La photographie amateur (1) est, malheureusement, peu valorisée sur le web. En effet, à force de parcourir les différents blogs liés à la photographie (Lense.fr, Fstoppers, Petapixel, Le monde de la photo, Virusphoto, etc.) on se rend compte que ceux-ci poussent beaucoup à concevoir la photographie sous le prisme des règles de la photographie professionnelle (2). Ce goût pour la photographie commerciale se retrouve aussi, logiquement, en aval sur les plateformes de publication.
Ps : Pour cet article nous considérerons comme "amateur" tout photographe ne prenant pas de commandes pour vivre de la photographie. En ce sens, les grands photographes sont à considérer comme des amateurs/artistes vivant de leur art. Et comme rien n'est tout blanc ou tout noir, certains photographes sont entre les deux. Voir à ce sujet : Où est passée la connaissance sur la photographie ?
Quand j’ai commencé la photographie, étant en quête d’inspiration, je passais pas mal de temps sur les blogs et différents sites de publication (Flickr, 500px, les forums F/1.4 quand ils existaient encore…). Une énorme partie des conversations y concernent toujours le partie « comment » d’une photographie. J’entends par là tout ce qui a trait à la technique au sens large : quelle focale, quel appareil, quels réglages, le développement Photoshop, Lightroom, quels éclairages, etc. On y lit souvent les mêmes clichés, les mêmes débats qui reviennent éternellement. Dans l’absolu rien de grave, si ce n’est un certain ennui. Mais cela aboutit à quelque-chose d’assez étrange : au final, beaucoup de photographes appliquent la même recette, lue et répétée 500 fois, pour faire toujours la même chose. Sans se poser la vraie question : Pourquoi est-ce que je photographie ça ?
Si le sujet vous intéresse, je vous invite à lire cet article pour le creuser un peu :
La page d’accueil de 500px en est très symptomatique : vous y verrez 500 fois le même coucher de soleil, les mêmes portraits vides d’émotion. La technique est très bien maîtrisée, par contre, je me demande toujours pourquoi on continue à prendre ce genre de photographies quand on n’est pas obligé de le faire.
Michael Freeman aborde ce sujet dans son ouvrage Saisir la lumière (cf. la bibliographie). Il y a 10-15 ans, réaliser ce genre de photographies était très difficile, la pellicule ne permettait pas de gérer les différences de contrastes aussi simplement qu’un RAW peut le faire maintenant.
Du coup, présenter ce genre de clichés était rare, apprécié, et très valorisant pour le photographe et sa technique. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? N’importe qui, après avoir lu quelques tutoriels, peut réaliser ces images, l’intérêt en est donc très limité.
Il faut bien comprendre que l‘intérêt d’être un photographe amateur est tout l’inverse : vous n’êtes pas contraint par le besoin de plaire à un client pour gagner votre vie. Un photographe professionnel doit répondre à des commandes, impossible pour lui de rendre des photos en N&B pour un packshot si on ne lui a pas demandé.
Vous, vous êtes libre de vous exprimer, de créer, composer, construire une démarche. Vous n’avez donc aucune raison d’appliquer à votre travail ces règles, oubliez-les : la règle des tiers, les consignes d’exposition, les règles de développement, les consignes d’éclairage, de composition. Documentez-vous, mais faites ce que vous voulez, et uniquement quand cela sert votre propos. C’est cette liberté qui rend la photographie amateur si intéressante. Inversement, il ne faut pas évaluer un travail photographique sous le prisme des règles de la photographie professionnelle et de sa technique, mais bien évaluer la réalisation par rapport à l’intention de départ et à la réception, toute personnelle, que vous en avez. Une photographie étant logiquement issue d’une démarche propre à chacun, c’est le seul point de départ pour en évaluer la pertinence.
Voici quelques exemples, majoritairement tirés de Pourquoi ceci n’est pas une photo ratée : la photographie contemporaine expliquée de J. Higgins. Y sont présentés des artistes dont la démarche est très loin de la photographie mise en avant sur les plateformes citées précédemment, et donc d’autant plus intéressante.
Lee Friedlander
Lee Friedlander est un photographe américain. Il a beaucoup joué avec la notion de portrait, notamment en se photographiant toujours indirectement, en étant caché derrière un objet ou en photographiant son ombre.
William Eggleston
William Eggleston, un pilier de la photographie contemporaine, est un coup de cœur personnel. Eggleston s’intéresse au banal, qu’il photographie sans cesse depuis les années 60 autour de Memphis. C’est l’un des pionniers de la photographie en couleur dans le monde de l’art.
Pour en apprendre plus sur son parcours, je vous invite à regarder cette vidéo que j’ai écrite pour apprendre la photo, et une autre où j’explique l’intérêt de cet étrange tricycle 😊
Jennifer West
Jennifer West est une photographe californienne. Elle utilise de la pellicule, qu’elle traite en fonction de son sujet. S’intéressant beaucoup au surf, elle passe ses négatifs à l’eau de mer, dans le sable, pour un rendu totalement unique.
Andreas Gursky
Andreas Gursky, est un photographe allemand issu de l’école de Düsseldorf. C’est un de mes photographes préférés, il photographie les réalisations de l’humanité bâtiments, routes, supermarchés) en moyen/grand format, ce qui leur confère une impression de gigantisme. Il est aussi l’auteur de la photographie la plus chère de l’histoire.
Michael Wesely
Michael Wesely est un autre photographe allemand. Il travaille sur le temps, et les poses longues, très longues… Celles-ci sont parfois prises sur plusieurs années, le temps de la construction d’un bâtiment, de travaux. Cela offre un témoignage unique de l’activité humaine et du passage du temps.
Abelardo Morell
Aberlardo Morell est un photographe cubain basé à Boston, USA. Il photographie en utilisant la technique de la camera obscura. Un procédé datant de la renaissance, qui consiste à obtenir une projection de la lumière sur une surface plane d’une boite, sur lequel on a percé un trou (d’où entre la lumière). Elle servait notamment aux peintres. Morell s’en sert lui à une échelle beaucoup plus grande, en projetant l’image de l’extérieur de la pièce (soit la boite) sur le mur de celle-ci (la surface plane), et en photographie le résultat. On a donc une image de l’extérieur, prise de l’intérieur, à l’intérieur d’une camera obscura. Magique.
En étant amateur, seul le résultat compte, votre méthode/technique n’est plus qu’un moyen d’y parvenir.
Pour conclure, voici une vidéo de DigitalRev qui présente les 8 niveaux d’un photographe (en anglais, mais ça se comprend bien). Je vous laisse découvrir quel est le 8e 😉
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