, pour les réfuter il faut argumenter, débattre, avoir des preuves, de la logique et ainsi de suite. On reviendra dans la suite de l’article sur comment, justement, avoir ces échanges, et la différence entre ceux qui sont positifs et constructifs et les autres.
Simplement, dans ta vidéo, tu mets toutes les positions d’une communauté (donc comme on vient de le voir, des opinions, les faits, la connaissance et un peu de croyances aussi sans doute), sous la seule bannière de « croyances ». Et je comprends qu’en écrivant le script, ça ait été tentant. Vu que toutes les croyances se valent (penser que la Terre est composée de fromage ou de chipolatas revient au même, vu qu’on ne peut prouver ni l’un ni l’autre), il est facile de les considérer toutes comme équivalentes et de les renvoyer dos à dos. La première communauté croit A, la deuxième B. Et comme A est égal à B, aucun des deux n’est meilleur que l’autre, il faut juste surveiller un peu ça du coin de l’œil.
Sauf que tu le vois, la réalité est plus subtile. Si l’opinion d’une communauté sur certains sujets est basée sur des croyances répétées d’un côté, et de l’autre sur de la connaissance sourcée, les deux ne se valent pas. Je suis navré, Paul, mais le relativisme ne marchera pas là non plus.
Exemples d’arguments
Dans ta vidéo, tu évoques plusieurs sujets sur lesquels tu as pu voir des opinions tranchées. Étant donné qu’il y a eu des arguments développés pour chacun (« preuve » serait un grand mot dans certaines situations), on ne peut plus qualifier ça de « croyance ». On va prendre le temps d’en développer quelques-uns. Tu ne peux donc pas les balayer d’un revers de la main, ni non plus considérer toutes les positions comme équivalentes.
Les NFT
Sur notre Discord, tu as évidemment pu tomber sur une myriade d’échanges sur les NFT, à t’en filer des sueurs froides. Je peux parfaitement comprendre que le sujet n’intéresse pas du tout et laisse de marbre. En revanche, est-ce vraiment raisonnable de reprocher à une communauté d’avoir été aussi loin dans les échanges sur le sujet ?
Au final, ces échanges m’ont permis de cadrer ma pensée, de trouver de nouveaux arguments, d’en invalider d’autres et de produire cet article :
Il fait 10 000 mots, tout est documenté et sourcé. Je ne vais pas, bien sûr, te refaire le topo ici. En revanche, j’attends toujours, des mois après, que les « pro »-NFT viennent réfuter tous les arguments présentés. Car ça n’a jamais été le cas.
Mais on va faire plus simple. Dans cet article, Numerama explique que :
Aujourd’hui, 95 % des projets NFT qui se sont lancés sur les dernières années ne valent plus rien. Cela ne vaut pas le coup. Le prix des Bored Apes a été divisé par 4 par rapport à leur pic, et même la plupart des gros projets de 2022 ont vu leur prix divisé par 10 en moyenne.
Numerama – « 95% des projets NFT ne valent plus rien » : après l’emballement, la désillusion
La chute a été totale. Sur le sujet, j’ai envie de dire que j’avais à 95 % raison. Au final, est-ce que l’on peut considérer que ces échanges étaient bien nécessaires ?
Ce que tu appelles une « croyance » (en dépit de tous les faits avancés) s’est avéré être une position plutôt raisonnable et lucide quand on voit le résultat à l’arrivée.
Théo Gosselin
Si vous arrivez sur un serveur Discord et vous parlez d’un photographe que vous aimez bien, et que vous avez 25 personnes qui vous disent : « Voilà, ce photographe, il est nul pour cette raison, cette raison, cette raison, c’est vraiment nul, regarde pas son travail », ben il y a quand même une chance que ça influence l’avis que vous avez sur ce photographe. Toute ressemblance avec une situation ayant existé sur un serveur Discord il y a quelques mois n’est pas du tout fortuite.
Paul Napo
Parlons maintenant de Théo Gosselin. La ressemblance n’est pas fortuite, parce que l’échange a eu lieu sur notre Discord. Et vu que c’est une position que je tiens publiquement, je n’ai aucun souci à la développer ici.
Mais avant tout : mettons le doigt sur le vrai souci. Que tu arrives dans un lieu d’échanges et que X personnes te tiennent une position argumentée n’est pas un problème en soi. La vraie question c’est : est-ce qu’elles ont raison ? Est-ce que les arguments sont recevables ?
Si oui, tu changes ton opinion, si non, tu la conserves. Dans le cas de ce photographe, soit tu affines un peu ton goût, soit non. C’est comme ça que l’on progresse et qu’on fait le tri au fur et à mesure, dans tous les arts (c’est pareil en musique, avec le temps et l’expérience, certains trucs nous paraissent un peu nuls et grossiers, quoi).
Le problème que j’ai avec le travail de Théo Gosselin est tout simple : ça fait faux. Et encore, c’est un peu gros de parler de « problème », c’est plus que ça me fait marrer et que je ne comprends pas du tout l’engouement. Il me fait penser aux « poseurs » dans le monde du skate. Ceux qui ont toute la tenue pour faire cool, mais ne skatent pas. Et honnêtement, le « faux cool », c’est un peu ridicule quand même. Dans ses photographies, on va retrouver des gens nus dans à peu près n’importe quelle situation, qui tiennent des guitares n’importe comment pour faire rockeur de la mort et ainsi de suite. Bref, c’est un peu du recyclage de Kerouac wish avec une esthétique léchée.
Donc, oui, et je ne suis pas le seul à avoir cette position, quand je vois quelqu’un d’ultra fan, j’essaie de lui expliquer un peu. Parce qu’à moins de vouloir avoir la peau transformée en pizza, personne ne fait de la moto tout nu. Et sérieusement, pourquoi se foutre à poil à chaque fois qu’on visite un truc ?
Surtout que, bon : il existe des travaux tellement plus vrais, tellement plus honnêtes, bruts… Pourquoi ne pas en parler et rediriger vers des choses plus intéressantes ? Libre à la personne d’affiner son opinion ensuite.
Je pense notamment aux travaux de Laurent Reyes dans son livre Canicule.
J’en avais d’ailleurs parlé sur YouTube, dans cette vidéo de l’année dernière :
Technicité et pratique artistique
Enfin, je voulais finir sur ce point :
Dans une communauté, on va être persuadé qu’avoir un capteur de 50 millions de pixels est absolument essentiel pour faire de bonnes photos, et dans une autre communauté, on va être persuadé qu’on s’en fout de l’appareil photo, mais que par contre, avoir une démarche personnelle et une intention, c’est ça l’important.
Paul Napo
Là, c’est clairement la palme d’or du « tout se vaut », aux Relativisme International Awards c’était clairement : 🏆🏆🏆🏆🏆.
Bref, trêve de plaisanterie. Paul : ces deux affirmations sont des réponses à deux questions complètement différentes. Tu compares les choux et les carottes là.
- La partie sur les 50 millions de pixels répond à la question : comment faire une bonne photo techniquement ? J’insiste sur le « techniquement », parce qu’une bonne photo, dans l’absolu, je ne sais pas ce que c’est (cf. cet article et cette vidéo).
- La partie suivante, sur l’aspect personnel de la pratique, répond à la question : que faire de nos compétences une fois qu’on les a acquises ? Tu connais la grammaire et l’orthographe, maintenant, comment on écrit un roman ?
Les deux sujets ne sont pas mutuellement exclusifs. Comme toi, la deuxième partie m’intéresse beaucoup plus. Mais j’ai aussi besoin de la première et ponctuellement les enjeux matériels vont m’intéresser aussi. Parce que je veux obtenir un certain rendu, avoir un certain confort ou certains outils pour aller plus vite et plus efficacement (comme un bon AF en photo de rue, par exemple).
Présenté comme tu le fais, on a l’impression qu’il s’agit de choisir un dogme pour devenir de bons photographes (je ne sais toujours pas ce que c’est). On choisit un dogme (tu appelles ça un prisme, dans la vidéo), et on est parti. Sauf que ça ne tient pas la route. Si ça répondait au même besoin, au même sujet, on verrait des photographes acheter des Sony A1 dernière génération et devenir comme par magie des photographes célèbres, reconnus, édités, publiés, exposés. On sait tous les deux que ça n’est pas le cas et que l’affirmation est un peu ridicule. D’où la propension de certaines personnes à penser qu’en effet, l’appareil n’a probablement pas tant d’importance que ça et à se focaliser sur d’autres aspects de la pratique.
Si ces affirmations ne s’excluent pas, ne répondent pas au même sujet, je serais aussi tenté de dire qu’elles ne se valent pas non plus. Les résultats en sortie n’étant pas du même acabit. Avoir un outil performant ne garantit pas de produire quelque chose d’intéressant avec. À l’inverse, ne pas en avoir mais savoir produire un corpus d’images pertinent et intéressant semble être une compétence beaucoup plus utile.
Outro
Donc tu le vois, et c’est ce que je voulais démontrer avec ces exemples : derrière ce que tu nommes « croyances », il y a des arguments solides. Tu peux être d’accord, être contre et réfuter certains points, mais par nature cela ne peut plus rentrer dans l’étiquette de « croyances » et être juste renvoyé dos à dos sans effort. La réalité est une pute, Paul, mais c’est une pute subtile.
Les échanges possibles
On arrive à la dernière partie et ce qui fait pour moi le cœur d’une communauté photo en ligne : la façon dont sont échangées les idées, les opinions, les connaissances et tout le bordel. Dans les faits, les 3 points que j’ai présentés (ce que sont les communautés, la nature de ce qu’on y présente et les modalités d’échange) sont un peu liés ensemble. Quand on participe à une communauté photo, on fait l’expérience des 3 en même temps.
On va faire ça en deux temps. Parce qu’avant de présenter comment, à mon avis, il est pertinent d’échanger, et je pense qu’il faut faire un peu le point sur les erreurs que j’ai pu observer dans la façon que tu avais d’aborder ces échanges.
Les problèmes de méthode
À la fin de ta vidéo, tu invites les gens à prendre du recul sur ce qui se dit dans ces communautés, à identifier les points sur lesquels les gens sont d’accord et à les remettre en cause.
Prenez bien conscience de ces mécanismes, du fait qu’une communauté, c’est un petit groupe de personnes, et que parfois, on peut avoir l’impression que tout le monde est d’accord et que du coup, c’est vraiment la voix à suivre et que c’est la pensée unique. Mais qu’en fait, c’est juste la pensée unique de cette petite communauté. Je pense que plus vous serez conscients de ces processus, plus vous remettrez en cause ce que vous disent les gens, plus vous remettrez en cause l’opinion que peut avoir tel ou tel photographe, ou tel ou tel youtubeur sur telle communauté, vous aurez beaucoup plus de chances de prendre un peu de recul et moins de tomber dans le piège de vouloir absolument rentrer dans la case pour correspondre à la communauté.
Paul Napo
Je suis d’accord sur le principe. Qui serait contre l’idée de prendre du recul face à un discours ?
Mais c’est aussi là, je pense, que tu fais ta plus grosse erreur dans la vidéo. Si tu as « l’impression que tout le monde est d’accord (…) et que c’est la pensée unique », c’est à cause d’un souci de méthode, AMHA. Ce souci est d’autant plus ennuyeux qu’il a tendance à mettre tout le monde dans le même panier et à coller une étiquette sur un groupe entier de personnes (surtout quand j’en fais partie 😅).
Paul, ça fait un petit moment que tu participes au Discord et j’en suis le premier ravi, vraiment, sincèrement et sans aucun doute (💜). Par contre, il y a un truc qui a tendance à m’agacer (et tu ne seras pas surpris, on en a déjà parlé plein de fois ensemble), c’est ta propension à refuser le débat. C’est là que tout coince, pour moi. Les raisons sont sans doute très personnelles et très bonnes (t’as totalement le droit de juste ne pas aimer ça), mais ce n’est pas pour autant sans conséquence.
Tu poses un sujet, une idée, un parti pris. Tu observes les réactions, puis tu te dis « oh, c’est bon, j’ai identifié la pensée unique sur ce sujet, je peux m’en méfier ». Sauf qu’à refuser le débat, tu en oublies tous les avantages, tu en perds le bénéfice. C’est dans le débat que l’on teste nos idées (on y reviendra juste après), c’est là qu’on fait la différence entre une idée qui tient la route et une qui s’effondre. Qu’on fait la différence entre connaissance et croyance. À mon sens, la confusion dans ta vidéo entre les deux vient de là.
- Soit tu vois une grand majorité des gens défendre A face à B, et dans ce cas tu colles l’étiquette « pensée unique – croyance » et c’est réglé.
- Soit il y a la même proportion et tu te dis que A doit bien valoir B, alors.
Sauf que… non ? L’erreur est immense.
On vient de le voir dans les exemples que je t’ai montrés. Si 95 % des projets de NFT ne valent plus rien aujourd’hui, était-ce vraiment de la pensée unique de les critiquer ?
Le terme a une forte connotation péjorative en plus (là où l’approche était plutôt argumentée et factuelle en vrai). Encore une fois, ce qu’il faut observer ce n’est pas les proportions de gens d’accord, c’est : est-ce que les arguments sont les bons ? Peut-on vérifier ce qui est affirmé ? Quelles sont les données à ce sujet ?
Et je ne pense pas que l’on puisse vraiment avoir de réponse à cette question en restant sur le banc de touche à observer le match et en n’ayant qu’une position généraliste sur un sujet donné. Dans ce cas, la position la plus sage c’est « je ne sais pas ». Et ça n’est pas bien grave, y a beaucoup plus de sujets sur lesquels je ne sais rien que l’inverse.
Après c’est sans doute une histoire de personnalité. Je sais que certaines personnes aiment débattre pour tester leurs idées et que d’autres cherchent à obtenir le consensus par le débat. Le hic, c’est que l’on peut vite tomber dans ce que l’on appelle le Sophisme du juste milieu. Voici ce qu’en dit Wikipédia :
Le sophisme du juste milieu (…) est un raisonnement erroné qui implique que la vérité est un compromis entre deux positions opposées.
Par exemple, si une personne considère que le ciel est bleu, tandis qu’une autre affirme qu’il est jaune, on peut en déduire, par compromis, que le ciel est vert. Or le ciel n’est pas vert, donc la position médiane de deux positions ne conduit pas toujours à la vérité.
Wikipédia – Sophisme du juste milieu
Lors des échanges sur les NFT, tu vois des gens défendre farouchement leur intérêt (principalement sur Twitter et hors du Discord), tu en vois d’autres les critiquer avec véhémence et donc « la vérité doit être quelque part entre les deux, y a du bon et du mauvais dans toutes les technologies« . Sauf que non, le temps a donné raison à certaines positions (95 % des …).
Je pourrais être beaucoup plus tolérant face à cette approche pour des sujets qui relèvent principalement du goût et pour lesquels les éléments factuels à brandir lors du débat sont très rares. Si la question c’est : « Bob Dylan est-il meilleur dans sa période folk ou dans sa période électrique ? ». Là oui, tu vas avoir essentiellement affaire à des arguments basés sur le goût et tu peux te placer au milieu sans trop faire d’erreurs de raisonnement. Mais pour les sujets que tu cites dans ta vidéo :
L’ennemi ça peut être la désaturation partielle, les photos floues, ça peut être la FIAP, les appareils photo à petit capteurs, la macro, les NFT, la photo numérique dans son ensemble, Théo Gosselin, les autres clubs photo, le nurbex, les gens qui ne respectent pas la règle des tiers, les gens qui respectent la règle des tiers, le mode automatique, les photos de vacances…
Paul Napo
Ce n’est pas toujours le cas. On ne va pas rentrer dans les détails pour chacun, j’ai évoqué ceux qui m’intéressent et j’avoue ne pas forcément avoir grand-chose à carrer des autres.
Les laboratoires d’idées
PS4 : Dans cette partie, je suis naturellement repassé au vous. Parce que je l'ai écrite à la fin, et qu'elle a une portée plus large que la vidéo de Paul. Mais tu peux lire aussi, dude, hein.
Et donc, nous voilà arrivés à ce qui fait pour moi le cœur d’une communauté photo. Son âme vibrante, étincelante, son charme et son panache. Je parle de la façon dont sont échangées les idées. J’y accorde une grande importance, j’y suis très vigilant dans celle où je suis actif. C’est pour ça qu’au début de l’article, je pensais que nos valeurs communes tournaient autour du respect, du goût pour l’échange et de la liberté d’expression (il n’y a pas de sujet tabou, tant que tu peux soit défendre ton idée, soit accepter les arguments en face). Parce que sans ça, ça ne peut pas marcher. Et ça marche depuis 3 ans maintenant.
PS5 : Les illustrations de cette partie sont reprises du blog WaitbutWhy qui a traité le sujet il y a quelques années dans une série d'articles intitulée The Story of Us. C'est une série d'articles longue, très longue, si bien que c'est devenu un livre depuis (que je ne vous conseille pas particulièrement). Les articles ont été retirés du site depuis, mais sont disponibles sur la Wayback Machine. Pour cette partie, ce sont surtout les articles 7 et 8 qui m'ont été utiles.
On va donc parler des Laboratoires d’idées (que sont idéalement les endroits où l’on va échanger autour d’un sujet). Leur but, c’est d’affiner notre connaissance de certains sujets, en trouvant le bon équilibre entre la conviction et la connaissance. C’est ce que montre ce schéma :
![36.3 2x2 sci 590x600 1 - Les communautés en photographie (réponse à Paul Napo) - Thomas Hammoudi - Internet](https://thomashammoudi.com/wp-content/uploads/2023/06/36.3-2x2-Sci-590x600-1.png)
Ce que ça dit, c’est que si votre conviction est supérieure à votre savoir, vous êtes dans la zone de l’arrogance. À l’inverse, si votre conviction est inférieure, vous êtes dans la zone d’insécurité (vous manquez de confiance en vos connaissances).
Le but d’un bon laboratoire d’idées, c’est de rester sur la zone bleue : celle de l’humilité (du mot latin humilitas dérivé de humus, signifiant « terre ») qui est généralement considérée comme un trait de caractère d’un individu qui se voit de façon réaliste.
Si vos connaissances et votre conviction sont alignées, tout roule. Si vous ne savez pas, vous le dites et ça n’est pas grave. Si vous savez, vous avez les billes pour défendre une position avec conviction. Gardez toujours un œil sur ça, pour vous et pour vos interlocuteurs. C’est un très bon indicateur.
Aussi, dans un laboratoire d’idées (Idea lab sur les schémas) l’entente et la décence sont décorrélées, comme vous le voyez là :
![Fr7oj6uwcaayq 6 - Les communautés en photographie (réponse à Paul Napo) - Thomas Hammoudi - Internet](https://thomashammoudi.com/wp-content/uploads/2023/06/Fr7oJ6UWcAAYq_6-1024x684.jpg)
Ce que l’on voit sur le schéma de gauche, c’est que vos interlocuteurs peuvent être d’accord avec vous, et être des trous du cul, mais de façon indépendante. Comme dans la vraie vie, il y a des relous, et il y aura des relous d’accord avec vous et d’autres qui ne le seront pas (et idem avec les gens sympas). Dans une chambre d’écho, les deux sont liés. Cela veut dire que plus vous êtes d’accord avec les gens, plus ils sont sympas avec vous, sinon, vous vous faites taper dessus.
C’est ce que montrent ces deux dessins :
![Fplq7gixoae2n17 - Les communautés en photographie (réponse à Paul Napo) - Thomas Hammoudi - Internet](https://thomashammoudi.com/wp-content/uploads/2023/06/FplQ7gIXoAE2n17-1024x602.jpg)
Dans l’image de gauche (le laboratoire d’idées), la personne dit « Je suis à peu près sûre que ça ne tient pas, mais je ne sais pas exactement pourquoi » et à côté « Intéressant, je n’avais jamais pensé à combiner ces deux pièces comme ça ! ». Sur le dessin de droite, c’est l’opposé. Tout le monde dit à quel point le bébé est beau, et à quel point il faudrait être une horrible personne pour penser autrement. C’est une chambre d’écho.
Évidemment, dans la vraie vie, on est jamais tout l’un ou tout l’autre. Mais, et ça me tient à cœur, je pense que le Discord qu’on a monté tient plus du laboratoire d’idées que de la chambre d’écho. Parce que, qu’ils soient d’accord ou non avec vous, les gens seront sympas avec vous. Ce n’est pas toujours parfait, on a déjà dégagé quelques relous, mais c’est l’idée globale.
Les chambres d’écho, c’est facile à reconnaître : ce sont tous les lieux où des gens comme Pieri ont mis les pieds et sont tolérés. Si vous sentez du mépris, un ton passif agressif, de la condescendance vis-à-vis de certaines positions, vous êtes dans une chambre d’écho. On ne sera sympa avec vous que quand vous aurez rejoint la position communément admise. Et ça, il faut le fuir.
C’est une des choses qui m’a surpris dans ta vidéo, Paul : tu as expérimenté le laboratoire d’idées, pourtant, quand tu présentes le sujet, tu traites tout quasiment comme dans une chambre d’écho.
Et justement, pour qu’un laboratoire à idées fonctionne (et ne se transforme pas en chambre d’écho), il faut débattre, mettre ses idées sur le ring. Là aussi, je reprends les petits dessins de l’article de WaitButWhy, qui m’ont bien fait marrer (et que je trouve trop mignons). Lisez bien les descriptions et faites défiler le diaporama.
Ce qu’il faut surtout en retenir, je pense, c’est que vous n’êtes pas vos idées. Vous vous devez de les tester et de les envoyer sur le ring (pour progresser sur l’axe connaissance/conviction), mais si elles se font démolir, bah, ce n’est pas bien grave. Ce n’est pas vous. C’est bien mis en scène sur les dessins, je trouve, c’est l’idée qui va sur le ring, pas son créateur. Si une idée, même rafistolée plusieurs fois, continue de se faire démolir, c’est sans doute qu’il faut en changer. Si elle survit à tout, c’est que vous pouvez sûrement avoir confiance en elle et augmenter votre conviction.
Mais pour ça, il faut débattre, sinon, comme je l’ai dit, vous en perdez le bénéfice.
Conclusion
Nous voilà arrivés à la fin et je pense que cet article sera un magnifique exemple de la loi de Brandolini. 😅
J’espère que vous aurez appris plein de trucs, sur le fonctionnement des communautés photo et les points sur lesquels être vigilants.
Si vous avez aimé cet article, n’oubliez pas que c’est aussi grâce au travail de Paul. S’il n’avait pas fait sa vidéo, j’aurais été incapable de sortir ce texte ex nihilo. Si je ne suis pas d’accord avec ce qu’il a dit dans celle-ci, le reste de son travail mérite largement le détour, et allez voir ce qu’il fait si vous ne le connaissez pas. Si vous êtes d’accord avec ce que je raconte ici, n’hésitez pas à le dire en commentaire, ou à aller dire le contraire chez lui.
Pour finir cet article, déjà bien trop long, je voudrais juste faire une petite liste des critères pour choisir les communautés dans lesquelles vous investissez votre temps. Donc :
- Faites attention aux valeurs qui y sont présentes. Dans communauté, il y a commun, donc regardez quelles sont les différentes appétences des membres. L’ambiance qu’il y a, les règles qui y sont d’usage, s’il y en a.
- Regardez la qualité des échanges, avec les points que l’on a vus (déconnexion entre sympathie et entente).
- Regardez aussi la qualité des arguments présentés. Que ça soit poli c’est bien, mais est-ce que les arguments présentés dans les échanges sont factuels ? Sourcés ? Ou est-ce que ce ne sont que des opinions à l’emporte-pièce ?
- Regardez comment la communauté est organisée : est-ce que c’est très top-down ou plutôt horizontal ? Est-ce que tous les membres ont le même crédit ou est-ce que certains en ont plus que d’autres ? Est-ce que c’est justifié ? Y a-t-il des mécanismes pour lutter contre ça (comme des rôles et cie) ?
PS6 : Petite précision avant de partir. Oui, je valorise le débat comme une composante essentielle de l'apprentissage. Mais j'ai bien conscience que tout le monde n'est pas à l'aise avec l'exercice, que ça soit un manque de compétence ou votre personnalité tout simplement (beaucoup de gens préfèrent observer le ring que de s'y jeter). Mais en vrai, si vous différenciez bien vos arguments de votre ego, que vous comprenez qu'avoir tort ne signifie pas être bête, bah, allez-y. Vous verrez, c'est rigolo.
Je vous laisse réfléchir à tout ça, et j’vous dis à la prochaine.
Paul, y a toujours une bière qui t’attend à Lille. 😊
PS7 : EDITO 04/2024. Soyez rassuré, Paul a bien eu sa bière à Lille quelques semaines après la sortie de ce billet.
Et pour changer, j’ai écrit cet article avec cette playlist en boucle :
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