Comme les sujets de société un peu foireux, remis sur le tapis à chaque repas de famille par votre tonton porté sur la bouteille, la retouche revient régulièrement sur la table des débats. Les deux pieds dans le plat, ça éclabousse un peu, ça tache et on entend encore et encore la même litanie de « non, moi je ne retouche pas, je fais de la vraie photographie ». Si assister à ce genre de propos rend la possibilité d’une défenestration attrayante, l’étudier et la décortiquer un peu peut s’avérer être intéressant. J’ai plus ou moins traîné autour du sujet ces dernières années, sans prendre le temps de m’y consacrer vraiment. C’est ce qu’on va faire aujourd’hui. Vous le connaissez, vous avez vu le titre, on va répondre à la question :
Est-ce que retoucher c’est tricher ?
Pour vous dire à quel point c’est vieux et cyclique, j’avais déjà brièvement parlé de ce sujet dans un des tout premiers articles du Blog datant de… la fin de l’année 2015. C’était donc 8 ans avant la naissance de ma fille, donc quand je pourrai le lui faire lire, cela équivaudra à me faire lire des articles sur l’élection de Mitterrand. Un vieux sujet j’ai dit. Si vous voulez le lire, c’est par ici :
Tout d’abord, c’est quoi retoucher ?
Je ne sais pas s’il existe une définition officielle et consensuelle de ce que sont le développement et la retouche. Et je crois que même si c’était le cas, j’aurais tendance à n’en avoir rien à carrer. C’est mon petit côté punk (mais en Birkenstock 😇).
J’ai toujours fait une différence, fonctionnelle, assez simple entre les deux :
- Le développement, c’est ce qui fait apparaître l’image. Quand vous passez d’un film exposé à un négatif que l’on peut tirer (via la chimie) ou d’un RAW (qui n’est qu’un paquet de données) à un fichier imprimable et diffusable (via Camera Raw ci-dessous).
- La retouche, c’est une modification du contenu de l’image. C’est ce qu’on fait avec Photoshop, Lightroom ou un agrandisseur (si on est muni de courage et de talent).
Corriger l’exposition du ciel, c’est du développement. Changer le contenu et remplacer les nuages, c’est de la retouche. Plutôt simple, non ? 😊
La première chose à capter à ce sujet, c’est que ça n’est pas binaire. C’est un gradient. Un peu comme ça :
Ce que ça veut dire, c’est que, oui, retirer un oiseau dans le ciel d’une photographie c’est bien de la retouche, mais elle ne va pas changer de nature pour autant. C’est un glissement progressif. Et donc, oui aussi, plus vous allez retoucher une photographie, moins elle va en être une. On pourrait appeler ça une « création numérique » si c’est fait sur un ordinateur (d’autres noms existent déjà pour les versions analogiques, on y revient).
J’insiste sur un élément : il s’agit d’une différence de nature et non de valeur. L’un n’est pas mieux que l’autre.
Prenons cet exemple :
Il s’agit d’un dessin fait sur iPad. Même si c’est très réaliste, il ne vous viendrait pas à l’esprit de dire qu’il s’agit d’une photographie. Il n’est pas question de ressemblance, de crédibilité ou du fait que « l’on ne voit pas la différence avec une photographie ». C’est une différence de nature, les deux processus sont différents et sont donc qualifiés différemment.
Ainsi, une photographie qui est beaucoup retouchée finit de changer de nature, justement parce que la retouche finit par briser ce qui fait sa nature : son contact avec le réel. C’est quelque chose dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur le Blog, je ne vais pas revenir en détail dessus, je vous invite à lire ou relire cet article sur Barthes :
PS : Pour vous la faire courte si vous avez la flemme, la photographie adhère au réel. C'est ce qui définit sa nature. Si vous enlevez cette adhérence, en l'éloignant du réel, elle est de moins en moins une photographie. Elle change de nature.
Pourquoi on en reparle ?
Photoshop est sorti le 19 février 1990, soit 215 jours après moi. Depuis cette date, les photographes, les philosophes, historiens de l’image, essayistes, et bien sûr tous les amateurs, ont eu le temps de faire couler énormément d’encre sur le sujet.
Pour moi, il a toujours été plus ou moins déjà réglé, sur la base que je viens de vous présenter (et qu’on va détailler en regardant dans le rétro, vous allez voir, c’est rigolo). Il n’y avait pas de raisons particulières d’aller remettre un dernier coup de pelle sur les dernières personnes pleurant à chaudes larmes sur l’existence de la retouche. Laissons-les terminer leur petit moment parmi nous en paix.
Et il y a quelques semaines, je vous ai sorti un article sur l’intelligence artificielle. Il est ici, si vous avez du retard à rattraper :
Dedans, j’ai eu un peu de lucidité, je vous ai dit que cette technologie avançait très vite et que l’article serait sûrement daté à peine sorti. Je n’ai pas eu tort.
Il y a quelques jours, Adobe a présenté un nouveau module de génération d’images, intégré à son logiciel phare de retouche, Photoshop. Le concept est simple : vous sélectionnez une zone de l’image, vous dites au logiciel ce que vous voulez et il vous le fait. C’est assez bluffant. De ce que j’ai testé, c’est très efficace pour les créations réalistes ou compléter un décor, moins pour la création pure ex nihilo.
Sur l’image ci-dessus, l’alien est un peu naze. Le bras mécanique de mon père est plutôt convaincant. Et le tiers droit de l’image est totalement créé par l’IA. Les ombres, les éclairages, les reflets sont tous plutôt justes pour un logiciel en bêta.
Je ne dirais pas qu'il s'agit de photographie, ni de création numérique, mais plus d'un test des capacités du logiciel, par contre. 😅
Mais bon, je ne vais pas vous refaire un test complet de l’outil. Certains font ça bien mieux que moi, vous pouvez regarder ça là :
Évidemment, cette nouvelle percée technologique a relancé le débat. La photographie est-elle toujours de la photographie avec ces nouveaux outils ? Y aura-t-il encore besoin des photographes ? Et ainsi de suite.
Fonctionnellement, je pense que rien n’a vraiment changé. Souvenez-vous du gradient que je vous ai montré. La mécanique reste la même. L’outil est plus performant, mais c’est le seul changement. On peut aller plus vite et plus efficacement dans la zone jaune, et c’est tout. Si vous recadrez un peu votre image et utilisez l’IA pour générer 2 nuages, cela ne va pas dénaturer votre photographie. Si vous ajoutez des lapins fluorescents, on va se diriger dans la zone « création numérique ». Exactement comme avant.
Par contre, Paul, désolé, mais le réel n’est pas mort. On a juste oublié qu’il n’a jamais été vivant. Mais on garde ça pour dans 5 minutes 🤫.
Pourquoi la retouche est-elle si mal vue ?
La retouche est assez mal vue par une frange des gens pratiquant la photographie. Avec une vision assez « à l’ancienne » si l’on peut dire. Ce qui est d’autant plus marrant que… le noir et blanc ne pose jamais problème. S’il était le seul moyen de photographier il y a quelques décennies, on dispose de la technologie pour photographier en couleur désormais. Or, le noir et blanc, c’est bien, mais la retouche c’est toujours mal. D’où mon tropisme à lier ces propos à une vision assez passéiste de la photographie.
Je pense que cette aversion pour la retouche (et généralement la modification des photographies) est liée à deux choses :
- Une méconnaissance de l’histoire de la photographie, voulant qu’avant « les images étaient pures et non retouchées »,
- L’aura d’Henri Cartier-Bresson et son aversion bien connue (mais souvent mal comprise) pour le recadrage.
Avec ça, on a tendance à idéaliser la photographie « intacte », comme un idéal pur et noble à atteindre. Avec une petite course à la performance évidemment (« si je me passe des outils de retouche, c’est parce que je suis plus fort que mon voisin, t’as vu »).
Dans la suite de cet article, on va s’intéresser surtout au premier point. J’ai pondu beaucoup de contenus sur Henri Cartier-Bresson et j’ai clairement la flemme de tout reparaphraser ici. Vous retrouverez tout ce contenu sous cette étiquette et certains points dans cette vidéo :
Bref, regardons dans le rétro.
Un coup d’œil dans le rétro
À vrai dire, il n’y a pas beaucoup de choses que je connais de Godard, mais j’ai entendu cette citation environ 5 992 fois :
La photographie, c’est la vérité et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde…
Jean-Luc Godard
Le problème c’est qu’elle est totalement fausse. La photographie n’a jamais été la vérité et même dans les mois ayant suivi sa création. Il y a mille façons qui permettent de la faire mentir, dont bon nombre sans Photoshop. La retouche et la manipulation sont aussi anciennes que la technologie elle-même (les premières arrivent dès les années 1860, soit une vingtaine d’années après sa création). Et ces retouches sont devenues encore plus simples avec l’avènement de la photographie numérique. Que ça soit pour des raisons esthétiques, marketing, politiques, scientifiques ou frauduleuses, la retouche a toujours été employée, qu’elle ait suscité le scandale ou soit passée inaperçue.
En revanche, si elle est devenue une forme de norme, la retouche soulève toujours des questions éthiques et morales sur la manipulation du public (en déformant la réalité pour le tromper). Celui-ci est de plus en plus demandeur de transparence, d’où la mise en place d’une loi obligeant la mention « photographie retouchée » sur les images de mode depuis 2017 (source).
Le Noyé : le mensonge dans le contenu.
Si la retouche vous inquiète parce qu’elle permet de mentir, dites-vous que vous pouvez très largement mentir sans.
La photographie a été inventée (sur la base de plein de travaux préexistants, mais je ne vais pas refaire l’histoire ici) en 1839 par Louis Daguerre. Le procédé est racheté par l’État français en août 1839 et le brevet est rendu libre : tout le monde peut faire de la photographie librement et utiliser la technologie.
En 1840, soit moins d’un an après la découverte, Hippolyte Bayard présente cette photographie :
Si, comme dirait Goldman, la musique est bonne quand elle ne triche pas, la photographie, elle, ne se gêne pas.
Bayard était un photographe français pionnier qui a inventé un procédé de tirage direct des images sur papier sensible dès les années 1830. Malheureusement, son invention a été éclipsée par le daguerréotype de Louis Daguerre, qui était soutenu officiellement par l’État français. Pourtant, Bayard ne s’est pas découragé et a organisé la première exposition publique de photographies en 1839.
En 1840, se sentant frustré par le manque de reconnaissance, Bayard a réalisé un autoportrait intitulé « Le Noyé ». Dans cette photo, il a simulé sa propre mort par noyade, créant ainsi une fiction personnelle et symbolique. Cette image a marqué un tournant dans l’histoire de la photographie, car c’était la première fois qu’un photographe utilisait son art pour exprimer sa frustration et son génie créatif.
« Le Noyé » est devenu un symbole de la vie d’Hippolyte Bayard, un inventeur méconnu et précurseur oublié de la photographie moderne. Sa mise en scène macabre dénonçait avec une certaine ironie son sort, et la légende au dos de l’image évoquait son propre suicide par désespoir et la découverte de son corps anonyme à la morgue.
Sauf que, bien évidemment, il n’est jamais mort noyé. Cette image est « fausse » en quelque sorte. Ainsi, les manipulations, arrangements avec la réalité, tricheries, falsifications et mises en scène ont toujours fait partie de l’histoire de la photographie. Dès ses débuts, ils ont évolué concomitamment. Ni Photoshop ni l’IA n’ont révolutionné quoi que ce soit là-dedans. Ils ont simplement accéléré le processus.
Et dites-vous bien que ce genre de petits arrangements avec la réalité ne sont pas datés. Ils ne sont pas tombés aux oubliettes quand la technologie a évolué. Regardez simplement comment cette instagrameuse peut modifier son apparence en changeant la façon dont elle se tient :
Ainsi, la photographie est comme le Tony Montana de Scarface. Quand celui-ci déclarait :
Je dis toujours la vérité. Même quand je mens c’est vrai.
Tony Montana, Scarface (1983)
Les planches-contacts : le mensonge par la sélection
Les plus jeunes l’ignoreront, mais avant d’être une usine à revendre des NFT à son audience pour gratter chaque euro possible de la vente de vent, l’agence Magnum Photos était une grande agence de presse. Elle envoyait ses photographes de par le monde rapporter des images des grands événements de notre histoire.
En 1963, ils ont envoyé René Burri photographier Che Guevara. Il en a ramené cette image légendaire :
Sauf qu’évidemment, Burri ne s’est pas pointé à l’autre bout du monde pour faire une image, la bonne, tout de suite, puis est reparti avec sa pellicule sous le bras.
Il en a shooté plusieurs qui forment une planche-contact, que l’on peut retrouver dans le livre dédié à ce sujet de Magnum Photos (que je vous conseille au passage et dont je parlais ici).
Voici la planche-contact en question :
Vous voyez où je veux en venir : un photographe peut parfaitement jouer avec la réalité dans les images qu’il sélectionne. Là aussi, il n’y a pas besoin de retouches ou de modifications pour orienter une image dans la direction que l’on veut. Burri a sélectionné l’image que nous connaissons. Le Che y est fier, sûr de lui, avec un cigare cubain. Mais sur les images de la fin de la planche-contact, on le voit plus soucieux. Plus concerné. Il aurait pu parfaitement choisir ces images s’il avait voulu orienter un article de presse dans une autre direction.
Et, une fois encore, ce n’est pas du tout une technique du passé. Lors du G7 de 2021, les équipes de communication de Merkel ont mis en avant (dans la presse allemande et sur le web) la première image, où l’on voit Merkel dominer Trump, tels un maître et son élève. Mais comme vous le verrez en faisant défiler le carrousel, chaque équipe de communication a choisi une image qui l’arrangeait, avec la même mécanique.
L’histoire : première consommatrice de retouche
Bon, là, je ne vais trop rien vous apprendre en vous disant qu’en histoire, et plus particulièrement quand il s’agit de politique, la retouche a toujours été la grande amie du pouvoir. Là encore, rien de nouveau. La photographie a repris un rôle que la peinture remplissait jusque-là, ponctuellement, très bien. En témoigne cette très classique comparaison des versions de Delaroche et David de Napoléon traversant les Alpes.
Sans surprise, en fonction de qui est au pouvoir, l’imagerie change complètement.
On retrouve la même chose, de nombreuses fois, dans l’histoire de la photographie. Je ne vais prendre qu’un exemple (sinon cet article va devenir un livre) qui est assez connu :
Yezhov tombe en disgrâce auprès du dictateur. Et hop hop hop, des décennies avant l’arrivée de Photoshop, il disparaît des images. Habile.
Ci-dessous, je vous mets un article (que vous pouvez télécharger) qui contient une ribambelle d’exemples de ce type tout au long de l’histoire.
PS² : Je préférais le remettre ici au cas où il disparaîtrait du web, des fois qu'on lise encore cet article dans une décennie.
Ce que l’on constate surtout, ce n’est pas que plus le temps passe, plus il y a d’exemples. Évidemment, au fil du temps les outils deviennent de plus en plus simples à utiliser, et je parie que d’ici 10 ans, manipuler des images sera devenu enfantin. Le point important c’est surtout… que là aussi, ça a toujours été présent, tout au long de l’histoire de la photographie. Rien de nouveau sous les tropiques 🌴🥥.
Petite précision avant de passer à la suite : j’ai pris l’exemple de la politique. Mais la modification d’images a aussi été présente, très tôt, pour d’autres domaines. Comme ici avec Joan Crawford, photographiée par George Hurrell en 1931.
Création numérique ou analogique ?
Au début de l’article, je vous expliquais que les modifications poussées des images aboutissaient, de nos jours, à des « créations numériques » ; là aussi et sans surprise, l’équivalent analogique a toujours existé.
Je pense notamment à tous les collages réalisés par des artistes, dans les années 20. Notamment ceux d’Hannah Höch.
La petite minute histoire : Hannah Höch était une artiste du mouvement Dada. Elle avait une approche unique en utilisant des matériaux recyclés tels que des morceaux de tissu et des patrons de couture pour créer ses œuvres. Inspirée par les techniques de collage de Picasso et Schwitters, elle a utilisé cette méthode artistique pour critiquer la République de Weimar. En tant que pionnière du féminisme, Höch a également utilisé son art pour dénoncer le machisme rampant de son époque. Elle s'amusait à habiller les politiciens de l'époque avec des cols de dentelle, mettant ainsi en évidence l'ironie et les contradictions de la société. Elle a également détourné les idéaux de beauté promus par la publicité de l'époque. Les compositions abstraites et humoristiques de Höch reflètent sa volonté de remettre en question les normes sociales et de dénoncer les inégalités de genre.
La vraie retouche, celle qu’on ne voit plus ?
Sur le sujet de la retouche d’images, j’aimerais qu’on prenne un peu de recul et qu’on regarde les choses d’un peu plus loin. Parce que, m’est avis que ce n’est pas la façon la plus nuisible de modifier des images, notre image.
Je pense que les filtres que l’on peut appliquer sur les images, grâce aux téléphones, pour les diffuser sur les réseaux sociaux sont beaucoup plus nuisibles. Pour l’image que l’on a de nous, que l’on renvoie à autrui, celle que l’on pense que l’on doit atteindre.
À ce sujet, je vous invite à regarder cette excellente vidéo de Cyrus North :
Si jamais vous avez la flemme de la regarder maintenant, voici les principaux points qu’il développe (j’ai remis mes notes en forme pour vous, ma bonté ne connaît aucune limite) :
- La vidéo s’intéresse aux impacts négatifs des filtres de beauté populaires sur les réseaux sociaux. Elle prend comme exemple le nouveau filtre Glamour de TikTok qui modifie radicalement le visage en l’éclaircissant, agrandissant les yeux et repulpant les lèvres, créant une beauté irréaliste.
- Plusieurs études montrent que ces filtres ont causé une hausse de 7 % des consultations en chirurgie esthétique chez les adolescents entre 2015 et 2017, liée à l’utilisation de selfies. Ils sont utilisés sur 87 % des posts de 13 à 21 ans. Ces filtres impactent négativement la confiance en soi, car ils présentent une version « idéalisée » du visage qui fait croire qu’on « pourrait être mieux » physiquement. Cela crée une dépendance liée à la récompense esthétique et sociale à chaque usage. Le filtre devient la nouvelle norme et référence.
- La « médialitéracie », compétence critique à distinguer le virtuel du réel, pourrait protéger des impacts négatifs mais reste peu enseignée. Des influenceurs devraient communiquer de manière transparente sur leur usage des filtres, en particulier auprès des jeunes.
- Bien que l’usage transparent des filtres ne soit pas problématique en soi, le vrai problème vient du diktat de la perfection instauré sur les réseaux sociaux. Les mouvements #nofilter promeuvent des selfies naturels pour contrebalancer cette obsession.
- Le Royaume-Uni a interdit les filtres sur les publicités jugées irréalistes, par la campagne #filterdrop. Les filtres reflètent notre rapport instable à notre image dans une époque où on se voit en permanence. Plutôt que de les diaboliser, il faut construire un Internet plus sain, qui accepte diversité et imperfections.
PS3 : N'hésitez pas à compléter cette vidéo des sources évoquées par Cyrus sous sa vidéo.
Au passage, vous noterez que le sujet arrive petit à petit dans notre culture, notamment via la musique pop. Cf. ce morceau de Sophie :
My face is the front of shop
My face is the real shop front
My shop is the face I front
I’m real when I shop my faceArtificial bloom
Sophie – Faceshopping
Hydroponic skin
Chemical release
Synthesise the real
Plastic surgery
Social dialect
Positive results
Documents of life
Donc oui, les images retouchées peuvent influencer l’histoire, la politique, la façon dont sont représentés les corps, mais je trouve que l’impact est sans commune mesure avec la modification de nos personnes, directement, et de façon indétectable maintenant. Comme souvent, le mal n’est pas forcément où l’on pense et le diable se cache dans les détails.
Les outils de détection
Concernant la retouche, une des façons de régler le « problème » (enfin, les réticences qu’on perçoit parfois autour d’elle, surtout dans certains usages) serait de pouvoir les détecter systématiquement. Ce serait très utile dans la presse ou sur les réseaux sociaux, par exemple. Pour faire ça, on aurait besoin de deux choses :
- Des instances de contrôles un peu centralisées. Étatiques, nationales, ou des grandes entreprises. Tout simplement parce que si on fait ça chacun dans notre coin, avec des outils différents et n’ayant pas le même fonctionnement, on ne va pas vraiment avancer. Surtout pour le grand public.
- Des logiciels efficaces de contrôle et qui sont véritablement utilisés.
Vous le savez, le premier n’existe pas. Je pensais me pencher sur le deuxième, en faisant une petite tournée des outils, en en comparant les résultats et ainsi de suite. Mais mes essais se sont globalement avérés laborieux et ennuyeux, je vous les épargnerai donc. Et en vérité, je me demande, concernant l’actualité, si la vérification factuelle, en croisant les données, n’est pas justement plus efficace. Si vous voyez Macron danser la Macarena sur la place Rouge, pas besoin de logiciel poussé pour détecter l’erreur.
J’ai plutôt choisi de prendre le problème à l’envers, et de me poser la question : jusqu’où une image retouchée peut-elle faire illusion ?
Eh bien, la réponse est : LOIN.
Tellement loin qu’en fait, des images qui n’existent même pas (qui ont été générées par de l’IA) peuvent gagner des prix. C’est le cas de cette image :
Elle a été produite par l’artiste allemand Boris Eldagsen grâce à de l’IA. Cette technologie est pour lui un outil dans son travail et non une menace. Selon lui, il y a de la place pour toutes les approches et tous les outils dans les arts (source). Pour prouver son point de vue, il a soumis une photo créée par l’IA, appelée « The Electrician », aux Sony World Photography Awards. Sa photo a remporté le prix, mais Sony n’a pas détecté l’utilisation de l’IA. En signe de protestation, Eldagsen a refusé publiquement le prix lors de la cérémonie d’ouverture pour susciter le débat. Il a expliqué : « Nous devons avoir une discussion ouverte sur ce que nous considérons comme de la vraie photographie et ce qui ne l’est pas. »
Ce débat devient d’ailleurs de plus en plus important à mesure que l’IA est utilisée dans la création d’œuvres artistiques. Si Eldagsen est convaincu qu’il y a de la place pour les créations par IA et la photographie traditionnelle, il insiste quand même sur l’importance de les distinguer clairement, notamment lorsque les gens confondent les images créées par l’IA avec des images réelles.
Donc, comment dire : peu importe les outils qui existent sur le marché, si des gros concours de photographie ne les utilisent même pas et se laissent berner par une image créée de toute pièce, on a avant tout des problèmes de méthodes à résoudre avant de s’intéresser au code.
Conclusion
Alors, la retouche ? C’est de la triche ou pas vraiment ?
Je vous laisse vous exprimer dans la boîte à commentaires. 😊
De mon côté, je vais considérer que, sur ses 184 ans d’existence, la photographie a eu la possibilité de mentir environ 183 ans. Et que ça serait un peu gonflé de venir le lui reprocher maintenant que l’outil change à nouveau.
La photographie n’a jamais été la vérité, elle ne le sera jamais.
Retouchez vos images, ne les retouchez pas. L’intention est plus importante que ces détails techniques. Au bout d’un moment, ce ne sera peut-être plus de la photographie, mais si c’est bien, qui vous en tiendra rigueur ?
Et surtout : utilisez tous les outils que l’époque nous offre. On ne va pas brider notre créativité pour une vision puriste de la photographie qui n’a jamais trop existé.
Suite à cette vidéo de Florent Garcia, je suis bloqué sur cette playlist depuis plusieurs semaines :
Et aussi sur ça un peu, que je découvre avec un temps de retard :
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