La France compte 36 000 communes, soit la moitié du nombre de communes d’Europe. Pour le dire simplement, à chaque fois qu’il y a 3 alcoolos et un 4e pour les compter, l’administration considère cela comme une commune. Et dans tout ce fatras administratif inégalement réparti sur le territoire, Rouen est clairement la ville la plus cool. Et je vous parle d’expérience, je les ai quasiment toutes vues, ces villes. Oui, oui, même votre village perdu au fond de la Creuse, c’est d’ailleurs de là que j’écris.
Mais trêve de plaisanteries, autant je peux traiter le travail de Bresson avec légèreté, autant là, on passe aux choses sérieuses. Parce qu’à la fin on se fiche de Paris et sa Maison Européenne de la photographie (MEP pour les intimes), on dit « sacrebeleu » à la galerie des Filles du Calvaire, et on boude le Jeu de Paume. Disons-le clairement, Rouen pèse dans le game, et on va le voir à travers ce petit concentré de chauvinisme. Si vous êtes de Rouen soyez les bienvenus, sinon, je vous attends pour vous en faire faire le tour.
Se former / Documenter
Évidemment, pour apprécier la suite, et même progresser de façon générale il va falloir passer après la case formation. Et pour cela, rien de plus efficace qu’un bon tour a la bibliothèque. Je ne vous pousse pas à lire tous les Tintin non plus, mais acquérir une base solide me paraît être un mal nécessaire(1). Au passage, si vous avez besoin d’un coup de pouce tout est dans la bibliographie.
Et à Rouen, on est quand même bien doté grâce à réseau Rn’Bi, dont le nom est certainement issue d’une réunion où les créatifs ont tapé du poing sur la table pour imposer ce petit trait d’humour, mais on va faire avec. Il y a 7 bibliothèques à Rouen, et elles font partie d’un réseau. Ça veut dire que vous pouvez aller à une d’entre elles, et accéder aux ouvrages de toutes les autres (via cette petite merveille que l’on appelle le prêt entre bibliothèques). Si vous ne savez pas par où commencer vous pouvez simplement aller y flâner, sinon voici une recherche générale dans le catalogue, et une autre orientée sur la photographie au XXe siècle.
Personnellement j’ai fait mes armes à Parment, celle située juste au dessus de la Fnac, près de l’Espace du Palais. Mais je suis certain que les bibliothécaires des autres seront ravis de vous y accueillir. Toutes les informations (horaires et adresses) sont là. Si vraiment vous avez un doute, choisissez celle-ci… Et en plus y’a de quoi prendre un bon café pas loin.
Maintenant que vous avez la tête pleine, on va voir comment s’en mettre plein les mirettes.
Voir des expositions
Bon, ça y est. Vous avez lu tous les livres sur Rouen, et vous n’avez qu’une hâte : partir à l’aventure, tâter de la photographie, manger de l’image, découvrir des expositions. Et pour cela non plus, vous n’allez pas être déçus, les lieux exposant de la photographie ne manquant pas. Bon, j’avoue avoir écrémé un peu, et enlevé les salles dédiées uniquement à la vente, qui exposent de temps en temps des photographes, pour garder celles qui ont une vraie ligne éditoriale.
Centre Photographique – Pôle Image
Commençons par le plus grand en superficie : Le Centre photographique, au sein du Pôle Image Haute-Normandie. C’est un lieu dédié à l’exposition, au soutien à la création et à la médiation dans le domaine de la photographie. Il déploie en ses murs une programmation annuelle composée de 4 expositions, complétée par des propositions hors les murs, en partenariat avec des institutions régionales et nationales, et un programme de résidences artistiques.
Il dispose aussi d’une bibliothèque, composée principalement de monographies d’artistes. De mémoire, la consultation sur place est autorisée (il y a une petite salle de lecture à l’étage). Encore une façon de se cultiver à moindre frais. Pensez aussi à vous inscrire à leur newsletter en visitant les lieux : vous recevrez des invitations par la poste. Oui, oui, au XXIe siècle, il y a encore des institutions qui prennent la peine de vous envoyer un carton. Et ça c’est top.
Côté programmation, on n’est pas en reste, on peut y trouver à la fois des noms tels que Walker Evans, Stephen Gill, Grégoire Alexandre ou Michael Wolf. Le Centre photographique s’attache aussi à montrer les différents visages de la photographie et de ses usages via cette programmation, notamment en faisant se côtoyer figures historiques et artistes dits « émergents ». Le Centre défend des propositions artistiques singulières, en prise avec les réalités du monde contemporain, au travers d’expositions pour la majeure partie inédites en France, et qui proposent un panorama international de la création photographique.
Mention spéciale pour l’exposition qu’ils ont organisée autour de William Klein qui a eu lieu en 2016, à l’Abbatiale St. Ouen, et pour laquelle il était présent. Il paraît qu’il a même été poli.
Y’a plus qu’à y aller, et c’est par ici :
Point Limite (2013 – 2016 ; 2020 – ???)
Edito : Le Point Limite a fermé début 2017. Mais semble avoir rouvert ses portes en 2020. Vous pouvez suivre son actu sur son site web et Instagram
La meilleure façon de résumer le Point Limite est de citer les Guillaume :
Le Point Limite, on n’y arrive pas par hasard.
En effet, il est logé entre le Boulevard des Belges et la Faculté de Droit, dans une petite rue essentiellement résidentielle, dans laquelle on ne passe vraiment pas pour flâner ou faire les boutiques. Et c’est bien dommage, car le Point Limite est l’espace de travail et de création des photographes rouennais Guillaume Painchault & Guillaume Laurent (on va voir après qui ils sont). C’est aussi, et surtout, un lieu d’exposition d’oeuvres artistiques – photographies, peintures, dessins, sculptures – et qui accueille occasionnellement des performances musicales, littéraires, de danse…. Pour l’anecdote, Gaspard Lieb est l’artiste qui a fait la devanture.
Le Point Limite organise aussi des ateliers d’initiation à la Street Photography, d’aide à la réalisation de tirages, bref, passez les voir.
L’Etabli
And last but not least, L’Etabli. Bon, là c’est le moment où j’ai un peu honte, j’habite juste à côté à l’heure où j’écris ces lignes, mais il m’a bien fallu un an avant de me rendre compte que je passais devant une galerie photo et y mettre les pieds. A ma décharge, la Rue des Bons Enfants est pleine d’ateliers, au bout d’un moment on ne fait plus vraiment attention (oui, oui, c’est une excuse assez moyenne)
L’Établi c’est avant tout le lieu de travail de 3 artistes. Arnaud Bertereau et Bruno Maurey, photographes & Céline Voisin, graphiste. C’est également un show-room et une galerie. Show-room car les 3 artistes résidents vous ouvriront régulièrement les portes pour vous présenter leur travail, et galerie car d’autres artistes seront invités de temps en temps à investir les lieux.
Du coup, il faut penser à s’inscrire à leurs newsletter et à les suivre sur les réseaux sociaux, pour ne pas rater leurs expositions. Le mieux étant encore de passer les saluer.
La Loge des auteurs photographes
Il faut aimer la solitude pour être photographe.
Raymond Depardon
Certes, tous les photographes vous le diront. Mais le monde a changé. Aujourd’hui, les réseaux sociaux offrent une visibilité mondiale mais les contacts humains et l’union se font rares, la concurrence est extrêmement rude. Dans ce nouveau contexte, Marie-Hélène Labat, photographe indépendant rouennaise a eu l’envie de clarifier les choses, de les recentrer. De tenter de rétablir l’information et la parole. Retrouver le plaisir des échanges, revaloriser et faire découvrir notre métier qui semblent aujourd’hui méconnu et menacé. Qu’est-ce qu’un Auteur Photographe ? Dans quel contexte travaille-t-il ? Pour qui ? Comment ? Qu’est-ce qu’un droit d’auteur ?
Nichée au cœur d’une cour d’immeubles, au 23 rue Victor Hugo à Rouen, à quelques mètres du Labo Victor Hugo et de la Maison d’architecture Normandie – le Forum, la Loge des auteurs photographes vient enrichir l’offre culturelle de cette rue. En créant La loge des Auteurs Photographes, lieu dédié à la Photographie d’Auteur, Marie-Hélène Labat a souhaité créer un espace de liberté, d’échanges, et d’expérimentations. Tenus par des professionnels mais à destination de tous, La Loge des Auteurs Photographe s’inscrit dans une démarche informative et pédagogue : rencontres avec des artistes, workshops, expositions, vente d’oeuvres, résidences artistiques et échanges entre la profession et le grand public.
Je veux que ce lieu reste ouvert, soit peu construit et demeure un grand espace de liberté afin de pouvoir saisir les opportunités qui se présentent. On a besoin de sortir des conventions. Faisons nous plaisir ! Je veux qu’on puisse y essayer des choses, se confronter à des regards différents, donner leur chance à des jeunes photographes souhaitant devenir professionnels également.
Marie-Hélène Labat
Les photographes
Et pour finir ce panorama de la photographie à Rouen, rien de mieux qu’une petite sélection de photographes, tout ce qu’il y a de plus arbitraire. J’ai creusé, cherché, interrogé, listé, et gardé ceux dont le travail me plaît le plus.
Si jamais j’ai oublié votre nom, n’hésitez pas à m’insulter dans les commentaires.
Arnaud Bertereau
Arnaud Bertereau est l’ancien photographe de la ville de Rouen (de 2003 à 2010). Depuis, il travaille comme photographe indépendant. Régulièrement sollicité par les institutions, il développe en parallèle de ces commandes une recherche plus personnelle et multiplie les expositions. Son œuvre, présentée à la galerie Reg’Art confrontations depuis 2011, est également exposée en Allemagne, en Angleterre et en Chine.
Ces images sont issues de sa série intitulée « Polaroid« . Cette série provient d’une découverte : celle d’un appareil de collection des années 60 pour lequel les films ne sont plus produits et deviennent plus en plus rares. C’est avec son Mamiya Universal Press qu’il réalise ce projet, en cherchant à créer par ses images des liens avec l’incertain et l’invisible, à imprimer sur un matériau fragile des instants qui ne le sont pas moins. Le Polaroid devient le support d’une réflexion plastique où la matière dialogue avec l’image, lui superpose une nouvelle lecture, se combine avec la lumière captée pour faire de chaque image une œuvre unique. Le développement du support est ainsi un second temps de création, le négatif étant retravaillé avec une méthode éprouvée depuis cinq ans, maîtrisée, mais dans laquelle le hasard imprime aussi ses effets.
Bruno Maurey
Après avoir sillonné l’Amérique du Sud et obtenu le prix Ilford pour ses images, Bruno Maurey a posé son sac à dos sur les sentiers du Maroc. Ébloui par la lumière du désert, captivé par la beauté des montagnes du Moyen-Atlas, il voyage et vit chez l’habitant pendant ses nombreux séjours. C’est là qu’il capte le véritable quotidien des autochtones, leurs gestes séculaires, leurs expressions singulières…
Témoignages de l’authenticité des Berbères, les photographies de Bruno Maurey traduisent la joyeuse agitation du marché, les palabres entre marchands et bergers, la sérénité d’un vieil homme au regard clair… Pris dans plusieurs villages de la région du Moyen-Atlas au Maroc, à différentes saisons, ces clichés sont des instantanés de vie du peuple Amazigh, » les hommes libres « . Ils nous plongent dans le fourmillement des souks, à la rencontre d’enfants sur les chemins du désert, et de vendeuses souriantes dans les petits villages, loin de l’agitation des villes touristiques.
Photographie – B. Maurey
Marie Hélène Labat
Marie-Hélène Labat vit et travaille à Rouen (jusque-là, aucune surprise). Elle utilise la photographie dans une démarche documentaire qui interroge la place de l’homme dans son environnement. Du quartier de la Grand’mare à Rouen, au village Tamberma de Warengo au Togo, du centre d’hébergement de l’abbé Bazire aux plages du Nord de l’Europe, elle enregistre les traces d’une évolution de la société dans un territoire urbain et naturel.
J’apprécie beaucoup l’esthétique de ses séries réalisées aux Etats-Unis.
Louise Brunnodottir
Louise Brunnodottir est une artiste plasticienne née à Paris en 1993. Diplômée en recherche en arts-plastiques et photographie de l’université Paris I-Panthéon Sorbonne elle vit et travaille à Rouen depuis 2014.
Elle y poursuit sa recherche d’une version alternative du paysage, aussi bien urbain que naturel tout en développant un langage photographique personnel autour de la mémoire attachée à un lieu et ses échos, miroitements, reflets. Elle interprète une création plasticienne témoin de la relation intime entre l’homme et son environnement, donnant lieu à des séries de photographies sur la ville de Rouen et le territoire haut-normand, liant vues d’espaces naturels, patrimoine industriel et monuments à des correspondances abstraites de matière et de textures.
Vous pouvez aussi découvrir le travail de Louise ici :
Pierre Olingue
Pierre Olingue est issue d’une formation artistique aux Beaux-Arts de Caen, Paris et Rouen, il a notamment enseigné les Arts Plastiques pendant une dizaine d’années. Très actif sur la scène photographique normande, il est co-fondateur et directeur artistique des « Rencontres Photographiques de Normandie » et du Centre Photographique de Normandie.
Je l’ai découvert avec sa série Corpus de lit. L’idée de la série est d’être à la fois devant et derrière l’objectif, d’aller à la rencontre du rêve dans une projection du réel, de s’impliquer physiquement sur la surface. Dans cette série, il joue avec la nuit, le trouble du noir, la viscosité de la soie, l’idée que l’on peut croire ce que l’on peut voir, l’image du corps imprégné sur la toile du drap. Les images troubles à force de voir, ne rien voir, trouver quelque chose à force de ne rien voir et y croire.
Kate Polin
Le site de Kate Polin semble fermé. Je laisse ce paragraphe pour la postérité.
Kate Polin est une photographe autodidacte. Parce qu’elle ne peut pas se voir en peinture, elle se photographie, essentiellement dans sa chambre. Le lieu importe peu, ce qu’elle cherche dans la photo, c’est capturer tous ces « moi » en nous que nous ignorons. Parfois, elle y fait entrer ses amours, son enfant, les gens qu’elle aime pour essayer de les immortaliser à tout jamais.
Dans le monde romain, l’imago désignait un portrait de l’ancêtre en cire, placé dans l’atrium et qui accompagnait les vivants lors des cérémonies des funérailles. Le droit d’image, réservé aux personnes nobles, leur permettait d’établir et de conserver leur lignage. Etymologiquement, l’image figure donc le portrait d’un mort. En photographiant, Kate Polin, pense peut-être préserver de la mort les gens qu’elle aime. Une démarche assez proche de celle qu’a pu avoir Nan Goldin.
Sigrid Daune
Sigrid Daune est auteure plasticienne photographe. Elle vit et travaille en Seine Maritime. Autodidacte, plongée dans le monde de l’image depuis son enfance, c’est à l’âge de 8 ans qu’elle réalise ses premiers clichés. Photographe argentique, elle s’adapte à la mutation numérique alors qu’elle est photographe institutionnelle au service de communication du ministère de la justice à Paris. Passionnée par la psychologie, la philosophie, la psychanalyse, elle est régulièrement sollicitée comme portraitiste car elle sait mettre en lumière le moi le plus intime de ses sujets. Ses œuvres photographiques et plastiques évoluent dans une dynamique de recherche dans son environnement et au sein de son atelier, laboratoire d’expérience sur lumières et matières. Gardienne de la mémoire, elle gère ses conséquentes archives photographiques sur plus de 34 ans.
Guillaume Laurent
Guillaume Laurent porte une double casquette : saxophoniste & photographe. Et c’est donc via son parcours de musicien qu’il a été amener à travailler très régulièrement en interaction avec des arts visuels comme la danse contemporaine et le cinéma. De ces rencontres avec le mouvement et l’image, il a nourri son jeu de saxophoniste et fait naître l’envie de créer ses propres photographies. En novembre 2013, il réalise sa première exposition et édite son premier livre photographique « Celestial Valley ». Pour Guillaume, la photographie est un terrain d’expérimentation, une exploration de la matière au même titre que ses créations musicales.
Des photographies de Celestial Valley émane l’image d’un monde en perpétuel mouvement. Un mouvement doux et subtil, peu perceptible dans notre réalité en apparence figée, comme une onde, qui transforme par infimes secousses, notre temporalité, nos instincts et nos pensées.
Guillaume Painchault
Guillaume Painchault photographie la rue, comme il le dit lui même c’est tant un besoin qu’une façon de faire, une manière d’appréhender un espace, un territoire, en entrant en collision avec le quotidien des autres.
Je ne fais pas de la photo documentaire. Je fais des instantanés, et je n’ai jamais d’idée préconçue. C’est sur le moment que les images se créent. Je m’intéresse à la façon dont les gens partagent physiquement le même espace urbain. Mon travail s’axe sur les protagonistes de la rue, {en France et à l’étranger} et il est important pour moi que les personnages soient conscients de ma présence. C’est une rencontre silencieuse.
Guillaume Painchault
Il se promène, prend son temps, comme sur le quai de la gare, là où les autres ne l’ont pas, le temps.
JB Darasco
JB Darasco a grandi et vit en Seine-Maritime. Il a toujours été fasciné par les avis définitifs, les sentiments fortement contrastés, que peuvent provoquer chez les gens ses zones industrielles. Il s’est naturellement mis à photographier cet environnement, partie du quotidien, poussé par l’envie de traiter dans ces zones industrielles et portuaires, leur coté toujours spectaculaire, parfois grandiloquent, mais souvent mystérieux et opaque.
Ayant également passé du temps à parcourir les rues du Havre, ville dessinée par Auguste Perret, son œil s’est également formé à ces grands ensembles géométriques où la lumière et la ligne sont les maîtres mots. Il se dit attiré par les milieux urbains modernes.
Je suis tombé sous le charme de sa série « Opaque ». Depuis toujours il voit ces usines, par la fenêtre de sa chambre, dont au loin Port-Jérôme. Ces zones apparemment peu attirantes deviennent fascinantes à la nuit tombée. La série « Opaque » présente un travail réalisé sur la zone portuaire de Rouen les matins où la brume fait émerger silos et bateaux fantômes.
MosieurJ
Jérôme, dit, « MosieurJ » et le photographe suivant sont un peu comme William Eggleston, il est difficile de parler de leur travail tant eux-mêmes sont silencieux dessus. Donc les gars, si vous passez par là, n’hésitez pas à m’envoyer un petit message, je mettrai l’article à jour.
Leur autre point avec lui commun serait un certain regard sur le banal, l’urbain, un regard qui voit tout, tout le temps, comme un flot continu, toujours allié à un sens aigu de la composition.
Pensez à suivre Jérôme sur Instagram
Julien Brachhammer
Julien Brachhammer revendique pour référence Walker Evans, Saul Leiter, Eliott Smith, et s’il y a bien quelque chose qu’il partage avec le dernier, c’est la boulimie photographique. Comme à propos de Jérôme, je préfère écrire peu que d’écrire trop de bêtises : disons simplement que Julien, c’est un œil, aiguisé, qui ne manque rien, et décoche plus vite que son ombre. J’ai rarement vu un photographe sortir son appareil aussi vite, haha ! Suivez son compte Instagram pour en prendre plein les mirettes.
Isabelle Lebon
Le site d'Isabelle Lebon semble fermé. Je laisse ce paragraphe pour la postérité.
J’ai découvert Isabelle Lebon via son travail sur la Biélorussie, qu’elle décrit comme une étape clé de sa carrière. Avant de réaliser cette série, elle n’avait jamais entendu parler de la Biélorussie et encore moins des villes qu’elle a photographiées : Kobrin, Minsk, Gomel, Moguilev…Avant de l’avoir visité, dans son esprit, aucune histoire, aucune image même floue, ne prennent forme à l’évocation de ce pays. Elle y débarque avec un œil neuf.
Ce travail a été réalisé pour la mission humanitaire de la MHIGE (groupement d’étudiants des grandes écoles). Avec pour objectif de rapporter en Biélorussie du matériel médical, des vêtements et des jouets. Là bas, 44 % de la population vit en dessous du seuil du pauvreté et 70 % des émanations radioactives de Tchernobyl ont atterri côté Biélorusse.
C’est durant ce voyage que les images ont pris le relais des mots. La mission est certes une goutte d’eau dans un océan des besoins de ce pays, mais on en sent toute l’importance pour l’auteure à travers ces images. Et le regard humaniste qu’elle porte sur lui.
Anya Tikhomirova
Anya Thikhomirova, d’origine russe mais vivant en France (devinez où), explore dans ses travaux la famille, l’être intime, la nature comme objet d’émerveillement, et le vivant dans sa complexité. La fracture identitaire de cette double origine est aujourd’hui réduite, mais son territoire reste mouvant, en déplacement, en décalage parfois, entre Orient et Occident, toujours mû par son insatiable curiosité du monde et de ce qui compose toute sa complexité.
Cette série, intitulée « We’re on fire » reflète un ressenti assez violent, face à notre situation globale, que ce soit d’un point de vue écologique, social ou politique. Nous sommes en feu, un feu que l’on ressent à la lecture des images. Peut être que l’eau viendra un jour…
Julie Pradier
Julie Pradier travaille depuis plusieurs années sur le paysage à partir de dispositifs artificiels et illusionnistes, pour construire des images qui combinent réalité et mirage, en jouant sur la frontière infra-mince du basculement dans l’un ou l’autre. J’apprécie particulièrement le grand soin et la maîtrise de la composition dans son travail. Le tout servant parfaitement son propos (parce que oui, sans ça, on s’ennuierait un peu).
Jean-Pierre Sageot
Jean-Pierre Sageot vit et travaille à Rouen. Cet homme d’images, préoccupé par les douleurs de ses contemporains, œuvre dans la tradition du reportage humaniste, tout en s’avançant doucement sur les territoires plus formels de la photographie intime, même si le fond reste primordial. Témoin attentif de toutes les luttes engendrées par le monde du travail, par les problèmes sociaux et la précarité, il alterne des thèmes quotidiens avec des travaux au long cours. Sipa distribue son travail sur l’actualité « chaude » entre 1995 et 1999, puis Jean-Pierre intègre l’agence Editing en 2001, suite à la publication de « Vies en urgence », après six mois d’immersion dans différents hôpitaux du Nord de la France. Il effectue en 2005 un reportage sur l’intervention du Secours Populaire Français au Sri Lanka touché par le tsunami. Il collabore avec la maison de photographes Signatures depuis sa création.
J’ai particulièrement apprécié sa série Bodies in the Urban Space qui comme son nom l’indique subtilement, étudie le placement du corps dans l’espace urbain et son interaction avec celui-ci. De nombreuses photographies de la série ont été d’ailleurs prises à Rouen.
Simon Cordevant ( No mis by Poka)
Simon Cordevant est aussi issu de la musique, et pour la photographie, il applique même méthode punk : fais-le toi-même, et au diable la technique. Il s’agit d’un faux solitaire qui aime faire simple et seul. « Comme la guitare, je branche et je joue. » Punk. Il fait de même pour ses clichés. « Je fais simple, refusant le compliqué. »
A partir de la la découverte d’un bar, L’Idéale, situé à la Croix-de-Pierre à Rouen, il a créé des reportages dominicaux, publiés sur son blog avec un texte en forme de voix off. Il travaille souvent en noir et blanc, au contact du sujet.Et ça se voit sur les tirages : spontanéité, proximité, incarnation, de la chair à l’os, du nerf à fleur de peau.
David Morganti
J’ai découvert David Morganti par ses photos des musiciens de l’Opéra de Rouen. Il les a photographiés pendant trois ans sous un angle que personne n’a vu jusque-là. Ses sujets sont des artistes de renom qui n’ont pas hésité à confier leur visage au portraitiste dont les idées sont parfois bien décalées, tant sur le fond que sur la forme. Et c’est bien le mot qui revient à la lecture des images, pas d’humour noir dans cette série, juste du décalé, rien que du décalé, et du décalé propre : le pro du cliché serré mise sur le graphisme et l’éclairage qui, réellement, révèlent les artistes sous une autre lumière, pure et drôle.
Et c’est bien un autre point qui caractérise le travail de David, une maîtrise technique irréprochable, ses éclairages sont parfaits, ses noirs et blancs équilibrés. Vous me connaissez, la technique, ce n’est pas vraiment mon dada, encore moins le portrait. Mais je peux dire sans rougir que c’est un peu notre Richard Avedon local, du moins on lui souhaite le même destin.
Il a aussi commencé assez récemment à publier de la photographie documentaire, notamment en s’intéressant à la Jungle de Calais. Bref, affaire à suivre.
Conclusion
Bon, cette conclusion sera moins empreinte d’humour et de chauvinisme qu’à pu l’être l’introduction. J’aimerais que vous reteniez deux choses de cet article, la première c’est que ma ville est de loin la plus cool de France (ça va, je rigole…), la deuxième, c’est qu’il n’y a pas forcément besoin de monter à Paris, d’aller chatouiller la grande cité pour avoir accès à du très bon contenu photographique, sous n’importe quel format. C’est juste là, dehors, ça attend d’être découvert. La plupart des bibliothécaires, galeries, et artistes présentés dans cet article n’attendent que de vous rencontrer pour parler de leur travail, et partager leur passion avec vous.
Donc, on se bouge tous le derrière et on va découvrir tout ça. Et si vous êtes convaincu, voici de quoi gazouiller sur le net.
Ps : Plus sérieusement, si vous êtes Rouennais(e), et que je vous ai oublié(e), n'hésitez pas à m'envoyer un message.
Notes :
(1) D’ailleurs, ça me semble encore fou la bibliothèque comme concept. Imaginez, une équipe de personnes qui se charge de collecter des livres, de les ranger, et vous avez accès à tout ça gratuitement. C’est dingue, imaginez qu’on fasse pareil avec les jeux-vidéos, ou genre l’électro-ménager (retour au texte).
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