(…) are (…) outnumbered…
The Devil Wears Prada – Outnumbered
The virus has completely devastated over 150 of the world’s major regions, and is spreading rapidly.
At this point in time we know of only one method of killing the creatures: We destroy the brain.
Beyond the guard of any loved ones who may have recently been in any sort of contact could be infected,
And if you find yourself out in a threatened position, please do not hesitate to act.
Again, this is not a test.
This is not a joke.
We as a species are overwhelmed.
We are outnumbered!
Quoi de mieux que l’image d’une invasion zombie, d’une horde de morts vivants, pour évoquer ce qui fracasse des crânes ? Ce dans quoi, pour frayer son chemin, il est nécessaire de faire sauter de la matière grise dans tous les sens, arrosant murs et vêtements, chaussures et revêtements, tel Rick Grimes à la fête de la hachette.
Bienvenue dans le seul article qui va parler de ce que je ne comprends pas, mais que j’aime infiniment dans la photographie. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est ici relativement normal, aujourd’hui on va parler Punctum. Du mien. Des miens.
Au passage, je vous conseille fortement d’avoir lu l’article que j’ai écrit sur La chambre claire. Déjà parce qu’il est bien, et ensuite parce que sinon vous n’allez rien comprendre à celui-ci . Pour résumer l’épisode précédent, dans son ouvrage, Barthes pose le concept de Punctum, un élément de la photographie qui point le lecteur, le pique au vif, sans qu’il ne puisse le décrire. Un je-ne-sais-quoi, un peu mystique, qui nous chatouille l’arrière du crâne indéfiniment quand nous repensons à certaines images.
Ps : Je vais utiliser 3 éléments communs à tous les films de zombies pour analyser un peu le rôle du Punctum dans ma lecture et mon appréciation des photographies, et former les métaphores qui composeront cet article. Oui, oui, c'est possible, barré, mais possible. Au menu : Fracassage de crâne ou l'impact photographique du Punctum, le zombie ou l'intrinsèque absence de réflexion, et l'analogie du virus. Ces métaphores sont à apprécier séparément, elles ne forment pas un tout cohérent, je me sers justes d'analogies que je trouve pertinentes pour traiter ce sujet. Dans les deux premières métaphores, les photographies représentent ce qui tape sur la tête des pauvres êtres avides de Punctum que nous sommes, et dans la dernière, le Punctum est comparé au virus.
Un magnum chargé à bloc
Rien de mieux pour commencer que quelques exemples. Ces images sont issues du livre Magnum Magnum (présent dans la bibliographie) consacré aux photographes de la célèbre agence éponyme. Cet ouvrage s’est révélé être empli d’images saisissantes, j’aurais pu en mettre plus, moins, ou issues d’autres auteurs, mais quoi qu’il en soit il était impossible d’être exhaustif, et de toute façon le choix est trop personnel.
Afin de rester cohérent, je ne vais pas vous expliquer image par image ce qui m’a saisi, parce que comme la définition l’implique, il y a une part d’inexplicable là dedans et que je ne souhaite influencer personne. Alors, oui, j’ai parfois ma petite idée (la composition, le jeu entre les personnages, le mystère), mais cela relève assez souvent plus du Studium que du Punctum (quand je vous disais en introduction qu’il fallait avoir lu l’article précédent 😀 ).
Je vous laisse découvrir les images, n’hésitez pas à vous y attarder un peu, on a le temps, et on est entre nous là. En route pour le fracassage de crâne (j’exagère à peine).
Zombie. Manger. Zombie. Manger.
Bon, il n’aura échappé à personne, que les zombies dans les œuvres qui leur sont dédiées, ne passent pas vraiment leur temps à lire du Proust ni à se préparer aux primaires de leurs partis politiques respectifs. Le programme tend plus vers le massacre, la marche sans fin mais avec faim, et l’absence totale de réflexion. Et c’est un peu vers ça que m’amène le Punctum dans les images précédentes.
Même si je peux en partie analyser leur composition, les couleurs ou ce qui m’a accroché l’œil, il y a quand même une partie qui reste mystérieuse. A la limite, je peux savoir quoi, mais pas pourquoi. C’est ce qui m’a captivé à la première lecture, ce qui fait que parmi les 600 pages de l’ouvrage et les centaines d’images qu’il offre, ce sont celles-ci qui m’ont suffisamment travaillé le ciboulot pour que je finisse par les mettre dans un article. Et plus généralement, les garder en moi, dans ma culture et y faire régulièrement référence pour analyser les images qui me seront soumises par la suite.
D’ailleurs, pour être un peu plus pratique, l’absence de réflexion, c’est aussi un moyen de trouver les images qui possèdent un Punctum qui vous touche. Il ne s’agit pas d’emprunter tous les livres de la bibliothèques et de les lire un par un, crayon à papier en main, en analysant chaque image pour savoir si oui ou non elle vous point. C’est même plutôt l’inverse, ici, candeur et légèreté seront vos alliés. Ainsi, il n’y a rien de plus efficace que de se balader dans une exposition, ou de feuilleter un livre, en n’y prêtant qu’une attention légère, et les images vous poindront, vous interpelleront d’elles-mêmes. Bon, ça paraît baigner dans la plus pure des évidences, mais souvent ces images ont un Punctum intéressant.
Une morsure, et le virus passe.
Élément central de tout film zombiesque digne de ce nom : un bon gros virus qui se répand plus vite qu’une MST à l’anniversaire de DSK après la 3e coupe de champagne. En effet, s’il y a bien une des caractéristiques essentielles de la photographie par rapport à tous les autres arts, c’est sa capacité à se propager de façon exponentielle. Ce qui est encore plus vrai depuis quelques années, notamment grâce aux smartphones. Chaque fait d’actualité, illustré par une image bien trouvée, fait le tour du monde en quelques heures, pour le meilleur ou pour le pire.
Autant, comme je l’avais expliqué dans l’article sur la démarche photographique, la beauté se veut universelle mais ne l’est pas vraiment, autant je crois que c’est plus vrai pour le Punctum. Même si chacun a sa sensibilité, et que ça ne sera jamais statistiquement vrai, j’ai tendance à penser que certains Punctums sont communs, voir universels. Allez à une exposition avec quelques copains (si vous n’en avez pas, louez-les sur internet) et testez, il y a quand même des chances que certaines œuvres vous piquent tous au vif. Pour illustrer cela, prenons le meilleur exemple de tous : le témoignage de l’histoire.
La Joconde, tableau connu parmi les connus, fascine les Hommes depuis des siècles (depuis 1503 précisément). Bien qu’il ne s’agisse que d’un simple portrait, l’oeuvre de Vinci nous point dès que l’on pose le regard dessus, et comme l’expliquait Barthes, sans que l’on puisse vraiment expliquer pourquoi. Son regard ? Son sourire ? Le mystère autour de la réalisation ? L’identité du personnage ? Quoiqu’il en soit, il s’agit d’une oeuvre universelle, donc le Punctum passe de crâne en crâne, sans que l’on puisse l’arrêter, tel un beau virus.
Conclusion
Eh oui, donc c’est possible de mentionner DSK, un virus, des zombies, la Joconde, et Barthes dans un même article. C’était la folie complète mes amis ! Si vous avez des exemples d’images qui vous ont point.e.s, c’est comme les cartes pokémons, on peut les échanger : la boîte à commentaires est là pour ça.
J’en profite pour glisser cette citation présente dans l’ouvrage Magnum Magnum. Le principe du livre est que chacun des photographes de l’agence présente une sélection d’images ainsi qu’un court texte sur le travail d’un autre. J’aime beaucoup ce qu’à dit Antoine d’Agata1 sur les images de Mark Power, et dans le contexte de cet article, ça marche plutôt bien :
La civilisation est contaminée, les mythes périmés s’effondrent
Antoine d’Agata
Je vous laisse avec le morceau qui m’a inspiré l’article.
- Cet article sur Antoine d’Agata par Télérama est aussi très intéressant : Antoine d’Agata : “Je fais de la photo comme un alcoolique tiendrait un journal intime” ↩︎
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