Améliorer une photographie en post-production est nettement plus agréable que de la corriger. D’où l’intérêt d’apprendre à voir en noir et blanc : pas de super pouvoirs nécessaires ici ou de magie, mais juste un peu de connaissance des éléments clés à observer pour produire ce qui sera un bon noir et blanc. Cette approche en amont est celle du travail et de l’anticipation, par opposition à celle, un peu facile, qui consisterait à s’appuyer en aval sur des logiciels de post-production, ou sur le travail dans le laboratoire pour ceux qui utilisent de l’argentique.
Comprendre les bases de la couleur
Comprendre les bases de la couleur est essentiel pour avoir une maîtrise, en amont, de ce que sera votre photographie finale. Au final, c’est assez simple, la couleur se compose de trois éléments :
Teinte – Saturation – Luminosité.
Cette conception des couleurs est employée en informatique, c’est le modèle Teinte-saturation-lumière. Mais pas de panique, il n’y a pas besoin de rentrer dans tous les détails ici.
La teinte est la forme pure d’une couleur en ce qu’elle s’oppose au blanc, au noir et au gris. C’est le « type » de la couleur, sa grande famille si vous préférez (le rouge, le bleu, le vert, etc.).
La saturation correspond à l’intensité de la coloration, en ce qu’elle se distingue du gris, dit aussi achromatique. Par exemple pour le rouge, on pourrait aller d’un rouge peu saturé (tirant sur le gris) à un rouge très vif, comme sur les panneaux de signalisation routiers.
Enfin, la composante luminosité exprime l’impression de clarté, de brillance de la couleur: ce même rouge peut être sombre, ou très clair.
Tous ces éléments n’ont pas le même impact une fois une image convertie en noir et blanc. Il faut bien comprendre le rôle de chacun des aspects d’une couleur dans une conversion en noir et blanc, afin de pouvoir, dès la prise de vue, produire l’image qui rendra le mieux une fois en noir et blanc. A vrai dire, les deux premiers paramètres n’ont aucune influence sur le résultat final. Par exemple :
Dans cette première image, toutes les formes ont le même niveau de saturation, la même luminosité, mais des teintes différentes. Mais une fois l’image convertie, on obtient 3 fois la même nuance de gris. La teinte n’a donc pas d’importance en noir et blanc, ce n’est pas là qu’il faut regarder. L’image d’origine est aussi un peu trompeuse, à cause de la présence du jaune. En effet, l’œil humain a tendance à considérer certaines couleurs ou saturations comme « plus lumineuses », ce qui n’est pas forcément le cas dans la réalité. Le pentagone jaune paraît plus clair car on associe cette couleur au soleil.
Pour ces images, on a cette fois pris deux carrés avec la même teinte (ici du rouge), la même luminosité, mais une saturation différente. Encore une fois, quand l’image est convertie, le résultat est identique. Le niveau de saturation n’influence donc pas le résultat en noir et blanc.
Reste donc… la luminosité. C’est elle qui va définir le rendu en noir et blanc d’une image en couleurs, comme on peut le voir sur ces images, où seule la luminosité varie d’un carré à l’autre. Donc plus il y a de variations de tonalités (des verts clairs et foncés dans un paysage par exemple) plus l’image en noir et blanc sera riche de nuances. C’est cela qu’il faut rechercher à la prise de vue.
Qu’est-ce que le contraste ?
Le contraste est le deuxième aspect à observer à la prise de vue. Il s’agit de la différence entre le ton le plus clair, et le ton le plus sombre présent sur une image. Par exemple, dans les 2 images suivantes, la première est très peu contrastée (la valeur la plus claire n’est pas très éloignée de la plus sombre) ce qui a un rendu assez plat, et qui rend difficile la distinction du sujet. Dans la deuxième image (toujours aussi sublime) le contraste a été poussé numériquement, on note la présence de noirs et de couleurs très lumineuses, l’image gagne en lisibilité.
Le contraste se lit (entre autres choses) via un histogramme. On les trouve sur les boitiers (à la lecture des images, ou à la prise de vue, ce qui est très pratique), et dans les logiciels de post-production. Ils mettent en relation le nombre de pixels (en ordonné) et la luminosité (en abscisse, du plus clair au plus sombre).
Généralement il est conseillé de ne pas avoir de pixels (les zones noires dans le graphique) qui touchent l’un ou l’autre des bords, l’image étant alors soit bouchée (jusqu’à la perte de données dans les tons sombres) soit cramée (l’inverse dans les tons clairs). Mais en art il ne faut jamais dire jamais, surtout en noir et blanc. Servez-vous des histogrammes comme d’une grille d’analyse, pas comme d’un objectif à atteindre. Pour détoner, une image en noir et blanc a besoin de contrastes, et certaines images « bouchées » sont magnifiques. En témoigne, à titre d’exemple, le travail de Lee Jeffries sur les SDF de Los Angeles.
Dernier point concernant le contraste : le contraste tonal d’une scène (les écarts de luminosités – entre différentes teintes ou non) fera l’intérêt du noir et blanc. Il ne faut pas le confondre avec un contraste de couleur, la teinte disparaissant lors de la conversion.
Lors de la conversion, l’orange du sable et le bleu du ciel rendent le même gris, leur différence s’estompe. Ce n’est que dans les nuages, que la lumière frappe différemment d’un nuage à l’autre que des nuances persistent.
Conclusion
Pour résumer, lorsque vous photographiez avec l’intention de produire du noir et blanc, vous devez être particulièrement attentifs aux écarts de luminosité et donc, de contraste. A cela s’ajoutent évidemment la lumière et la composition. En effet, la couleur étant un élément de composition, l’enlever change l’équilibre d’une image. Ceci est le sujet du 3e article sur le noir et blanc.
Notes :
- Cet article fait partie d’une série sur la photographie en noir et blanc. Retrouvez les autres articles ici : Pourquoi photographier en noir et blanc ? [N&B 1/4] ; Composer une image en noir et blanc [N&B 3/4] ; Le noir et blanc dans la photographie contemporaine [N&B 4/4].
- Ces articles se basent en partie sur la conférence d’Eileen Rafferty pour B&H : Seeing in Black and White with Eileen Rafferty ainsi que sur le livre de Mante, H. & Gilbert, V. (2012). Composition et couleur en photographie. Paris: Eyrolles. (cf. la bibliographie)
- (1) Cet exemple a été emprunté au blog Apprendre la photo. (retour au texte)
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