J’avais déjà parlé de l’intérêt de travailler en séries dans cet article :
Ce dernier était assez théorique et en le relisant maintenant, je me rends compte qu’il manque un peu d’exemples, exemples que cet article se chargera de présenter .
J’ai récemment été visiter le festival Circulation(s) au 104 à Paris. J’y ai découvert des photographes très intéressants. L’occasion de faire d’une pierre deux coups ici. Pour information, le festival Circulation(s) est dédié à la diversité photographique européenne et a pour vocation de faire émerger les talents. Depuis sa création en 2011, il a exposé plus de 225 artistes et reçu près de 175 000 visiteurs. C’est à la fois un tremplin pour les jeunes photographes et un laboratoire de la créativité contemporaine. Il porte cette année sur la jeune photographie européenne.
Ci dessous, les photographes dont j’ai particulièrement apprécié le travail :
Katerina Tsakiri
Katerina Tsakiri est une photographe grecque, tout juste diplômée du T.E.I. (l’Institut Éducatif technologique d’Athènes, département de photographie et arts audiovisuels). Elle travaille aujourd’hui comme photographe freelance pour des concerts, des pièces de théâtre et d’autres événements comportant une mise en scène (car selon elle, il est encore assez dur de vivre de la photographie artistique en Grèce). Elle avait 18 ans lorsque l’idée de la série lui est venue. Elle a ressenti le besoin de se remémorer des moments du passé et de son enfance en retournant dans la maison de sa grand-mère, où elle avait passé neuf années de sa vie. Son travail se compose d’une série d’autoportraits reproduisant les multiples rôles qu’une femme issue de la classe ouvrière grecque occupait durant les années 1950. Par ces représentations, elle explore l’influence exercée par sa grand-mère sur la formation de sa personnalité. Cette série est aussi son travail de fin d’étude.
J’y apprécie particulièrement la très grande maîtrise de la composition, d’autant plus que toutes ses photographies sont au format carré, format qu’il est très difficile de manipuler sans tomber dans la lourdeur.
Laurent Kronental
Laurent Kronental, est un photographe parisien autodidacte qui a découvert la photographie lors d’un voyage à Pékin. Il est fasciné par l’empreinte de l’homme sur le paysage, et la façon dont il l’habite.
Il est connu pour sa série « Souvenir d’un Futur » qui a été nominé parmi les cinq finalistes lors des lectures de portfolios organisées à Arles. Elle a été réalisée sur les grands ensembles de la région parisienne. En effet, avant-gardistes à leur construction, ils constituent désormais un espèce mis aux oubliettes, relégué. La démarche interroge à la fois la généalogie humaine et celle des espaces urbains : l’artiste étudie les personnes seniors habitant dans ces quartiers et entend aussi porter un regard nouveau sur ces lieux parfois mal considérés. On en avait beaucoup parlé sur les différents webzine liés à la photographie. J’ai apprécié de pouvoir voir ses tirages en vrai (et en grand !), et ai particulièrement été séduit par ses thématiques (qui m’intéressent aussi dans ma propre pratique).
Mark Duffy
Mark Duffy est un photographe irlandais travaillant à Londres. Il est notamment diplômé de l’IADT de Dublin et a remporté le Photobook Award de Vienne en 2015.
Sa série porte sur les récentes campagnes électorales ayant eu lieu en Irlande. Dans « Vote No. 1 », il examine la culture de la publicité électorale irlandaise, ainsi que les déformations que subissent les visages des candidats, conséquences imprévues de l’installation des affiches électorales. Comme il le dit lui même :
Ces images reflètent la désillusion croissante de l’électorat irlandais du processus politique après les années de politique d’austérité devenant brutale.
Mark Duffyduffy
Dans cette série, j’aimais bien le côté « votre environnement proche est source de création » (en plus de l’intérêt politique premier de sa série). C’est une difficulté assez paradoxale, il est plus facile de voir les choses avec un regard neuf dans un lieu inconnu (lors d’un voyage par exemple) qu’à côté de chez soi, le regard s’étant certainement usé d’avoir trop vu ces lieux. Mark Duffy, me rappelle qu’il ne faut pas oublier de regarder autour de soi, et c’est une bonne chose.
Prazlab (Veronika Krenn & Vesela Mihaylova)
Prazlab est un duo composé de Veronika Krenn et de Vesela Mihaylova. Le duo travaille en utilisant la nourriture comme outil de communication universel. Leurs travaux ont été présentés de multiples fois, par exemple au Musée d’art contemporain de Bucarest, au Sonar Festival, ou à l’Institut Goethe de Sofia. Elles ont remporté le prix Gabriele Heidecker en 2014.
La série « Linzer Torten Diagramm » étudie les données sociales et démographiques en se centrant sur la condition des femmes. Le duo Prazlab a préparé neuf gâteaux ; la recette de chacun est réalisée à partir de données statistiques (prises entre 2003 et 2011) centrées sur les femmes. Ainsi, les ingrédients principaux de chaque recette sont calculés à partir des données de la ville de Linz : le nombre de femmes vivant dans la ville, le taux de chômage des femmes, la différence entre leur taux de mortalité et leur taux de natalité, etc.
Personnellement, une série de photographies, qui montre l’évolution de la société via des tartes, en utilisant les statistiques, je trouve ça génial. Surtout qu’à réaliser, ça n’a pas dû être du gâteau… 😀
Yoann Cimier
Yoann Cimier est un photographe français, issu de l’Établissement Cinématographique et Photographique des Armées et du milieu de l’édition. Il vit en Tunisie depuis 2007 et y officie désormais en tant que photographe indépendant.
En déambulant sur les plages tunisiennes durant l’été, il a fasciné par les constructions éphémères que créent les Tunisiens lorsqu’ils se rendent à la mer. A ses yeux, il ne s’agit pas d’un phénomène anodin : chaque élément de ces campements éphémères est révélateur. En observant la manière dont la population locale prend possession de l’espace balnéaire le temps d’une journée, il rend compte des dynamiques traversant la société tunisienne. Ce qui interpelle, c’est la multiplicité et la diversité des formes réalisées avec une variété infinie de matériaux de récupération. Une diversité qui transforme un simple abri récréatif en un objet indiscipliné, en rupture avec le temps, l’espace et l’ordre établi. Un entre-deux (ni chez soi, ni vraiment dehors) privilégiant le rapport à la nature, ultime espace de liberté en marge des conventions sociales.
Vilma Pinemoff
Vilma Pimenoff est une artiste finlandaise titulaire d’une maîtrise en photographie à London College of Communication, qui vit et travaille à Helsinki. Son travail est souvent en rapport avec la sémiotique et explore les façons dont nous percevons le monde autour de nous à travers les signes et les symboles. Elle est également intéressée par l’observation des conventions culturelles à travers son étude des objets quotidiens.
Cette série est inspirée de la peinture classique, dans laquelle les natures mortes rappellent au spectateur que sa vie sur Terre est limitée. Là, ses natures mortes sont réalisées avec de la toile cirée. En utilisant des matériaux plastiques, qui mettent plusieurs centaines d’années à se décomposer, l’artiste renverse le rapport à l’éphémère, la série, intitulée « 21st Century Still Life » s’avère une réflexion de l’artiste sur le consumérisme et le rôle de l’image dans la société consumériste.
Conclusion
Au final, il faut retenir deux choses de cet article (qui est plus démonstratif que réflexif, je vous l’accorde) :
- Chaque photographe trouve sa propose inspiration dans son parcours et dans ce qu’il est. L’idée de votre prochaine série de photographies est sans doute déjà à portée de votre main.
- Allez voir des expositions, même si le résultat du travail d’autrui ne vous plaît pas forcément, il y a toujours quelque chose à prendre de la démarche d’un autre artiste (ou inversement, mais c’est tout aussi utile).
Prenez soin de vous, et allez faire des photos.
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