Vous avez vraiment cru que je ne vous avais pas vu filer, avec vos tongs, votre parasol sous le bras, un tube de crème solaire dans le sac, direction la plage ? Que nenni, si vous pensiez que l’été sonnait l’heure des vacances, c’est râpé, hop hop hop, on retourne au boulot ! Enfin, plus sérieusement, les vacances c’est aussi, pour moi, l’occasion de lire ce que je n’ai pas le temps de lire le restant de l’année. Ce qui explique qu’il y a souvent plein de billets qui déboulent sur le Blog à la rentrée.
Bref, j’ai pensé à vous, je vous ai concocté une petite sélection de Photo Poche, qui tiennent dans un sac, pour découvrir, apprendre, étudier, peu importe où que vous soyez. On y va.
Ps : si vous voulez acheter un ouvrage, cliquez sur la couverture ;)
La collection
La collection a été créée par Robert Delpire en 1982 au Centre National de la Photographie. Elle comporte désormais plus de 150 numéros, chacun abordant l’oeuvre d’un photographe ou un thème précis. L’idée étant de constituer une sorte d’histoire de la photographie à travers ses grands maîtres (de Cartier-Bresson à Gilden, en passant par Françoise Huguier). Bref, c’est une référence. Les ouvrages sont toujours édités selon le même modèle :
- Un format de 12.5 × 19 cm comportant cent quarante-quatre pages, c’est pratique ça s’emporte partout. Et comme ils font tous la même taille, c’est très joli sur la bibliothèque.
- Une introduction, présentant l’auteur et son parcours. Toutes sont très bien écrites (par un proche, un conservateur, un biographe).
- Une soixantaine de photographies, toujours bien éditées et qui permettent d’apprécier le travail de l’auteur. C’est du propre, pas une vieille impression sur un cornet à frites huileux.
- Une biographie du photographe synthétique (là où l’introduction est parfois plus théorique), pour avoir les dates clés et bien mémoriser son parcours et sa place dans l’histoire de la photographie.
- Une bibliographie sélective, ce qui est vraiment top. Cela fait d’un Photo Poche une porte d’entrée dans l’oeuvre d’un artiste. A partir de la bibliographie, vous pouvez découvrir toutes ses autres œuvres en ayant déjà une petite connaissance de ce qui vous attire là dedans.
- La liste des expositions passées, si un jour vous inventez une machine à voyager dans le temps, c’est utile.
Autre avantage : le prix ! C’est une collection très abordable, il faut compter 13€ par ouvrage (c’est le même prix pour tous, à quelques rares exceptions), ce qui est assez intéressant. En effet, il arrive souvent que les monographies des photographes avoisinent les 50€. Là, pour 1/4 de la somme, vous pouvez découvrir leur travail, et l’avoir toujours sous le coude. Top, non ?
Quant à la méthode de travail, je vous conseille de faire comme suit :
- Lisez-les, oui, c’est évident.
- Prenez de quoi prendre des notes, et analysez chaque image. C’est la meilleure façon de rentabiliser le bouquin. Pourquoi telle image est-elle composée ainsi ? Telle couleur à tel endroit ? Est-ce que vous vous auriez fait comme ça ? Pourquoi ? Progrès garantis.
- Si le travail de l’artiste vous plaît, continuez avec un ouvrage de la bibliographie, sinon, passez au Photo Poche suivant.
Maintenant que vous savez tout ce qu’il y a à savoir sur la collection, démarrons, cette petite sélection estivale.
Harry Gruyaert
Harry Gruyaert est un photographe belge, membre de l’agence Magnum Photos depuis 1981. Honnêtement, si à un moment ou l’autre de votre parcours photographique vous envisagez de vous mettre à la couleur (ce qui m’est arrivé y a peu, voir ici), ça va être difficile de passer à côté, un peu comme le péage sur l’autoroute.
Gruyaert fait partie de la dream-team des photographes ayant imposé la photographie couleur dans le monde de l’art dans les années 1970-1980 (avec des side-kick comme Saul Leiter, Joel Meyerowitz, Stephen Shore ou William Eggleston, je vous ai déjà parlé d’Eggleston ? Faudrait que je le fasse un jour.). C’est aussi, et surtout, le seul Européen de cette vague, qui donnera à la couleur une dimension purement créative, une perception émotive, non narrative et radicalement graphique du monde. Il sait jongler entre une esthétique dépouillée et une très complexe : il s’agit d’essais de palettes différentes couleurs, de différentes densités dans le cadre, etc. Cela confère à son travail un véritable aspect de recherche.
Pour l’anecdote, Henri Cartier-Bresson (voir ci-après), a visité son exposition sur le Maroc chez Robert Delpire en 1978, et lui a proposé de colorier avec des pastels ses propres images en noir et blanc. Harry Gruyaert refusa et lui répondit qu’il n’est pas peintre (sous entendant aussi que la photographie couleur était un médium suffisant pour s’exprimer). Ce qui est rigolo, étant donné que Cartier-Bresson se considérait avant tout comme un peintre. Et ça me fait une transition facile, donc bon, quand on a le bon filon, c’est con de creuser à coté, hein.
Il s’agit d’une vraie bagarre avec la réalité, une sorte de transe pour enregistrer une image ou peut-être tout manquer. C’est dans cette bagarre que je me situe le mieux.
Harry Gruyaert
Henri Cartier-Bresson
Ce n’est pas du tout la première fois qu’on parle d’Henri Cartier-Bresson ici, afin d’éviter les redites, je vous invite à (re)lire les billets suivants :
- Henri Cartier-Bresson – Images à la sauvette
- Pourquoi Henri Cartier-Bresson c’est de la pizza
- « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre » ou le leitmotiv d’Henri Cartier-Bresson
- Pour en finir avec les clichés sur la photographie (ou on en parle un peu, mais moins).
Ps : Tous ces billets sont regroupés sous ce tag.
Bref, à ce moment de l’article vous êtes censé être déjà convaincu d’étudier les photographies de ce bon vieux Henri. Si ça n’est pas le cas, dites-vous bien qu’il est très difficile de passer outre l’oeuvre d’un artiste ayant eu un impact aussi retentissant sur la photographie. Quoiqu’il en soit, chaque image de Cartier-Bresson aura quelque chose à vous apprendre, que vous l’aimiez… ou non !
Daido Moriyama
Daidō Moriyama (森山大道 pour les intimes) est un photographe japonais, dont les photographies témoignent de l’évolution des mœurs dans le Japon de la deuxième moitié du XXe siècle. Il est surtout connu pour son esthétique très tranchée, en noir et blanc plus qu’en niveaux de gris, qu’il obtient au développement de ses négatifs (en les laissant un peu trop mariner, je crois). Il officie principalement à Shinjuku, un quartier de Tokyo, où il erre, tel un chien (comme il aime le dire), à la recherche d’images. Ses compositions sont originales, jouant des plans et des reflets, du cadrage et de la proximité, le tout donnant à ses images un aspect direct et brutal que j’aime beaucoup.
Bref, à la plage, là où l’on est toujours tenté de produire des images lissées (ce qui n’est pas un mal), il est toujours agréable se rappeler que l’inverse se fait et s’apprécie à l’autre bout du monde.
Ragnar Axelsson, dit « RAX »
Ragnar Axelsson, auto-surnommé « RAX », est un photographe islandais. Il est connu pour ses photographies du Grand Nord. Ce qui l’a amené là-bas, en tant que journaliste est assez drôle. En fait, vivant en Islande, il était toujours le dernier arrivé sur les événements internationaux, parce que chaque voyage nécessitait un trajet en avion au minimum pour se rendre sur les lieux. Du coup, il a pris le chemin inverse : aller là où personne ne va. J’apprécie énormément son travail, pour sa maîtrise technique, son sens de la composition et de l’image, mais aussi pour le dépaysement qu’il dégage.
Donc pour vous le dire clairement, RAX va vous filer un coup de froid là où vous aurez chaud, va vous faire claquer des dents à la plage.
La photographie sociale
La photographie sociale est la photographie d’investigation et de communication sur les problèmes sociaux. C’est une photographie militante dont l’objet est de témoigner en faveur des victimes et de contribuer à la résolution des problèmes par le témoignage direct et l’action sur l’évolution des mentalités
Michel Christolhomme, chargé d’édition et auteur des textes de l’ouvrage.
Ce dernier Photo Poche de la liste est un peu différent des autres, parce qu’il ne se penche pas sur un seul photographe mais sur des dizaines, qui ont contribué à la photographie sociale. Vous y croiserez Sebastião Salgado, Dorothea Lange, et vous irez des des bas-fonds new-yorkais de Jacob Riis, aux « nouveaux pauvres » de Jean-Louis Courtinat. Le tout formant un panorama complet et quasiment exhaustif du sujet, soit un ensemble d’hommes et de femmes qui ont choisi de mettre leur pratique de la photographie (et leur talent d’artiste) au service des victimes des multiples formes de la souffrance sociale. La photographie sociale, du XIXe siècle à nos jours, ne cesse de décrire la condition humaine dans tous ses aspects en contribuant, parfois, à améliorer le sort des êtres et des groupes dont elle révèle la difficile existence.
L’ouvrage présente chaque photographe avec sa biographie et une image, une façon simple et efficace de découvrir plein de choses, tout en s’intéressant à des œuvres porteuses d’un message profondément humain.
Conclusion
J’espère que ce billet vous aura aidé à remplir ce petit espace qui reste toujours dans votre valise. Quoiqu’il en soit, lisez, lisez, lisez, cela reste une excellente façon de découvrir des choses et de progresser. A l’inverse, si votre valise est déjà pleine de choses fantastiques, n’hésitez pas à me les conseiller dans les commentaires, je ne refuse jamais un bon bouquin.
Pour information, si vous en voulez encore plus : je parle d’ouvrages aussi dans ces billets :
Mais aussi ici :
- Tous les ouvrages que je conseille sont disponibles dans la Bibliographie.
- Tous les articles parlant de livres, ou en étant inspirés, sont disponibles ici : Les fiches
Enfin, n’hésitez pas à cliquer sur cette boite et ainsi, rendre le monde un peu meilleur :
J’ai écouté cette playlist en rédigeant l’article. Et si vous voulez que votre été groove, faites de même !
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